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Réunion du Comité Central, août / septembre 2012

Traduction de l’anglais
Service linguistique, COE

 «En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins: cela fera l’égalité…» (2 Co 8,14 TOB)

1.        Nous vivons dans un monde interdépendant où tout est lié et qui traverse une grave crise financière, plus aiguë que jamais. Les causes de cette crise sont diverses: politiques économiques et financières injustes, faiblesses structurelles des institutions politiques, économiques et financières, absence des valeurs éthiques dans un monde de plus en plus dominé par la cupidité des puissants qui recherchent des avantages et un profit maximum à court terme, déni face aux besoins des sans-pouvoir. Les évènements survenus depuis 2008 ont provoqué de graves tensions dans l’économie mondiale et ont mis à rude épreuve les finances publiques, alors que les millions de personnes qui ont perdu leur emploi, leur retraite et leur logement à la suite de cette crise continuent à réclamer à grand cris une protection sociale.

2.        L’Europe est au cœur des difficultés économiques les plus récentes et la menace la plus urgente pour la zone euro est celle de la crise financière de la Grèce. En outre, l’Italie et l’Espagne, respectivement troisième et quatrième économies de la zone euro, constituent un autre problème considérable, et les investisseurs font monter les taux d’intérêts de leurs obligations à des niveaux insoutenables. On peut craindre que cette instabilité financière de la zone euro ne provoque une autre panique mondiale semblable à celle de 2008 – et potentiellement plus grave –, entraînant des conséquences néfastes pour les pays et les populations faibles au plan socio-économique.

3.        Déclenché par les retombées financières de la crise de 2008 au niveau mondial, le problème de la dette grecque est partiellement dû à la mauvaise gestion du gouvernement, mais la responsabilité en incombe aussi à des prêteurs irresponsables qui offraient des crédits faciles et stimulaient des bulles de l’immobilier, aux régulateurs qui n’ont pas su réguler et aux dirigeants politiques qui ont fermé les yeux sur les difficultés qu’impliquait la création d’un système monétaire européen unique au sein d’une diversité d’économies. En Grèce, les trains de mesures d’austérité sévères, visant à stabiliser les marchés et à satisfaire les créanciers internationaux, ont créé une nouvelle «sous-classe» de chômeurs, de sans-abri et d’affamés. Depuis 2010, les impôts, et notamment les impôts indirects, ont augmenté de plus de 20% sur les produits alimentaires; on a diminué de manière drastique les retraites et les salaires des fonctionnaires et réduit par dizaines de milliers le nombre des travailleurs de la fonction publique. Un taux de chômage inquiétant, de plus de 20% en général et de plus de 50% chez les jeunes, a pour conséquence une détérioration du niveau de vie, qui à son tour suscite des frustrations, de la colère, et des violences, notamment à l’encontre des immigrés. Des programmes de santé publique pour les personnes âgées ont été supprimés. De petites entreprises sont acculées à la fermeture ou luttent pour leur survie. Le travail non payé des femmes compense les coupes budgétaires des programmes sociaux. Le nombre des suicides est monté en flèche au cours de ces dernières années.

4.        Les ministères de nombreuses paroisses sont directement interpellés et touchés par ces changements. Par exemple, les programmes de nombreuses Églises destinés à fournir des abris et de la nourriture ont de la peine à faire face au nombre croissant de personnes faisant appel à leurs services; et les besoins spirituels et pastoraux de ceux qui, avec leurs familles, subissent ces épreuves, s’intensifient.

5.        Malgré une série de mesures sévères, la dette de la Grèce n’est pas encore maîtrisée. L’évasion fiscale est une question épineuse dans certains secteurs de la société grecque. L’austérité produit un cercle vicieux de déclin économique, qui freine le redressement en amenuisant la demande intérieure et érodant les rentrées fiscales, ce qui rend le remboursement de la dette encore plus problématique pour le pays. La justice fait défaut lorsque ceux qui n’avaient qu’une part minime de responsabilité dans la crise doivent en payer le prix fort. Il est immoral d’exiger l’austérité et le remboursement de la dette dont les coûts humains et sociaux sont répartis de façon inéquitable sur les membres les plus faibles de la société. En outre, une approche saine de la créativité, de la responsabilité financière personnelle et collective en vue du bien commun, de la productivité et des petites entreprises est nécessaire à la création de conditions optimales pour la pratique de la générosité, de la compassion et de la justice.

6.        Le Conseil œcuménique des Églises (COE) a suivi de près la situation financière mondiale depuis la détérioration des marchés financiers en 2008 et il a publié des lettres adressées à l’Assemblée générale des Nations Unies et au Groupe des 20, ainsi que des déclarations appelant les gouvernements à aller au-delà de mesures à brève échéance et à traiter en profondeur les crises financière et économique.

7.        Nous sommes persuadés qu’une réforme des systèmes financier et monétaire internationaux dans le contexte d’une autorité publique internationale est urgente et prioritaire. Nous devons nous engager dans la recherche d’un modèle viable de développement durable et de systèmes financiers qui lui correspondent.

8.        Dans cette crise financière douloureuse, l’Église est appelée à défendre la dignité de tous les êtres humains, créés à l’image de Dieu. Cette crise est spirituelle et morale autant qu’économique. Les valeurs chrétiennes de la justice et de l’amour revêtent une importance nouvelle dans l’Europe d’aujourd’hui. Les inégalités excessives entre riches et pauvres et les taux de chômage croissants, particulièrement chez les jeunes, qui ont augmenté ces dernières décennies, sont immoraux et ne sauraient servir de fondement à une société saine. L’Église ne peut que croire que les évènements actuels incarnent un message de Dieu et qu’ils nous offriront une occasion de discernement en vue de bâtir un avenir meilleur fait d’égalité et de justice pour l’ensemble du peuple de Dieu.

En conséquence, le Comité central du Conseil œcuménique des Églises, réuni du 28 août au 5 septembre à Kolympari, Crète (Grèce):

A.       affirme sa solidarité avec le peuple grec et les autres peuples qui souffrent particulièrement de la crise actuelle;

B.       réitère son appel à élaborer des politiques économiques qui n’encouragent pas la dette irresponsable, qu’elle soit d’ordre national ou privé, et qui répartissent les bienfaits de la richesse de façon plus équitable entre tous les citoyens, en particulier les faibles et les marginalisés, y compris les jeunes;

C.       demande instamment la prévention contre la récurrence des crises à l’avenir, à travers la régulation et la restructuration du secteur bancaire, et la poursuite de la recherche de transformations profondes dans le régime financier international actuel, tel que souligné dans la déclaration du Comité central du COE sur «les finances justes et l’économie de la vie», publiée en septembre 2009;

D.      approuve le principe de taxation des transactions financières (TTF), instrument judicieux qui permettrait aux gouvernements de respecter leur devoir de protéger et garantir les droits économiques, sociaux et culturels de leurs peuples. La TTF aiderait non seulement à restreindre la spéculation, mais également à alléger la dette souveraine, à transférer le fardeau des personnes ordinaires vers le secteur privé qui a été le premier à déclencher la crise, et à étendre de façon considérable les possibilités du gouvernement en matière fiscale en vue de dépenses destinées à des mesures de protection sociale dont le besoin se fait cruellement sentir;

E.       appelle les Églises, en ce temps de crise, à s’atteler à ces questions en s’efforçant en particulier de s’adresser aux puissants d’une part, et de rechercher d’autre part des moyens de soutenir celles et ceux qui sont marginalisés par les politiques financières actuelles, et les félicite pour leur attention continue à l’égard des besoins spirituels et pastoraux de celles et ceux, y compris les jeunes, dont la vie sera le plus directement affectée par ces problèmes économiques difficiles;

F.       prie instamment les Églises d’Europe de rester unies pour plaider ensemble en faveur de solutions communes à la crise financière et sociale au niveau européen; solutions qui contribueront à approfondir le projet d’unité européenne en tant que projet visant la paix juste sur le contient;

G.      invite les Églises et les organisations d’inspiration religieuse à continuer de se mobiliser et de se soutenir mutuellement pour soulager et aider dès maintenant les membres les plus faibles de notre société.

APPROUVÉ