Réflexion:

Je suis une immigrée transpacifique. Je suis née en Corée et y ai vécu jusqu'à l'âge de cinq ans, avant d'immigrer au Canada avec ma famille. Actuellement, je vis et j'enseigne aux États-Unis.

Fréquemment, j'essaie de me remémorer ma tendre enfance dans mon pays natal. C'est devenu plus confus avec le temps, mais je me rappelle qu'en Corée, nous observions et parlions souvent de l'eau.

La Corée est une petite péninsule d'Asie qui borde la Chine au nord et est entourée de trois mers: la mer Jaune, la mer de Chine orientale et la mer du Japon.

Aux yeux des populations qui vivent dans les villes côtières, ces étendues d'eau sont à la fois leur raison d'être et – parfois – une menace. Pour de nombreux Coréens, l'eau est un mode de vie synonyme de baignades l'été et de fruits de mer que l'on pêche et partage en famille/entre amis ou vend sur les marchés. Pour bon nombre de ces communautés, l'eau est le fondement écologique de leur économie. Des plongeuses, connues sous le nom de Haenyeo, résident sur l'île de Jeju et plongent dans les eaux de celle-ci. La tradition de la plongée à Jeju remonte à l'an 434 après J.-C., mais ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que le nombre de femmes pratiquant cette activité a dépassé celui des hommes. Ces Haenyeo pêchent ormeaux, conques, poulpes, oursins, ascidies, algues brunes, troques, sargasses, huîtres, limaces de mer et autres organismes vivants marins comestibles.

Je me souviens de m'être rendue en Corée à l'été 1985, alors que j'étais adolescente. C'était une journée chaude et humide; ma mère avait décidé de nous emmener faire une randonnée dans la montagne avec sa famille. Au début, je trouvai cela sympa. Puis nous commençâmes à subir les effets de la chaleur. Je devins irritable, ne cessant de demander à ma mère: «Où allons-nous? Pourquoi grimpons-nous cette montagne?» Elle m'assura qu'il s'agissait d'une excursion qui valait la peine d'être vécue et qu'une fois au sommet, nous boirions l'eau la plus fraîche et la plus pure qui soit.

Naturellement, nous n'étions pas les seuls à vouloir goûter à cette eau; une foule immense se rassemblait au pied du sentier, prête à monter jusqu'au sommet. Après plusieurs heures de marche, nous arrivâmes là où, selon ma mère, se trouvait cette eau «spéciale». Cette source «remarquable» s'avéra être un simple petit tuyau d'où s'égouttait lentement de l'eau.

«Nous avons fait tout ce chemin pour ça?» me demandai-je. Je vis une longue file d'individus qui patientaient devant et derrière nous avec des tasses et des bidons. L'idée d'attendre de boire ce qui ressemblait à de l'eau ordinaire me contraria, et je continuai à me plaindre de la longueur de la file.

Ma mère m'expliqua: «C'est de l'eau de source. Cette eau provient d'une petite source située au sommet de la montagne, c'est pourquoi personne ne peut la contaminer. Elle est si propre et douce qu'elle nettoie notre corps et nous nourrit.»

Nous atteignîmes enfin le début de la file, et je reconnais avoir été déçue par cette gorgée d'eau. La magie de cette eau m'échappait; elle n'avait pas l'air différente ni «spéciale».

Adolescente, j'étais émotionnellement fragile. Je cherchais à me disputer avec ma mère, qui m'avait traînée dans les montagnes pendant des heures pour boire une petite gorgée d'eau qui, à l'époque, n'avait rien d'extraordinaire à mon goût. Mais pour elle, gravir cette montagne pour goûter l'eau de source était un pèlerinage fascinant. Elle n'était pas retournée en Corée depuis dix ans, et elle voulait simplement me montrer ce que sa famille accomplissait depuis des générations et en faire un événement spectaculaire. En y repensant, ce n'est que bien plus tard que j'ai compris la finalité de ce pèlerinage.

Dans les années 1980 en Corée, l'eau n'était pas potable. Tout le monde faisait bouillir de l'eau dans laquelle on rajoutait des grains d'orge et de maïs pour préparer un thé au goût de noisette grillée appelé boricha. Les gens buvaient du boricha froid en été et chaud en hiver. À quelques exceptions près (à l'instar de la source située au sommet de la montagne), la simple consommation d'eau du robinet était dangereuse.

Comme à cette époque, les eaux qui entourent la Corée – comme presque partout ailleurs dans le monde – sont de plus en plus polluées et exploitées pour leurs ressources et leur faune. Déchets, ordures et produits chimiques continuent d'être déversés dans les eaux, les lacs et les océans. Les océans sont tellement jonchés de déchets que la zone située entre Hawaï et la Californie a été surnommée le vortex de déchets du Pacifique Nord[1]. Cette zone s'étend sur une surface comprise entre 700 000 et 15 000 000 km², soit une superficie équivalente à celle de la Russie.

Alors que notre mode de vie consumériste alimente la spirale destructrice de la pollution du sol, de la terre, de l'air et de l'eau, nous devons profiter de cette période de carême pour mener une réflexion sur le don de l'eau. Certains passages de la Bible – tels que «Car je répandrai des eaux sur l'assoiffé, des ruissellements sur la desséchée; je répandrai mon Esprit sur ta descendance, ma bénédiction sur tes rejetons» (Ésaïe 44,3) – nous rappellent que l'eau est un don de Dieu et synonyme de vie. Sans eau et sans l'Esprit, nous ne pouvons pas vivre. Dieu a créé toutes choses et nous en a fait don pour que nous en jouissions et puissions prospérer ici sur terre. En tant que créatures, nous ne pouvons détruire ni interdire à autrui de jouir de la création de Dieu.

La Fédération luthérienne mondiale a adopté pour thème «La création – pas à vendre». Nous ne pouvons posséder ni vendre aucune partie de la création, car tout cela est un don de Dieu. Cela signifie que nous ne pouvons pas privatiser l'eau ni la vendre, car son accès est un droit humain. Nous ne pouvons pas non plus priver autrui de cette ressource. Nous devons garder à l'esprit que Dieu «répand des eaux sur l'assoiffé» et qu'en tant que créatures de Dieu, nous devons ainsi permettre à l'eau de couler librement et à chaque être humain d'avoir accès à une eau propre. Nous ne pouvons pas «posséder» l'eau, et nous devons faire de notre mieux pour que celle-ci reste potable et accessible à tous.

Nous nous réjouissons des ressources précieuses comme le pétrole, les combustibles fossiles, les diamants et l'or, mais à quoi servent-elles sans eau potable? L'eau est une ressource bien plus précieuse. Nous ne pouvons pas vivre sans elle, et l'accès à l'eau potable est un droit que Dieu nous a donné. Nous devons veiller à ce que tous les êtres humains jouissent de ce droit et faire en sorte que la planète survive et prospère.

Questions de discussion:

  1. En tant que croyants du monde entier, comment pouvons-nous lutter ensemble contre les processus et les pratiques qui polluent nos océans et l'eau douce?
  2. Comment pouvons-nous changer nos habitudes pour ne pas contribuer à la pollution du don de Dieu qu'est l'eau?
  3. Quels passages des Écritures nous encouragent à aimer la création de Dieu et à œuvrer en faveur de la durabilité?

Mesures recommandées:

1. Il existe de nombreuses mesures que nous pouvons prendre à titre individuel pour maintenir la propreté des eaux. Nous pouvons éviter d'utiliser des pesticides ou des engrais chimiques, utiliser des produits ménagers non toxiques, nous abstenir d'utiliser des produits de nettoyage ou des savons antibactériens et nous dispenser de jeter les médicaments inutilisés dans les toilettes ou les égouts. Toutes ces mesures nous permettront de garder nos eaux propres.

2. Nous pouvons organiser des réunions et des forums avec des amis et des voisins afin de réfléchir à la façon dont chacun peut contribuer à la protection de l'eau. Nous pouvons collaborer avec les élus locaux pour que les pesticides et produits chimiques toxiques ne soient pas utilisés dans les lieux publics tels que les écoles et les parcs. Nous devons tous plaider en faveur d'une eau potable à tous les niveaux de gouvernement et inciter les communautés religieuses à faire de même.


[1]Pour en savoir plus, consultez la page Web suivante: https://www.theoceancleanup.com/great-pacific-garbage-patch/?gclid=EAIaIQobChMInYbv8vbA4AIVDDBpCh3XtAsWEAAYASAAEgJUZfD_BwE(en anglais)