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Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation

Jooseop Keum, directeur de la CME

Chers frères et sœurs en Christ,

Rendons grâces au Dieu trinitaire qui nous a appelés à nous rassembler ici à Arusha, en Tanzanie, pour la Conférence mondiale sur la mission! Louons le Seigneur pour le cheminement incessant des conférences missionnaires œcuméniques depuis 108 ans! Bienvenue à Arusha, bienvenue à la 14ᵉ Conférence mondiale sur la mission depuis Édimbourg en 1910!

Avant toute chose, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à l’Église évangélique luthérienne de Tanzanie, ainsi qu’aux Églises tanzaniennes, pour leur invitation à organiser la première Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation en Afrique depuis l’intégration du Conseil international des missions et du Conseil œcuménique des Églises à la Nouvelle Delhi en 1961. La dernière Conférence mondiale sur la mission qui s’est tenue en Afrique a eu lieu en 1958 à Achimota, au Ghana. Ce fut vraiment une conférence historique, qui inspira l’intégration du Conseil œcuménique et du Conseil des missions, mais qui souffrit de la participation très limitée du continent qui l’accueillait et de la population africaine.

Aujourd’hui, nous nous réunissons ici à Arusha au cœur des mouvements d’indépendance et de réconciliation africains. L’histoire de la mission chrétienne s’est caractérisée, au fil des temps, par des conceptions d’une expansion géographique depuis un centre chrétien vers des peuples et des territoires «vierges», jusqu’aux extrémités de la terre. Mais, de nos jours, nous sommes confrontés à un paysage ecclésial en mutation radicale, ce que l’on appelle le «christianisme mondial», dans lequel la majorité des chrétiens et des chrétiennes vivent dans les pays du Sud et l’Est. Nous célébrons le fait qu’aujourd’hui la plus forte population chrétienne vit en Afrique et que le dynamisme missionnaire le plus influent provient de ce continent – une œuvre merveilleuse de Dieu qui aurait été inimaginable il y a 60 ans à Achimota.

La conférence d’Arusha offre donc des occasions extraordinaires de promouvoir les perspectives et l’autorité de l’Afrique en matière de mission mondiale, mais aussi de faire valoir la grande diversité chrétienne, la collégialité et la fraternité de l’Afrique dans l’esprit du mouvement œcuménique. L’un des objectifs de la Conférence était d’ailleurs qu’elle soit préparée et vécue comme une conférence africaine. Cela signifie que la conférence apportera les richesses de l’une des régions les plus dynamiques du christianisme mondial en termes de spiritualité et de vie culturelle. Elle encouragera la contribution du contexte africain aux perspectives et aux conceptions actuelles de la mission ainsi qu’à la définition de la théologie et de la pratique de la mission dans une optique d’avenir. Nous affirmerons par la conférence d’Arusha que l’Afrique n’est plus une terre de mission au sens colonial. Au contraire, comme nos ancêtres ont osé le déclarer dès la conférence de Mexico en 1963, la mission «part de partout pour aller partout», et ce sont les Églises et la population chrétienne d’Afrique qui mènent ce mouvement multidirectionnel.

Chers frères et sœurs, «sommes-nous prêts et prêtes à apprendre de l’Afrique ce qu’est la mission de Dieu aujourd’hui?» «Sommes-nous prêts et prêtes à nous laisser conduire par l’Afrique vers l’avenir, ensemble vers la vie?»

Ce rapport du directeur présentera les faits saillants de l’activité de la Commission de mission et d’évangélisation entre Athènes en 2005 et Arusha en 2018. J’essaierai également de mener une réflexion sur le thème de la conférence sous l’angle pragmatique de la Commission.

Athènes 2005 – Guérison et réconciliation

En mai 2005, la Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation s’est tenue près d’Athènes, en Grèce. Il s’agissait de la première rencontre dans un pays à majorité orthodoxe et de la première participation de mandataires de l’Église catholique romaine et des Églises évangéliques et pentecôtistes en tant que délégué-e-s de plein droit. Le thème de la conférence était: «Viens, Esprit Saint, guéris et réconcilie! Appelés en Christ à être des communautés de réconciliation et de guérison». Cela a permis d’adopter une perspective plus humble de la mission en nous remémorant la priorité de la mission divine de l’Esprit Saint dans le monde, seule capable d’apporter une réelle guérison et une réconciliation au sens plein du terme. Dans cette dynamique globale de la présence de Dieu dans le monde, les Églises répondent à un appel spécifique. Elles doivent être des ambassadrices de la réconciliation, et notamment construire, renouveler et multiplier les espaces où les êtres humains peuvent éprouver en partie la guérison et la grâce réconciliatrice de Dieu.

À Athènes, nous avons prié «Viens, Esprit Saint» et tenté de saisir le sens de la dimension pneumatologique de la mission. Le nouveau document du COE sur la mission, Ensemble vers la vie: mission et évangélisation dans des contextes en évolution (2012), développe une missiologie complète dans la dynamique de l’Esprit et montre en quoi cela aboutit à une spiritualité de transformation. La 10ᵉ Assemblée du COE à Busan (Corée du Sud) a appelé à un pèlerinage commun de justice et de paix, et Arusha poursuit aujourd’hui sur cette lancée de manière convaincante avec le thème «Agir selon l’Esprit».

Édimbourg 2010 – Convergence des conceptions œcuménique et évangélique de la mission

Dans le paysage en pleine évolution de la mission contemporaine, on peut se demander si la dichotomie des perspectives œcuméniques et évangéliques est encore d’actualité pour envisager l’avenir du christianisme mondial. On pourrait également se demander si elle ne fait pas plutôt obstacle à une «reformulation» de l’avenir de la mission. En fait, il est impératif de formuler une nouvelle ligne de conduite pour revitaliser la mission au moyen de la convergence et de la coopération des conceptions œcuménique et évangélique de la mission. Il est crucial de trouver un moyen de surmonter les confrontations missiologiques du siècle dernier et de tenter de susciter une synergie nouvelle entre ces deux approches.

L’un des développements missiologiques les plus importants du début du XXIᵉ siècle réside dans l’intensification des échanges et dans le respect mutuel croissant entre les mouvements de mission œcuméniques et évangéliques. La conférence du centenaire d’Édimbourg en 2010 a élargi la communauté fraternelle et abouti à la réconciliation de différents courants missionnaires. Elle a amélioré la confiance entre les partenaires concernés, favorisé le partage du leadership et ménagé des espaces les uns pour les autres. Son but ultime était d’ordre relationnel, tendant à long terme à parvenir à une forme de koinonia dans la mission. La Commission de mission et d’évangélisation a volontairement conservé un rôle de soutien pendant Édimbourg 2010, afin de consolider la communauté fraternelle. Elle était ouverte à des actualisations, des modifications et des reformulations constantes de ses propres positions sur la mission et l’évangélisation, dans une quête d’un nouveau consensus en la matière.

L’analyse de l’«Appel commun» rédigé par la conférence d’Édimbourg montre que les positions défendues depuis des décennies par la commission font désormais consensus: le concept de missio Dei, l’habilitation et l’humilité, la création comme champ de la mission, le contenu holistique de l’Évangile, la mission de tout lieu vers tous les lieux, l’unité et la mission. La pneumatologie y fait également l’objet d’une attention particulière, dans laquelle on peut discerner l’influence des traditions pentecôtistes. Édimbourg 2010 a représenté un véritable moment de célébration, de guérison et de convergence du mouvement missionnaire.

Recommandations de conduite

Le témoignage chrétien dans un monde multireligieux – Recommandations de conduite: ces recommandations, qui invitent les missionnaires, évangélisateurs et autres témoins à adopter un comportement respectueux lors du partage de la foi chrétienne, ont été publiées en 2011 à la suite d’une série de consultations échelonnées sur cinq ans entre le Conseil œcuménique des Églises (COE), l’Alliance évangélique mondiale et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux de l’Église catholique romaine. À eux trois, ces organismes représentent plus de deux milliards de personnes, soit près de 90% de la population chrétienne du monde. Le document constitue un accord officiel sur «l’essence de la mission chrétienne» et démontre que des organismes chrétiens divers «sont capables de travailler ensemble et de parler d’une seule voix». Cela défiait l’imagination que les trois grands organismes chrétiens mondiaux parviennent à un consensus sur des principes éthiques lorsque la mission s’engage dans la conversion d’autres religions. Dans le texte, la compréhension trinitaire de la mission, le royaume de Dieu et le dialogue interreligieux et interculturel sont mis en avant. Le bureau de l’évangélisation de la Commission de mission et d’évangélisation a joué un rôle important dans le processus de rédaction; sa collaboration avec l’Alliance évangélique mondiale s’est poursuivie avec le chapitre d’Ensemble vers la vie consacré à l’évangélisation.

Manille 2012 – Ensemble vers la vie

Plus de 200 personnes venues du monde entier ont participé au rassemblement pré-Assemblée de la CME qui s’est déroulé à Manille (Philippines). Ce rassemblement avait pour but de tenter de renouveler la réflexion sur la mission et l’évangélisation, en élaborant l’avant-projet d’une nouvelle déclaration du COE à ce sujet. Les participant-e-s ont analysé une version préliminaire de la déclaration sur la mission et l’évangélisation qui serait présentée lors de la 10ᵉ Assemblée du COE à Busan (Corée) en 2013. «Ce nouveau document nous offre une occasion d’appeler l’Église globale à avancer plus profondément encore dans la mission et l’évangélisation afin d’affronter les réalités mortifères qui asservissent les gens», a déclaré le pasteur Roderick Hewitt. «L’Église a pour mission de reconnaître la valeur des personnes marginalisées et de leur donner les moyens d’agir en tant que sujets et non objets de la mission, a affirmé pour sa part le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, dans son discours d’ouverture. Ceux qui se trouvent aux confins, sur les fronts nouveaux de la mission, peuvent fournir une piste pour une nouvelle réflexion missionnaire génératrice d’alternatives créatrices.»

Depuis l’intégration du Conseil international des missions et du COE en 1961, la seule prise de position officielle du COE en matière de mission était la déclaration «La mission et l’évangélisation – Affirmation œcuménique» publiée en 1982. Après la 9ᵉ Assemblée du COE à Porto Alegre (Brésil) en 2006, la Commission a travaillé sur une nouvelle déclaration qui a connu plusieurs révisions, dont une refonte après la conférence de Manille. Le document a par la suite été approuvé à l’unanimité par le Comité central réuni en Crète en septembre 2012, puis adopté par l’Assemblée de Busan en 2013 en tant que nouvelle déclaration de position du COE. Ayant été validé à la fois par le Comité central et par l’Assemblée du COE, Ensemble vers la vie est l’un des textes missiologiques les plus importants de l’histoire du Conseil.

«À ma connaissance, aucun autre document du COE n’a mené une réflexion aussi poussée ni aussi cohérente sur les incidences de la mission sous l’angle du Saint Esprit omniprésent et toujours insaisissable de Dieu», a observé le père Steve Bevans. «L’importance de cette déclaration réside dans son concept de “mission à partir de la périphérie”, qui insiste sur l’universalité de l’action au service de tout le peuple de Dieu et de toute la création, malgré les divisions», a commenté la présidente du Comité central du COE, Agnes Abuom. Pour Konrad Raiser, enfin, «Ensemble vers la vie est l’un des textes œcuméniques les plus créatifs produits à l’aube du XXIᵉ siècle.»

Je voudrais mettre en avant plusieurs nouveaux paradigmes et éléments revêtant une importance missiologique dans la nouvelle déclaration du COE sur la mission:

Premièrement, la nouvelle affirmation œcuménique est centrée sur la mission de l’Esprit Saint (missio Spiritus) qui constitue son cadre théologique à l’intérieur de la conception trinitaire de la mission (missio Dei). Elle exprime ainsi l’intention de faire du dynamisme, de la transformation et de la diversité les éléments clés de la mission dans les contextes en évolution d’aujourd’hui.

Deuxièmement, il ressort des conclusions de la déclaration que la mission a pour objectif d’affirmer la vie dans toute sa plénitude. La mission de Dieu étant une mission vivificatrice, elle s’efforce constamment de discerner comment nous pouvons participer ensemble à la missio Spiritus par notre témoignage commun.

Troisièmement, la «mission depuis la périphérie» est considérée comme la perspective créatrice caractéristique de la déclaration. Elle suppose un renversement radical de perspective, dans lequel on passe de la conception erronée que la mission est le fait de personnes qui détiennent richesse et pouvoir en direction de celles qui n’ont ni l’un ni l’autre à la prise de conscience que c’est parmi les pauvres ne détenant aucun pouvoir que le Seigneur agit en réalité et que les chrétiennes et chrétiens sont appelés à prendre part à l’œuvre de Dieu. Les personnes vivant à la périphérie sont donc les agents directs de la mission divine qui a pour objet d’affirmer la vie dans toute sa plénitude.

Quatrièmement, la création et la spiritualité sont au cœur de la mission. Dans cette déclaration, la mission de Dieu s’entend par-delà les objectifs anthropocentriques. Elle ne vise pas le seul salut de l’humanité, mais englobe la terre et la création tout entière. La spiritualité est un élément essentiel qui permet à l’humanité de renouer des liens avec Dieu, la création et son prochain, inspirant une mission source de transformation et soulignant ainsi la dimension cosmique de la mission et de l’unité.

Cinquièmement, la nouvelle affirmation est une conviction œcuménique. Elle formule différentes conceptions de la mission provenant de traditions et de contextes multiples, et les aborde de manière exhaustive dans une optique de convergence œcuménique. Les nouveaux paysages du christianisme mondial sont mis en exergue avec les concepts de la mission depuis la périphérie et les questions de la migration et de la mondialisation économique.

Enfin, la nouvelle déclaration affirme résolument un engagement renouvelé à évangéliser avec humilité et respect. L’annonce de la bonne nouvelle de Jésus Christ est un enjeu majeur de la mission. À chaque génération et dans tous les contextes, elle est une nouvelle salvatrice pour le monde entier. Le texte examine comment communiquer l’Évangile dans un monde contemporain marqué par l’individualisme, le sécularisme et le matérialisme.

En travaillant à la nouvelle déclaration sur la mission, la Commission de mission et d’évangélisation a poursuivi son chemin par un autre chapitre de la conception et de la pratique œcuméniques de la mission visant à discerner ensemble ce qu’est la mission de Dieu aujourd’hui et demain!

 

Busan 2013 – Le Pèlerinage de justice et de paix

La plénière consacrée à la mission était l’une des principales séances plénières au programme de l’Assemblée de Busan, après deux Assemblées sans plénière à ce sujet (Porto Alegre en 2006 et Harare en 1998). Trois discussions œcuméniques ont eu lieu sur le thème de la mission et de l’évangélisation afin d’approfondir les débats sur une nouvelle manière de concevoir et de pratiquer la mission. Plusieurs ateliers ont été organisés en collaboration avec des partenaires clés de la mission. La nouvelle déclaration sur la mission a été présentée et reçue avec enthousiasme par l’Assemblée. Le concept d’Ensemble vers la vie a constitué une source d’inspiration théologique pour le document sur l’unité et pour le lancement du Pèlerinage de justice et de paix. La nouvelle Commission de mission et d’évangélisation (CME) du COE a été nommée par le Comité central et a entamé un nouveau chapitre comme table multilatérale pour les Églises et les agences missionnaires, en vue d’une coopération et d’une réflexion œcuménique sur la mission. Elle a également reçu pour mandat particulier d’organiser la Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation en 2018.

La mission depuis la périphérie

Il est généralement admis que le chapitre consacré à la «mission depuis la périphérie» constitue l’une des parties les plus créatives de la nouvelle déclaration sur la mission. Elle a su inverser le concept traditionnel de la «mission vers la périphérie» et mettre en relief le rôle des personnes marginalisées en tant que sujets de mission. Le chapitre a intégralement été réalisé par les participant-e-s à l’ancien projet du COE «Des communautés justes et sans exclusive» (JIC). De Porto Alegre à Busan, une collaboration très étroite s’est nouée entre ce projet et la commission, à des degrés variables et dans différents domaines. Partant de cette expérience, la CME réunie aux îles Cook en mars 2013 a suggéré une coopération plus structurée avec le JIC dans le cadre des structures pragmatiques instaurées par le COE après Busan, en particulier sur les questions de la migration et du ministère multiculturel, des populations autochtones et du Réseau œcuménique de défense des personnes handicapées (EDAN). C’est la raison pour laquelle le projet «Mission depuis la périphérie» est intégré depuis 2014 à la CME.

La formation à la mission

Après l’approbation d’Ensemble vers la vie par le Comité central en 2012, la CME s’est employée à promouvoir l’emploi de ce document dans la formation à la mission, que ce soit dans le cadre d’études formelles, dans la formation de missionnaires ou dans les paroisses locales. Un guide pratique a été élaboré lors d’un colloque organisé à Kochi (Inde) en 2013, et l’orientation du processus de formation à la mission a été définie lors du colloque de Pietermaritzburg (Afrique du Sud) en 2014. Depuis lors, les corps enseignants de divers contextes à travers le monde intègrent Ensemble vers la vie dans leur processus pédagogique. Le troisième colloque organisé à Matanzas en 2016 a permis de mener une réflexion critique sur le travail accompli et en particulier de rassembler les contributions et ressources nécessaires pour créer un guide qui aiderait les responsables de la formation à la mission à tirer le meilleur parti d’Ensemble vers la vie.

Ecumenical Missiology – 2016

Dans le cadre de son activité de formation à la mission, la CME a joué un rôle déterminant dans l’élaboration d’un manuel centré sur Ensemble vers la vie: Kenneth R. Ross, Jooseop Keum, Kyriaki Avtzi et Roderick R. Hewitt (dir.), Ecumenical Missiology: Changing Landscapes and New Conceptions of Mission (Missiologie œcuménique: évolution des paysages et nouvelles conceptions de la mission), Oxford/Genève: Regnum/COE, 2016. Ce livre commence par des réflexions relatives à la Conférence mondiale des missions d’Édimbourg en 1910 et s’achève sur Ensemble vers la vie. Ces quatre derniers mots incarnent et expriment l’identité et la vocation de la missiologie œcuménique. L’ouvrage décrit le cheminement œcuménique de l’engagement missionnaire des Églises dans le monde et ce qu’implique leur vocation à rendre témoignage du Christ. Le contenu est organisé en trois parties: 1) une exploration des questions qui ont façonné la compréhension de la mission tout au long du XXᵉ siècle. Les auteurs s’appuient pour cela sur le riche corpus de documents œcuméniques internationaux sur la mission provenant du Conseil international des missions, puis de la Commission de mission et d’évangélisation; 2) un examen des grandes questions auxquelles s’est intéressée la missiologie œcuménique au fil du siècle, étudiées sous un angle thématique; 3) une analyse critique des thèmes abordés par Ensemble vers la vie, complétée d’une méthodologie en vue d’une étude critique du texte.

Sharing Good News – 2017

Outil de renouveau, Sharing Good News (Annoncer la Bonne Nouvelle) de Gerrit Noort, Kyriaki Avtzi et Stefan Paas, est une contribution exhaustive dans le domaine de l’évangélisation qui arrive à point nommé: elle prend la pleine mesure des défis et des possibilités spécifiques que rencontrent les chrétiennes et les chrétiens dans le monde contemporain. Le bureau de l’évangélisation de la CME a pris le soin de développer cette ressource de manière systématique grâce à un processus de consultation pluriannuel dont il a récolté les fruits dans cet ouvrage. Le volume propose un cadre œcuménique systématique pour comprendre l’évangélisation dans le contexte actuel. Il contient également des contributions sur les défis particuliers que présentent la sécularisation, la migration ou le dialogue interreligieux et interculturel, et il expose des travaux théologiques sur la signification de l’évangélisation au regard de la mission, de l’ecclésiologie et de la spiritualité. Huit études de cas sont également proposées pour illustrer les pratiques exemplaires et les nouveaux paradigmes de l’évangélisation. Destiné aux étudiant-e-s, au corps enseignant, au clergé et aux spécialistes, cet ouvrage offre des clés importantes pour revitaliser l’annonce de l’Évangile dans la vie et le comportement de disciple des chrétiennes et des chrétiens.

International Review of Mission (IRM)

L’International Review of Mission (IRM) est l’un des principaux fruits de la Conférence mondiale des missions d’Édimbourg en 1910 et l’«ancêtre de toutes les revues dans le domaine des études chrétiennes sur la mission» (Brian Stanley). J’ai l’honneur d’en être depuis dix ans, au nom de la Commission, le treizième rédacteur en chef. En prenant mes fonctions au sein de l’équipe de l’IRM, j’ai été bouleversé par la riche histoire de cette jeune centenaire, par les contributions pionnières qui ont conduit à la création de la missiologie et par les grands noms de mes prédécesseurs, qui étaient également des géants de l’œcuménisme. Encore aujourd’hui, chaque fois que je butte dans ma réflexion, je reprends les éditoriaux de J.H. Oldham, William Paton, Lesslie Newbigin, Philip Potter, Emilio Castro, Eugene Stockwell, Christopher Duraisingh, Anna Langerak, Jacques Matthey… Quand je travaillais à une nouvelle déclaration sur la mission, en particulier, le dialogue avec mes prédécesseurs a été une source d’inspiration et d’encouragement. Je me suis rendu compte qu’aucun d’entre eux n’avait eu la tâche plus facile que moi, et qu’ils avaient constamment bataillé pour trouver des réponses à la question: «Quelle est la mission de Dieu aujourd’hui?» J’espère avoir préservé l’incroyable parcours d’IRM depuis 107 ans. Il y a dix ans, IRM a traversé une crise liée à sa survie à l’ère des publications numériques. Il a sagement été décidé de s’associer à Wiley-Blackwell pour offrir une meilleure qualité et de meilleurs services aux auteurs et au lectorat. Grâce au soutien indéfectible des Éditions du COE et de Wiley-Blackwell, je suis fier d’annoncer qu’IRM arrive 23ᵉ au classement des 381 revues de théologie et d’études religieuses enregistrées sur SCOPUS. Et elle occupe la première place pour la missiologie. Un grand merci à tous ceux et toutes celles, parmi vous, qui lisent IRM et y contribuent!

La Commission de mission et d’évangélisation

La Commission de mission et d’évangélisation (CME) a pour raison d’être d’offrir aux Églises, personnes et mouvements engagés dans la mission et l’évangélisation des espaces où partager leurs réflexions, leurs expériences, leurs questions et leurs découvertes concernant le contenu et les méthodes du témoignage chrétien actuel. Elle a pour priorité d’habiliter les Églises et les organismes missionnaires à participer à une mission commune et à s’en acquitter à la manière du Christ. Elle encourage les conférences, les colloques, les processus d’étude, les publications et les visites, ainsi que les correspondances ou d’autres formes de contact nous permettant de discerner ensemble ce qu’est la mission de Dieu aujourd’hui et comment nous pouvons y participer. Les activités que je viens de rapporter sont le principal résultat du travail collégial accompli par la commission, ses groupes de travail et son personnel. La commission se compose de 42 commissaires et conseillers ou conseillères qui représentent les Églises membres du COE, les organismes missionnaires affiliés et les partenaires: l’Église catholique romaine et les Églises évangéliques et pentecôtistes. Tous siègent à la commission qui se réunit tous les deux ans. Entre chaque session de la commission, les membres du bureau, le groupe exécutif et les groupes de travail se réunissent à intervalles réguliers pour travailler ensemble.

La mission dans le mouvement œcuménique

Quel peut être le rôle de la mission en cette période charnière de l’histoire du mouvement œcuménique? Cette année, le COE fête son 70ᵉ anniversaire. Nous fêtons également le 60ᵉ anniversaire de la décision historique prise à Achimota d’intégrer les deux conseils, le Conseil international des missions et le Conseil œcuménique des Églises. Dans son rapport du président pour la conférence de Bangkok, Philip Potter avait souligné que «nous avons appris dès le début du mouvement œcuménique que les thèmes de l’unité et de la mission sont indissolublement liés». Il rappelait que l’intégration était principalement portée par les jeunes Églises, qui appelaient l’Église tout entière à assumer ses activités missionnaires.

Le mouvement missionnaire a à la fois inspiré et engendré le mouvement œcuménique moderne au siècle dernier, lorsque les Églises ont cherché à relever les défis de l’Histoire et à être des témoins de la bonne nouvelle de Jésus Christ pour le monde par le moyen de l’unité visible. Nous sommes cependant confrontés au défi majeur de définir la vision et la pertinence du mouvement œcuménique dans le contexte actuel de l’évolution des paysages ecclésiaux et mondiaux.

À Manille, j’avais fait part d’une réflexion présentant trois arguments sur le rôle spécifique de la mission au sein du mouvement œcuménique général. Premièrement, la mission peut jouer un rôle prophétique en réunissant les discours sur l’unité et la justice au sein du mouvement œcuménique. Elle offre une démarche holistique qui permet d’affirmer l’intégrité du mouvement œcuménique par la manière dont il relie les personnes et les contextes.

Deuxièmement, la mission peut jouer un rôle créatif au cœur du dilemme entre mouvement et institution en insufflant des visions nouvelles du mouvement. Nous développerons inévitablement des institutions afin d’essayer de garantir l’intégrité du mouvement. Cependant, au fil du temps, l’institution peut perdre la vision du mouvement et tomber dans la tentation de servir uniquement ses propres intérêts. Dans ce cas de figure, la mission peut fournir le lien entre les mouvements et les institutions grâce à l’imagination et à l’action de la missiologie.

Troisièmement, la mission exerce un rôle spécifique entre les organismes ecclésiaux et les agences de développement au sein du COE. Nos prédécesseurs avaient le projet ambitieux de bousculer et de transformer les Églises pour qu’elles deviennent des assemblées missionnaires, en reconnaissant le rôle de l’Église en tant qu’agent direct de la mission. Malgré cet ambitieux projet, nous devons nous demander où se situe le lieu de la mission aujourd’hui au COE.

La mission consiste avant tout à faire se rencontrer les personnes en face à face. Elle raconte l’histoire des membres du peuple de Dieu qui répondent à l’appel à être ensemble des témoins de l’espérance en Jésus Christ. La mission a un rôle important à jouer: elle met en valeur le visage humain, les récits poignants et les témoignages du peuple de Dieu, une expérience que nous avons toutes et tous vécue tout au long de notre temps ensemble vers la vie. Les récits pleins d’humanité des membres du peuple de Dieu qui contribuent à la mission de Dieu par le pouvoir de Son Esprit peuvent servir à bousculer régulièrement l’Église et le mouvement œcuménique, qui en ont bien besoin. Par conséquent, il est primordial que nous nous engagions sans cesse en faveur du mouvement œcuménique et que nous placions la thématique de la mission au cœur de l’Église.

 

Arusha 2018 – Une condition de disciple transformatrice

Comment pouvons-nous décrire l’époque et le contexte dans lesquels nous vivons aujourd’hui? Pour le métropolite Geevarghese Mor Coorilos, «de “nouveaux rois Hérode”, une nouvelle ère impériale et une multitude de “petits empires” se forment en orbite du “méga-empire” et œuvrent dans un esprit hégémonique. En Inde, par exemple, l’alliance contre nature du fondamentalisme religieux, de la mentalité de caste et de l’idéologie néolibérale est en train de créer un empire fasciste.» La division, le fondamentalisme, la violence et la discrimination sont en plein essor partout dans le monde. Dans nos cultures sociopolitiques, la part sombre de la nature humaine prend le dessus sans vergogne. La soif de pouvoir, l’argent, la violence et les actes de jalousie se font concurrence pour chercher des victimes. Les hauts dirigeants des «empires mondiaux» et des «petits empires» créent ouvertement une politique de peur fondée sur la discrimination et l’intimidation de l’autre, en particulier des faibles, des minorités, des étrangers et des pauvres. Nous sommes réunis ici à Arusha pour faire face à ces problèmes par la qualité de la communion œcuménique, la qualité d’une condition de disciple transformatrice.

Redécouverte de la foi des périphéries

Jésus s’est incarné au sein de la population des périphéries. Au moment de sa naissance, les personnes qui se sont réunies autour de lui étaient des personnes extérieures aux structures du pouvoir. La naissance de Jésus était une nouvelle inouïe, menaçante pour les autorités. Elles n’avaient jamais imaginé que Dieu se révélerait parmi des gens ordinaires. Dieu a choisi la «périphérie» pour inaugurer son Royaume. Dieu est venu et se rencontre parmi les personnes qui n’ont aucun pouvoir et dans des lieux inattendus, et pas seulement dans les milieux privilégiés ou de pouvoir. Par conséquent, personne ne peut comprendre la bonne nouvelle de Jésus Christ sans l’incarner dans le contexte des périphéries. Discuter de la mission dans une salle de réunion ne suffit pas, faire avancer l’œcuménisme autour d’une table ne suffit pas.

Ensemble vers la vie suggère le concept de «mission depuis la périphérie» comme nouvelle orientation de la mission: «La mission depuis la périphérie cherche à s’opposer aux injustices dans la vie, l’Église et la mission. Elle veut être un mouvement de mission différent, allant au rebours de l’idée selon laquelle la mission ne peut être le fait que de personnes disposant d’un pouvoir et allant vers celles qui n’en ont pas, des riches vers les pauvres ou des privilégiés vers les personnes marginalisées. Une telle idée, en effet, risque de contribuer à l’oppression et à la marginalisation. […] Vivre à la périphérie, cependant, ne manque pas d’enseignements. Les gens qui vivent à la périphérie, en marge, ont un potentiel d’action et, souvent, ils peuvent voir ce qu’on ne peut pas voir depuis le centre. Vivant en situation de vulnérabilité, les personnes qui vivent à la périphérie savent souvent quelles sont les forces d’exclusion qui menacent leur survie, et elles sont le mieux placées pour discerner l’urgence de leur lutte. Les personnes occupant des situations privilégiées ont beaucoup à apprendre des luttes quotidiennes des gens qui vivent en situation de marginalité.»

Il me semble que c’est la base du renouveau d’une condition de disciple authentique. Les disciples que l’on ne trouve pas parmi les personnes vivant à la périphérie ne sont pas des disciples du Christ. Le modèle du christianisme et de la mission exprimé par la chrétienté, qui a existé sous forme de religion d’État, a longtemps été associé au pouvoir. Il nous est impossible d’imaginer comment nous pourrions accomplir la mission de l’Église sans institutions ni ressources. Cependant, quels que soient nos moyens, il n’y a pas d’autre chemin que la kénose. La voie de Jésus est la seule qui habilite l’Église, la mission et le mouvement œcuménique.

Nous œuvrons parce que le Saint Esprit nous donne la force et les moyens de le faire, et nous comptons sur Dieu et les êtres humains plutôt que sur le soutien et la protection des institutions. À défaut «d’or et d’argent», nous avons la joie et la fidélité à l’Évangile, la passion de la justice. Je pense qu’insuffler ce dynamisme au cœur de la théorie et de la pratique de la mission œcuménique est la première étape du renouveau de notre mouvement.

Le pouvoir de l’amour contre la politique de la peur

L’un des principaux thèmes de l’approche pneumatologique de la mission réside dans la mission d’hospitalité de l’Esprit, associée au charisme, au dynamisme, à la guérison, à la diversité et à la transformation. La spiritualité de la mission a pour fruit l’amour et le shalom: «Allez en paix». Le shalom de Dieu appelle à une hospitalité radicale qui surmonte l’hostilité (ubuntu). Il introduit la mission d’une hospitalité transformatrice de la justice. Selon Sung Jae Kim, la justice n’est pas uniquement un principe qui rejette le mal de l’hostilité et de la haine envers les personnes réfugiées et migrantes, elle est aussi la force qui transforme la haine et l’hostilité en hospitalité. L’hospitalité de Dieu est inconditionnelle et eschatologique. La mission de Dieu ne se résume pas simplement à inviter ses hôtes et à les traiter correctement. Elle est plutôt une question de mission ontologique, le fait d’être ensemble dans une même famille dans le shalom de Dieu (ujamaa) – une vision missionnaire de l’unité (umoja).

Dans un contexte mondial marqué par la montée du racisme et de l’extrémisme, l’un des principaux objectifs de la conférence d’Arusha doit être de méditer sur la manière dont nous comprenons et exprimons le «pouvoir de l’amour de Dieu» qui fait échec à la culture de la haine et à la politique de la peur. «Présentons-nous l’amour de Dieu comme étant seulement valable dans un autre monde, au motif que certains d’entre nous ne veulent pas risquer de perdre les avantages et privilèges que nous confèrent diverses formes d’injustices structurelles?» Et, dans ce cas, «ne limitons-nous pas le pouvoir de l’amour de Dieu en cherchant à témoigner selon des moyens sûrs et confortables, le limitant ainsi au royaume du strictement personnel, de ce qui n’est accordé ou accessible qu’à certaines conditions, et le limitant ainsi à un pouvoir qui engourdit et soulage au lieu de guérir et transformer?»

Nous croyons que le pouvoir de l’amour de Dieu est plus grand que les puissances de mort. Nous affirmons que le pouvoir du Seigneur ressuscité soumet les puissances de mort, même lorsque le reste du monde adhère ou reste indifférent aux puissances de mort dans le monde aimé de Dieu. Comment pouvons-nous alors témoigner de l’amour de Dieu de telle sorte que notre témoignage nourrisse, protège et soutienne la vie, tout en affrontant et en transformant le déni du don divin de la vie?

L’Affirmation œcuménique définit ainsi les disciples missionnaires: «Le dépouillement du serviteur qui a vécu parmi les gens, partageant leurs joies et leurs peines, donnant sa vie sur la croix pour toute l’humanité – voilà comment le Christ a annoncé la bonne nouvelle. Et en tant que disciples, nous sommes appelés à suivre le même chemin.» L’exercice kénotique de l’autorité est donc une expression concrète de notre condition de disciple. Jésus a tenu en échec les pharisiens, les sadducéens, le roi Hérode et même l’Empire romain par le pouvoir de l’amour sur la Croix, et non au sommet de la tour du temple ou sur le trône royal. «La mission est l’effusion débordante de l’amour infini du Dieu Trine.»

Il est temps de nous remettre en question en tant que missionnaires: «Sommes-nous de véritables disciples de l’Évangile?» «Que signifie cette question pour notre identité chrétienne dans le monde d’aujourd’hui?» Il me semble que cette question est plus importante que tout autre discours missiologique dans la conjoncture contemporaine. Ce n’est pas une question de nombre ou de ressources. C’est la qualité de notre comportement de disciple qui sera déterminante. Il est temps d’accorder la priorité aux questions liées à une condition de disciple authentique dans la conception de la mission œcuménique, compte tenu du contexte actuel dans lequel la foi dans le pouvoir et l’argent menace la crédibilité de l’Évangile. Sommes-nous convaincus que le pouvoir de l’amour peut transformer un monde de haine et d’injustice? La seule chose qui importe, c’est «la foi agissant par l’amour» (Galates 5,6).

L’espérance comme agent du changement

Dans le chapitre 13 du Livre des Actes des apôtres, on observe un déplacement du centre de gravité de la mission de Jérusalem à Antioche. La communauté chrétienne d’Antioche avait élu cinq responsables de la mission et du ministère. Aux côtés de Paul et Barnabas, il y avait parmi eux Syméon appelé Niger. Une communauté religieuse qui vient de se créer à Antioche, qui se donne le nom de «chrétiens», a élu un esclave africain noir à sa tête. L’élection d’un esclave à la tête de la communauté a causé un tel choc que cela a provoqué des remous dans toute la société, et en fin de compte dans l’ensemble du monde gréco-romain! Il n’y avait ni discrimination ni exclusion dans la bonne nouvelle du salut. Les disciples témoignaient ainsi avec éloquence des valeurs de l’Évangile du royaume de Dieu. L’Évangile était réellement un symbole d’espérance et de transformation pour ces personnes qui vivaient dans une situation désespérée.

Nous croyons que l’Évangile a le pouvoir de transformer le monde: les personnalités, les valeurs, les classes sociales, les systèmes et les sociétés. L’Évangile du royaume de Dieu bouscule le monde qui continue d’entretenir le désespoir. Le monde n’a pas su faire taire le petit groupe de disciples à Antioche. Étant au service de Dieu, nous avons pour mission d’annoncer la Bonne Nouvelle à toute l’humanité et à toute la création qui aspirent à l’espérance.

Dans l’évangile selon Jean, la première fois que les autorités juives tentèrent de faire périr Jésus, c’était après qu’il avait guéri l’homme qui attendait depuis trente-huit ans près de la piscine de Bethesda. Selon eux, «il violait le sabbat» (Jean 5,1-18). Le système de Bethesda, qui autorise la première personne capable de se précipiter à rafler la mise (la guérison), doit être renversé. Il faut réorganiser les structures qui empêchent les personnes souffrantes d’avancer ensemble, main dans la main, dans «l’eau bouillonnante de la vie». Bethesda, qui porte le nom de «maison de la grâce» mais n’en a aucune, doit être démolie même le jour du sabbat. C’est de là que Jésus Christ bâtit la Croix, un nouveau temple, la communauté d’espérance parmi nous sur notre route d’Emmaüs et d’Arusha.

Les gens sauront d’instinct, dans leur cœur, qui nous sommes et de quelle théologie nous parlons. Les gens savent d’instinct, dans leur cœur, si nous croyons vraiment à la vision d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle. Le Saint Esprit crée de nombreux nouveaux espoirs dans la population des périphéries. Notre mission consiste à révéler cette espérance depuis les périphéries du monde, comme l’a fait l’Église d’Antioche. Notre mission de disciples consiste ainsi à proclamer l’espérance du «royaume de Dieu qui vient et qui est déjà parmi nous». Au milieu des souffrances, du désespoir et des cris de vie, notre mission en tant que disciples transformés et sources de transformation consiste à chercher d’autres valeurs, d’autres modes de vie et d’autres communautés pour révéler le royaume de Dieu sur terre par le pouvoir du Saint Esprit.

 

Notre vocation

Nous sommes ici pour la 14ᵉ Conférence mondiale sur la mission, dont le thème est «Agir selon l’Esprit: appelés à être des disciples transformés». Avant d’essayer de nous adresser à la population en dehors du site de Ngurdoto ou d’oser nous aventurer dans le monde, il faut d’abord définir notre vocation en tant que communauté de mission. «Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit» (Galates 5,25). Dans notre discernement commun des signes des temps, il est évident, malgré le chaos de la désunion humaine dans lequel nous vivons et rendons témoignage aujourd’hui, que de nombreux signes de l’Esprit Saint sont source de vie et porteurs d’espoir ici en Afrique.

Le monde est brisé. Il est donc impératif que le mouvement œcuménique témoigne avec audace de l’unité dans le Dieu trinitaire et l’incarne pour l’unité de l’humanité. Le monde aspire à ce que des disciples du Christ réconcilient ce monde brisé et troublé. Pour y parvenir, l’unité de l’Église et la mission ne sont pas des options facultatives. Pour que l’Église puisse être la lumière du monde, le rôle des disciples du Christ est crucial. Les gens voient la vision du royaume de Dieu à travers nous. Par conséquent, nous devons redécouvrir la simplicité, l’inclusion, la joie, la kénose, l’empathie et l’«imagination prophétique» de notre condition de disciple. Il n’y a pas d’autre chemin que celui que notre Seigneur Jésus Christ a suivi avant nous.

Nous sommes appelés à être d’humbles responsables de cette mission et à assumer cette coûteuse condition de disciple. En rendant témoignage de la foi, de l’amour et de l’espérance en Christ pour les Églises divisées, les personnes qui souffrent et un monde fragmenté! C’est la raison pour laquelle nous sommes appelés à Arusha par l’Esprit de mission, l’Esprit de transformation.

Nous sommes appelés à être des disciples actrices et acteurs de la transformation et, à ce titre, nous avons le privilège de participer à la mission du Dieu trinitaire, œuvrant ensemble au service de la vie, incarnant les valeurs du Royaume de Dieu et nous engageant dans la mission à partir des périphéries. Dans un monde où l’injustice semble presque insurmontable, où la haine et le racisme semblent prospérer, où la souffrance est tant répandue et terrifiante, notre condition de disciple nous coûte. «La mission de Dieu est toujours une mission transformatrice.»

Je vous remercie. Asante!