Depuis plusieurs décennies, le Conseil œcuménique des Églises (COE) publie régulièrement des déclarations dans lesquelles il condamne le fléau des abus sexuels qui ne cesse de faire des ravages à travers le monde. Tout récemment, le Comité exécutif déclarait:

«Nous reconnaissons que la violence sexuelle et sexiste se manifeste dans de nombreux contextes différents, souvent dissimulés, […] et que ses risques et ses effets sont […] (tabous) dans de nombreuses Églises et communautés ecclésiales, empêchant l’Église d’être un refuge où les femmes victimes de la violence sexuelle et sexiste ou menacées de tels actes sont protégées et en sécurité. L’Église doit activement contribuer à l’élimination de ces formes de violence et d’abus[1]

 

Depuis que le COE, en 2011, s’est publiquement saisi du sujet des abus sexuels commis par des membres du clergé[2], les signalements de cas passés ou présents d’inconduite sexuelle en milieu ecclésial se multiplient. Étant donné que les noms de personnalités ecclésiastiques continuent d’apparaître dans des affaires d’inconduite sexuelle, la situation exige que les responsables d’Église reconnaissent s’être rendu-e-s complices de ces incidents en perpétuant le problème et en protégeant les auteurs des faits au détriment du bien-être mental, affectif, physique et spirituel des personnes agressées. 

 

Nous déplorons que l’exploitation, le harcèlement et les abus sexuels reposent sur la marginalisation des femmes, des enfants et des autres personnes vulnérables. Nous déplorons que de tels actes se produisent dans tous les secteurs et à tous les niveaux de notre société, y compris dans les communautés ecclésiales, et qu’ils soient commis par des personnes à qui leur communauté a confié la responsabilité d’exercer un ministère et de prendre soin de tous ses membres, en particulier des plus vulnérables. Le péché que constituent ces abus est trop souvent aggravé par l’inaction du personnel, des structures et des systèmes ecclésiastiques, par des paroles et des gestes qui rejettent la responsabilité sur la personne agressée et par un silence qui interdit toute justice. En certaines occasions, notre incapacité collective à faire des incidents signalés une priorité a conduit à la dissimulation de la vérité et au silence des victimes, protégeant ainsi les coupables. 

 

Il est essentiel de reconnaître les actes d’abus et d’exploitation, et il est essentiel de s’en repentir. Mais il faut également prendre des mesures de suivi pour veiller à ce que notre théologie, notre éducation, nos structures, nos équipes dirigeantes et notre gouvernance empêchent toute exploitation, tout abus de ce genre. Chaque signalement d’abus sexuel avéré ou allégué doit être traité avec le plus grand sérieux et faire l’objet d’une enquête indépendante, impartiale et rigoureuse. Toutes les parties à une enquête doivent être correctement soutenues tout au long du processus, notamment en se voyant offrir un accompagnement pastoral, l’équité de la procédure et une justice naturelle. Lorsqu’une enquête conclut à l’existence d’un abus, la personne qui y a survécu doit recevoir le meilleur soutien et la meilleure réparation possible et l’auteur-e des faits doit répondre de ses actes.

 

Nous réitérons notre engagement à prévenir toutes les formes d’inconduite, notamment l’exploitation et les abus (y compris d’ordre sexuel ou mental), et à assurer la préservation de l’enfance.

 

Nous appelons à des changements systémiques et transparents dans nos politiques et pratiques, dans notre gouvernance, en tout lieu et chaque fois que nous nous réunissons individuellement ou collectivement au sein de la communauté fraternelle.

 

Par conséquent, à quelques semaines de la 11e Assemblée, le Comité central du COE réuni à Genève (Suisse) du 15 au 18 juin 2022:

 

Appelle les Églises membres et les partenaires œcuméniques du COE à condamner ou à réitérer leur condamnation des violences sexuelles et sexistes et de toute forme de violence à l’encontre des femmes, des enfants et des personnes vulnérables; à qualifier de péché ces violences et ce rejet de l’égale dignité de tous les êtres humains; et à mettre en œuvre des recommandations pour la prévention de l’exploitation, des abus et du harcèlement sexuels;

 

Encourage vivement le secrétariat, les Églises membres et les partenaires œcuméniques du COE à instaurer ou à renforcer les politiques et pratiques qui viennent en aide aux personnes agressées, qui garantissent des enquêtes rigoureuses, indépendantes et impartiales, et qui obligent les personnes reconnues coupables à répondre de leur comportement dans toute la mesure prévue par la loi;

 

Invite les Églises membres et les partenaires œcuméniques du COE à intensifier leurs efforts en matière de théologie, d’éducation et de renforcement des capacités pour lutter contre la marginalisation des femmes, des enfants et des personnes vulnérables et pour faire connaître le principe des relations justes et les procédures à suivre en cas de harcèlement, d’exploitation ou d’abus; 

 

Salue l’initiative du secrétaire général par intérim d’élaborer un code de conduite relatif à la prévention et à la prise en charge des cas d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels lors de la 11e Assemblée et des réunions futures du COE.

 


[1] Extrait de la Déclaration relative à la violence sexuelle et sexiste et au prix Nobel de la paix 2018 du Comité exécutif du COE (novembre 2018).

[2] En 2011, le COE a publié When Pastors Prey (Quand pasteur rime avec prédateur) en collaboration avec la Fédération universelle des associations chrétiennes d’étudiants afin de répondre aux signalements d’inconduite sexuelle au sein du clergé.