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Dr Heinrich Bedford-Strohm, bishop of the Evangelical Lutheran Church in Bavaria

Mgr Heinrich Bedford-Strohm, évêque de l’Église évangélique luthérienne de Bavière et président du Conseil de l’Église évangélique en Allemagne, prononce son discours lors du symposium explorant les défis et les opportunités pour un avenir numérique plus juste.

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« La logique commerciale de l’économie numérique et le puissant impact qu’elle a sur la communication personnelle et publique menace le tissu même du discours, pourtant crucial pour les sociétés démocratiques. Le fait qu’Internet regorge de fausses informations, de discours haineux, de théories du complot, et de contenus extrémistes, n’est pas une coïncidence. Il y a une raison à cela », a déclaré Mgr Bedford-Strohm.

Le Symposium historique, notamment organisé en collaboration avec le Conseil œcuménique des Églises (COE) et l’Association mondiale pour la communication chrétienne (WACC), vise à explorer l’impact de la transformation numérique sur les communautés et les sociétés.

D’autres organisations ont également collaboré à l’organisation du Symposium, parmi lesquelles Brot für die Welt (Pain pour le Monde), Evangelische Mission Weltweit in Deutschland (Association des Églises et missions protestantes en Allemagne), et la Fédération mondiale des étudiants chrétiens. Le Symposium bénéficie également du soutien du Gouvernement fédéral allemand.

« Attirer les utilisateurs extrêmes »

Mgr Bedford-Strohm a rappelé que, selon les études, des plateformes comme YouTube attirent rapidement les utilisateurs vers un contenu plus extrême, voire extrémiste, grâce à leurs recommandations et leurs algorithmes.

« Les plateformes n’évaluent pas le contenu politique, ni ne créent leurs algorithmes en fonction de critères de vérité ou de certaines valeurs fondamentales. Elles ne font que proposer du contenu présentant un potentiel publicitaire, afin de gagner plus d’argent », a-t-il déclaré. « Si les contenus les plus extrêmes sont ceux qui génèrent le plus de revenus financiers, alors les algorithmes les mettront en avant, sans tenir compte du fait que cela puisse porter préjudice à la démocratie ou à la promotion de la dignité humaine ».

Selon lui, les Églises doivent être « au cœur des discussions » sur ce qui pourrait arriver si certains venaient à considérer la numérisation comme l’accomplissement d’une vision biblique.

« On commence à sentir un peu de l’esprit pentecôtiste souffler sur les nouvelles possibilités du monde numérique et son modèle de communication non hiérarchisé du tout-à-tous », a également déclaré Mgr Bedford-Strohm.

Il a ensuite évoqué l’apparent « miracle de la communication » auquel il a assisté lorsque, il y a quelques années, alors qu’il s’était réuni avec des étudiants de l’Institut œcuménique de Bossey, une jeune femme géorgienne lui a montré une application de traduction qui permettait de retranscrire simultanément ce qu’elle disait en géorgien, dans sa langue allemande.

« Pourtant, il existe bel et bien des différences entre le miracle linguistique pentecôtiste et ce miracle linguistique numérique. Les algorithmes, qui régissent une grande partie du monde numérique, ne sont pas créés par Dieu mais par l’Homme », a-t-il alors expliqué.

Et d’ajouter : « ce qui apparaît dans la sphère numérique ne vient pas de nulle part, comme par magie – tout est guidé et contrôlé. Les responsables de ce changement ont un numéro de téléphone et une adresse e-mail.

« Par conséquent, ce qui se passe dans et avec le monde numérique doit être contrôlé par une action humaine. Même si – espérons-le – elle est guidée par l’esprit de Dieu, l’action humaine est essentielle ».

Il a également souligné le fait que la présence numérique des chrétiens était importante chaque fois qu’elle pouvait permettre de faire avancer le monde vers la réconciliation et l’unité.

« Mais cette présence numérique n’est pas une fin en soi ; elle n’est qu’un outil. Nous ne disons pas : « ‘Je suis en ligne, donc je suis », mais « Je suis en Christ, donc je suis ». Voire – pour souligner notre relationalité –, « Nous sommes en Christ, donc nous sommes ».

« Nouvelle réalité, pas si nouvelle »

Répondant à Mgr Bedford-Strohm, Erin Green, chercheuse et activiste canado-belge travaillant dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), de la démocratie, et de la militarisation des technologies numériques, a déclaré que dans ses études sur l’IA, « [elle a] été frappée de constater à quel point tout cela n’est finalement pas si nouveau ».

« Lorsque nous nous penchons sur la question de la justice numérique, nous trouvons dans la tradition chrétienne une quantité incroyable de connaissances sur la justice raciale, la justice de genre, la justice écologique, la justice économique, et bien plus encore, qui peuvent facilement se transposer au domaine des outils numériques », a-t-elle expliqué.

« Plutôt que de craindre de ne pas en savoir assez sur le numérique, de ne pas être suffisamment « experts » en la matière, nous devrions considérer différemment notre notion de « l’expertise », et nous sentir davantage confiants, en étant conscients de la richesse de nos connaissances sur ce que signifie être humain et vivre de manière juste dans la toile de la création ».

Sarah Macharia, responsable de la communication et de la justice de genre de la WACC, a quant à elle déclaré que « la propagation de la numérisation, dans son état actuel, accroît l’exposition des femmes et des filles au harcèlement sexuel, à la surveillance, au trolling, et au cyber-harcèlement – autant de formes d’agression nées dans le monde virtuel mais impactant le monde physique et la vie réelle ».

Selon Ellen Ueberschär, les droits numériques ne peuvent se développer seuls; la société civile, les églises et d’autres acteurs doivent apporter leur soutien (communiqué de presse du COE du 13 septembre 2021)

Symposium international sur la « Communication pour la justice sociale à l’ère numérique »

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