Je suis très honorée d’être aujourd’hui face à vous, membres du Comité central du Conseil œcuménique des Églises, et de partager avec vous quelques réflexions sur l’Amérique latine.
Alors que nous nous préparons pour la prochaine Assemblée qui a pour thème « L’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité », je vous invite à lire avec moi les paroles de Jean (21, 15-59) pour nous éclairer.
Suivre le Christ implique de prendre soin et de faire paître les brebis du Seigneur, et être prêt à donner sa propre pour ces brebis.
Simon est impulsif, déterminé, et audacieux. C’est ainsi que Pierre est souvent décrit dans la Bible. Il y est dépeint sautant dans l’eau pour marcher, coupant l’oreille d’un soldat pour l’empêcher d’emmener son maître, assurant qu’il donnerait sa vie pour sauver celle de Jésus, ou encore bravant la peur en reniant Jésus.
Jésus l’avait nommé Pierre, qui signifie « rocher », déclarant qu’il construirait sur ce « rocher » (ou cette « pierre ») un nouveau mouvement spirituel pour le monde.
Le chapitre 21 de l’Évangile selon Saint Jean rappelle que Jésus l’appelait Simon, son ancien nom avant de rencontrer Jésus. Pierre était retourné à sa vie d’avant, à son bateau, à ses filets, à ses poissons. Il voulait redevenir pêcheur en mer. Ses compagnons le rejoignirent, le suivirent dans cette expédition qui, finalement, s’avèrera décevante. Pierre réalise-t-il qu’il est déçu de lui-même ? Qu’est-ce qui le trouble ? Son propre reniement ? La mort, la perte de son chef ? Faire partie d’un projet vain, qui a échoué ?
Près du feu, autour du feu, Pierre a renié Jésus. Et maintenant, après des épisodes si douloureux pour Jésus, pour sa famille, et pour ceux qui rêvaient d’un nouveau projet, d’un nouveau mouvement de Dieu dans le monde, Jésus les invita à s’asseoir autour du feu pour manger du pain et du poisson.
Et c’est là où, au milieu de la frustration, du découragement et de la déception, que Jésus réprimande Simon, et non Pierre, et l’interroge trois fois sur son amour, sur son véritable engagement envers son troupeau. La plus grande preuve d’amour est de prendre soin, faire paître, et de s’occuper du troupeau de Jésus ; ce n’est pas de protéger Jésus. Certes, Pierre n’avait pas hésité à brandir son épée pour protéger Jésus, mais cela ne comptait pas pour Jésus. Ce qui comptait réellement pour lui, c’était la manière dont Pierre prendrait soin de son troupeau.
Lorsque Pierre fut enfin pris par la puissance de l’Esprit, de l’amour auquel Jésus faisait référence, nous le voyons dans les actes des apôtres, qui se sont complètement convertis, guérissant les malades, ressuscitant les morts, prêchant et guidant des milliers de personnes à la conversion, apportant l’Évangile dans de nombreux endroits, créant de nouvelles communautés de foi, imposant les mains et donnant le Saint-Esprit. Pierre se laisse constamment convertir par l’esprit du Christ, comme il le fit devant Corneille.
Réfléchissons à la façon dont nous, en tant que Conseil œcuménique des Églises, avons peut-être renié Jésus, renié le Christ, et certainement plus que trois fois. Aujourd’hui, écoutons Jésus et interrogeons-nous sur notre amour pour celui qui est la vie, qui est le chemin, qui est la lumière. Il nous invite à aimer profondément, comme Pierre : en prenant soin du troupeau de Dieu, du monde, de son peuple, de ses territoires, de sa planète, de la vie, de l’eau. Luttons contre le changement climatique, contre les puissances économiques mortifères, contre les pouvoirs qui détruisent la vie avec violence. Dieu nous invite, comme il l’a fait avec Pierre, à aimer jusqu’à donner notre propre vie pour cet amour salvateur.
Dieu devient, se transforme en puissance, se glorifie à travers nos faiblesses.
Prenons soin du troupeau de Dieu de manière à ce que « l’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité » dans le contexte de cette pandémie, qui a exacerbé l’ambition et l’injustice, et qui renforce notre engagement en faveur de l’unité, de la réconciliation, et du bien-être de nos communautés.