Par Maurice Malanes (*)

Quand Elske van Gorkum a commencé à travailler pour la première fois dans une communauté dalit d'Inde, ses hôtes n'en crurent pas leurs oreilles lorsqu'elle leur dit que les castes n'existent pas là d'où elle vient, aux Pays-Bas. "Pour eux, une société sans castes est impensable", explique Elske van Gorkum, "mais venant d'une société égalitaire, j'avais aussi du mal au début à comprendre 'l'intouchabilité'."

Elske Van Gorkum, spécialiste du développement pour l'Organisation inter-Eglises de coopération pour le développement, une agence d'entraide néerlandaise, a fait part de son expérience lors d'une conférence oecuménique internationale sur la justice pour les dalits, qui s'est tenue fin mars à Bangkok, en Thaïlande.

Organisée par le Conseil oecuménique des Eglises (COE) et la Fédération luthérienne mondiale (FLM), la conférence, qui a rassemblé 95 responsables et représentants d'Eglises et d'organisations du monde entier, avait lieu sous les auspices de la Conférence chrétienne d'Asie.

La conférence s'efforçait de générer la solidarité et le soutien des Eglises et des organisations oecuméniques à travers le monde en attirant l'attention sur le sort des dalits, qui subissent la discrimination de caste depuis 3500 ans. La planète compte 260 millions de dalits, dont 200 millions en Inde.

Dans le cadre du Réseau international de solidarité avec les dalits, Elske van Gorkum fait pression auprès de son gouvernement et de l'Union européenne pour que la discrimination de caste soit au coeur des relations politiques, économiques et de développement avec les pays où ces violations des droits de la personne se produisent.

"Mon dévouement et mon engagement à être solidaire avec eux sont motivés par ce que j'ai appris sur les souffrances et les atrocités subies par les dalits", affirme Elske van Gorkum, qui travaille avec les dalits depuis 2005.

Accompagnement et défense des causes

La génération d'un tel engagement à se tenir aux côtés des dalits dans leurs luttes est l'essence même de la solidarité oecuménique internationale et l'un des objectifs stratégiques de la conférence de Bangkok.

"C'est à nous de déterminer quelle sera l'issue de cette conférence, mais nous devrions être guidés par le principe de la solidarité et de l'accompagnement au lieu de la simple compassion et de la charité envers les dalits", insiste le pasteur Deenabandhu Manchala, qui est à la tête du Programme du COE intitulé "Des communautés justes et sans exclusive" et qui est lui-même dalit.

Le Professeur Maake Masango, de l'Université de Pretoria, en Afrique du Sud, approuve. "La défense des causes ne signifie pas que nous devons prendre en main la vie des personnes que nous défendons. Il s'agit plutôt de leur donner les outils nécessaires pour être plus forts. Nous devons donc nous joindre à eux et nous montrer solidaires."

Eveil et engagement

Bon nombre de délégués présents à la conférence de Bangkok ont reconnu qu'ils ne savaient pas grand-chose sur les dalits. La conférence les a donc sensibilisés afin qu'ils contribuent à la transmission des histoires vécues qu'ils ont entendues.

"Nos Eglises ne sont pas vraiment conscientes de la situation des dalits et elles tendent à reléguer la question du système de castes à un problème de liberté religieuse", explique Dennis Frado, du Lutheran Office for World Community, un bureau de représentation de l'Eglise luthérienne auprès des Nations Unies à New York. "Après avoir écouté les récits des dalits pendant cette conférence, nous devons les transmettre autour de nous, en particulier celles qui touchent aux droits de la personne."

Les participants à la conférence ont pris connaissance de cas de discrimination et d'atrocités, comme celles qui ont eu lieu dans l'Etat indien de l'Orissa en 2008 - où une religieuse catholique a été violée en réunion, 50 personnes ont été tuées, 15 000 déplacées et les biens des dalits et des chrétiens tribaux détruits ou endommagés - durant une vague de violence déclenchée par des fondamentalistes hindous.

Dennis Frado s'est promis de contribuer à revitaliser le mouvement dalit aux Etats-Unis à travers son réseau d'Eglise. Il s'est notamment engagé à faciliter les rencontres entre des communautés dalits et le gouvernement des Etats-Unis et à tenter de dénoncer les cas de violations de leurs droits fondamentaux auprès des Nations Unies.

Enfants de la solidarité mondiale

D'autres participants, qui eux-mêmes ont connu la discrimination et les abus, n'avaient aucun mal à comprendre l'expérience des dalits.

"Nous quittons cette conférence avec le sentiment qu'il est urgent de se faire la voix des dalits sans voix", a déclaré la pasteure Roxanne Jordan, de l'Eglise congrégationaliste unie d'Afrique australe, qui a établi un lien entre le sort des dalits et l'expérience de la discrimination et de l'exclusion pendant le régime d'apartheid mis en place par les Blancs dans son pays.

Pour l'évêque Zephania Kameeta, de l'Eglise évangélique luthérienne de la République de Namibie, accompagner les dalits et les autres victimes de l'oppression sur le chemin de la libération est la façon qu'a son Eglise de dire merci aux autres peuples à travers le monde qui ont contribué à la lutte de son pays pour la libération.

"Nous sommes aussi des enfants de la solidarité oecuménique. Sans les nombreuses personnes qui nous ont accompagnées sur le chemin de la liberté, nous aurions peut-être été anéantis", affirme-t-il. "Alors en accompagnant les dalits, nous ne faisons pas une faveur; nous accomplissons notre devoir chrétien."

(*) Maurice Malanes est un journaliste freelance des Philippines. Actuellement correspondant d'Ecumenical News International (ENI), il écrit également pour le quotidien de Manille Philippine Daily Inquirer et le service de presse Union of Catholic Asian News (UCAN), basé à Bangkok.

Informations supplémentaires sur la conférence de Bangkok

Pour de plus amples informations sur les activités du COE en solidarité avec les dalits

Fédération luthérienne mondiale