Image
PhotoByAlbinHillert_20181006_AH2_9970.jpg

Des moutons paissent dans la vallée du Jourdain

Photo:

En tant que directeur palestinien de l’institut, J. Issac œuvre en faveur d’une Palestine durable. Pour lui, la zone E1 est un territoire au cœur de cette durabilité en raison de son fort potentiel en termes de connectivité, de développement, de tourisme et de ressources naturelles. Pourtant, le gouvernement israélien s'efforce de faire avancer un projet d’implantation dans la zone E1. Ce projet scinderait en deux la Cisjordanie, menaçant ainsi la contiguïté territoriale palestinienne. Il engloberait également le hameau de Khan al-Ahmar, habité par des membres de la communauté bédouine, et de grandes parties de la vallée du Jourdain. Fin février, le gouvernement israélien a approuvé les plans de construction de plus de 7 000 logements dans la zone E1, le plus grand nombre jamais autorisé en une même séance.

Qu'est-ce que cela signifie? «La direction qu'ont prise les Israéliens dernièrement montre qu’ils se dirigent résolument vers l’annexion de la vallée du Jourdain», explique J. Issac. «Ils nient le droit d’accès à la vallée du Jourdain et à la mer Morte, où nous nous concentrions sur le tourisme médical.»

Le tourisme médical va plus loin que la promotion du bien-être: il s’agit d’une source de revenus pour les entreprises et activités palestiniennes. Les projets actuels d’implantation dans la zone E1 couperaient en deux le territoire et bloqueraient les accès, dans toutes les directions, aux populations palestiniennes.

«Comme il s’agit du lieu le plus bas du monde, cet endroit attire de nombreux touristes», explique J. Issac, qui a calculé combien d’argent cela pourrait générer pour alimenter l’économie palestinienne. «Le tourisme seul fournirait 500 millions de dollars supplémentaires par an, dit-il, plus 1,5 million de dollars par an provenant des minéraux de la mer Morte.»

Dans un rapport, il a utilisé ces calculs pour préparer une voie solide en cas si l’implantation dans la zone E1 devait être autorisée. «Perdre ce territoire ferait perdre 2 millions de dollars par an aux Palestiniens et Palestiniennes, explique-t-il. Nous voulons que le peuple palestinien soit viable et durable, mais ce n’est pas le souhait du gouvernement israélien.»

«Des bougies dans l’obscurité de l’occupation»

Si le gouvernement israélien poursuit dans cette direction, J. Issac craint que les Palestiniens et Palestiniennes ne soient tout simplement poussé-e-s à l’exode et que leurs enfants et petits-enfants n’aient pas d’avenir.

C’est la raison pour laquelle il est déterminé à poursuivre son travail en faveur d’une Palestine durable. «C’est ma vision, et je persisterai pour que nous héritions des terres de nos ancêtres, pour que nous puissions les transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants afin qu’ils aient un avenir, déclare-t-il. Je continuerai à y travailler sans relâche.»

En d'autres termes, J. Issac veut un pays libre. «J’aimerais être comme tout le monde, pouvoir me déplacer librement, construire et planter des arbres où je le souhaite, dans la zone E1 comme ailleurs», explique-t-il.

«Nous travaillons avec des communautés marginalisées et vulnérables, dit-il. Nous faisons la différence.»

Offrant son assistance à des institutions, des coopératives, des exploitations agricoles individuelles et des familles, l’institut de recherches appliquées de Jérusalem aide ces personnes à envisager des pratiques durables telles que l’hydroponie et l’énergie solaire, parmi tant d’autres.

«Nous sommes moteurs du changement dans les moyens de subsistance de ces personnes malgré un espace toujours plus réduit, dit-il. Par exemple, nous luttons contre les changements climatiques en plantant des arbres et l’utilisation de systèmes de collecte d’eau.»

Il réfléchit: «Pour moi, c’est comme allumer des bougies dans l’obscurité de l’occupation.»  Dans le cadre de son travail sur le terrain, il est très peiné de voir des oliviers détruits par les colons israéliens.  «Vous savez, pour nous, un olivier c’est comme un bébé», explique-t-il. «J’ai 16 oliviers dans mon jardin.»

Lui-même n’en a jamais planté un seul, et s’inquiète en imaginant qu’ils puissent être abattus un jour. «Ce n’est pas une question d’argent pour moi, mais un lien biologique entre ces arbres et moi», dit-il. «Je ne veux pas les perdre.»

Lorsqu’il voit des exploitations agricoles perdre leurs oliviers (certains sont brûlés par les colons), il se demande immédiatement où leurs propriétaires trouveront l’argent pour en planter de nouveaux.

«Certaines personnes d’Israël nous volent notre univers», dit-il. «Que pouvons-nous faire?»

Pour l’instant, J. Issac fait ce qu’il peut avec les terres qui lui restent pour les Palestiniens et Palestiniennes. «Nous pouvons aujourd’hui utiliser l’agriculture intelligente sur tous les terrains, même dans les zones urbaines», explique-t-il. «Même avec 15 mètres carrés, vous pouvez faire pousser vos propres petits pois, des radis, des épinards, ce genre de choses.»

Une autre touche d’espoir: J. Issac a enseigné à plusieurs personnes comment produire environ 50 plants de laitue sur un mètre carré. «C'est dépendre de soi-même», déclare-t-il. «C’est sacré.»  Il espère pouvoir transposer sa vision dans la zone E1 et en faire un lieu de développement, source de revenus pour la population palestinienne.