Documents provenant de colloques organisés par l'EMS sur le thème de la réconciliation

Traduit de l'anglais
Service linguistique, COE

Document préparatoire n° 6

Nous avons le plaisir d'ajouter les textes ci-après à la série de documents préparatoires pour la Conférence mondiale d'Athènes sur la mission et l'évangélisation ; ils illustrent bien comment une communauté d'Eglises et d'organismes missionnaires a abordé les problèmes de la réconciliation et de la violence, de la guérison des mémoires, du témoignage commun et de l'édification de la paix. Le processus d'étude de l'EMS se veut une contribution à la Décennie « vaincre la violence » ; mais en outre, en tant qu'il est l'aboutissement de réflexions d'une communauté missionnaire intercontinentale, il contribue également à la préparation de la Conférence de la CME. Les documents que nous reproduisons ici le sont avec l'autorisation de leurs auteurs ; ils sont précédés d'une introduction rédigée spécialement pour cette série par le secrétaire général de l'EMS. Nous avons conservé tels quels les documents présentés, mais nous n'avons pas indiqué le nom des auteurs.

Jacques Matthey

Avant-propos

L'EMS est le sigle d'une association allemande, Evangelisches Missionswerk in Südwestdeutschland, qui est une association d'Eglises et d'organismes missionnaires protestants du Sud-Ouest de l'Allemagne. Il s'agissait au départ d'une société missionnaire allemande qui, progressivement, est devenue une communauté œcuménique internationale regroupant 23 Eglises et quatre sociétés missionnaires d'Europe, d'Afrique et d'Asie. Tous ses membres sont représentés dans le Conseil missionnaire de l'EMS, organe exécutif de l'EMS, où les décisions sont prises par tous, chaque Eglise et chaque organisation ayant droit de vote ; les membres de l'EMS se reconnaissent également dans une conception et une politique communes de la mission, dont l'élaboration s'est faite au cours de plusieurs années d'un processus fondé sur la participation. Enfin, l'EMS s'exprime aussi au travers de réseaux internationaux (femmes, jeunes, etc.) et, surtout, de programmes communs. En 1991, des délégué(e)s de toutes les Eglises et organisations membres de l'EMS se sont réunis à Jérusalem pour élaborer des recommandations concernant le déroulement futur de leur entreprise œcuménique commune et, depuis, le « témoignage commun » est devenu l'élément clé qui caractérise les liens de communauté fraternelle qui les unissent. Depuis sept ans, un thème particulier est choisi chaque année pour souligner une dimension essentielle de cette communauté œcuménique. En 2001 et 2002, deux années de suite donc, le Conseil missionnaire de l'EMS a choisi pour point focal la « réconciliation » ; au cours de cette période, plusieurs colloques ont été organisés pour discuter des problèmes de réconciliation qui se posent dans différents contextes.

Le présent document présente les recommandations adoptées par quatre colloques organisés par l'EMS :

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un colloque entre Allemands, Coréens et Japonais, organisé du 12 au 16 septembre 2000 à Musashi-Ranzan, près de Tokyo (Japon), par la Mission allemande en Asie orientale, la Fondation Aunae (Corée) et le Centre chrétien Tomizaka (Japon) ;

un colloque qui a eu lieu du 21 au 23 novembre 2001 à Mahabalipuram (Inde), avec des délégués représentant tous les diocèses de l'Eglise de l'Inde du Sud (CSI) ainsi que différentes facultés de théologie ; il était organisé conjointement par le Bureau de liaison de l'EMS en Inde et par l'Eglise de l'Inde du Sud ;

un colloque qui s'est tenu du 27 au 31 janvier 2002 à Tomohon (Indonésie), organisé par le Bureau de liaison de l'EMS en Indonésie et neuf Eglises indonésiennes ;

un colloque qui s'est tenu du 16 au 27 novembre 2002 à Hanover Park, au Cap (Afrique du Sud), organisé par le Secrétariat de l'EMS et l'Eglise morave en Afrique du Sud.

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Ces colloques s'inscrivent dans le cadre d'un processus permanent qui a lui-même sa place dans le mouvement œcuménique en général ; ils avaient pour objet d'apporter une contribution à la Décennie « vaincre la violence ». Pour ce qui est de la « réconciliation », elle demeure en permanence à l'ordre du jour de l'EMS. En juillet 2003, le Conseil missionnaire de l'EMS a adopté un programme biennal d'« édification de la paix », qui devait servir de thème commun pour les deux années suivantes. On voit donc que l'EMS, humblement, joue le rôle d'un forum œcuménique destiné à faciliter les échanges d'expériences en matière d'édification de la paix et à mettre en liaison des initiatives prises dans différents contextes, dans le cadre de l'engagement commun en faveur de la paix, de la justice et de la réconciliation.

Bernhard Dinkelaker

Secrétaire général de l'EMS

 

I - Colloque entre Allemands, Coréens et Japonais, septembre 2000

Lettre à nos Eglises et paroisses

Du 12 au 16 septembre 2000, des chrétiens originaires de Corée du Sud, du Japon et d'Allemagne se sont réunis à Musashi-Ranzan, près de Tokyo. Nous présentons ci-après les questions qui ont été soulevées et les conclusions auxquelles sont parvenus les participant(e)s. Il s'agit d'une contribution au programme Vaincre la violence du Conseil œcuménique des Eglises.

Nous avons traité des thèmes suivants : le PARDON, la REPARATION et le RENONCEMENT A LA VIOLENCE. Nous sommes horrifiés par les atrocités commises au cours de ces 60 dernières années en Allemagne, en Corée et au Japon ; certaines ne commencent à être publiquement connues dans tous leurs terribles détails que depuis peu de temps. Nous nous souvenons par exemple du massacre de Nogun-ri pendant la guerre de Corée, ainsi que de la répression de la révolte de Kwangju, en 1980, par les troupes américaines, du bain de sang commis par le Japon à Nanjing en 1937, de la Shoah en Allemagne et des méfaits politiques perpétrés par l'ancienne République démocratique allemande.

Nous avons entendu parler avec horreur de la façon dont les militaires japonais ont traité les Coréennes pendant la guerre du Pacifique ; on nous a expliqué comment certaines ont été enlevées de force par les autorités japonaises lors de l'occupation de la Corée par le Japon. Nous sommes navrés de constater que beaucoup de personnes innocentes, qui ont souffert en prison, n'ont pas encore reçu de compensation. Nous confessons que, dans ces pays, nos Eglises n'ont pas assez clairement élevé la voix contre un tel recours à la violence.

Dieu nous a permis de prendre un nouveau départ, aussi voyons-nous des possibilités de trouver de nouvelles voies pour nous rapprocher les uns des autres et pour avancer les uns avec les autres, même si tous les dossiers ne sont pas encore clos et en dépit de toutes les offenses commises.

Renonciation à la violence

Nous avons la conviction que la violence a notamment pour points de départ :

- le mépris à l'égard de personnes appartenant à d'autres cultures et religions ;

- l'indifférence à l'égard de la réalité politique et économique ;

- le fait d'ignorer volontairement d'autres personnes ;

- l'emploi d'un langage péjoratif pour parler de minorités ;

- l'isolement social ou l'humiliation psychologique.

A notre avis, il y a un danger qui est inhérent à tout pouvoir politique (l'Etat) et économique (Mammon) : si les gens peuvent être mieux protégés et devenir plus riches, ils peuvent aussi être plus gravement menacés. Nous considérons qu'il est légitime de s'opposer à un pouvoir asservissant. Nous demandons aux paroisses de discuter avec des croyants d'autres pays du rôle des militaires et de la non-violencee afin d'esquisser des perspectives nouvelles pour un avenir non violent. Il s'agit de ne pas oublier les objectifs du Sermon sur la montagne ni les pratiques de Gandhi et de Martin Luther King, non plus que ce qui s'est passé en 1997 à Kwangju (utilisation de gaz lacrymogènes « incapacitants »). Nous considérons que, pour remplacer la violence, rien ne vaut le droit et la justice. C'est pourquoi il faut renforcer le droit international, les tribunaux internationaux et les droits de la personne.

Nous sommes décidés à mieux tenir compte des décisions dictées par la conscience et à les respecter. Il faut en permanence renforcer la conscience des membres des paroisses en leur rappelant les commandements de la Bible (par exemple à propos de la violence contre les femmes). Par principe, les Eglises doivent prendre le parti des personnes vulnérables.

Pardon

Les idées nationalistes entretenues en Allemagne et au Japon ont abouti à la Shoah et sont à l'origine de la seconde guerre mondiale, et elles ont provoqué le malheur de nombreuses populations voisines de ces pays. Des représentants de Corée ont évoqué le souvenir poignant des conséquences particulières que ce pays a dû subir. Cela dit, on trouve des offenseurs et des victimes dans chaque peuple et dans chaque Eglise ; mais il y a aussi une majorité silencieuse de spectateurs et de compagnons de route. Nous représentons la génération des enfants et des petits-enfants qui n'ont eu aucune part directe aux crimes et atrocités de la seconde guerre mondiale et de la guerre de Corée. Il n'en reste pas moins que nous devons prendre position. Après tout, nous sommes en permanence confrontés à l'histoire de nos pères et mères. Nous avons la responsabilité de veiller à ce qu'aucune génération ne soit ignorante du fardeau de l'histoire, ainsi que de chercher des moyens d'assumer les responsabilités des peuples et des Eglises – des moyens qui passent par la réconciliation.

Nous avons la conviction que la confession publique des fautes commises ouvrira la porte à un avenir nouveau, tant pour les offenseurs que pour les victimes, surtout si la faute commise est énoncée spécifiquement. Nous avons la conviction que les offenseurs qui se repentent, qui révèlent les atrocités qu'ils ont commises et qui font réparation se verront pardonnés par les victimes. Cependant, nous savons bien que des offenseurs hésitent à sauter ce pas, de crainte d'être condamnés et d'y perdre leur honneur. Bien souvent, ils ne sont disposés à assumer leur responsabilité et à avouer leur participation que lorsqu'on leur offre la possibilité d'être pardonnés. Ce qui fait la force des victimes, c'est lorsqu'elles sont disposées à faire le premier pas vers la réconciliation. Nous savons que les individus ont la capacité de pardonner inconditionnellement. Pour ce qui est des peuples, la réconciliation doit être organisée sous des formes politiques et économiques.

Inspirés par le récit biblique de la rencontre entre Jésus et Zachée (cf. Lc 19,1-10), nous avons la conviction que les Eglises ne peuvent se contenter d'assister à tout cela en tant que simples spectatrices. Elles doivent aider les offenseurs et les victimes à se rapprocher : alors le public reconnaîtra les souffrances des victimes et les offenseurs seront disposés à dire la vérité sur le mal qu'ils ont commis et à faire réparation. C'est ainsi que la réconciliation offerte par les victimes rendra possible le pardon.

Compensation / réparation

Nous pensons que, fondamentalement, toute réparation est impossible entre offenseurs et victimes. Ce dont ont besoin les victimes et les survivants, c'est que la vérité soit clairement dite et qu'on leur offre la possibilité d'assumer leur propre histoire ; mais, en même temps, il leur faut une compensation matérielle, pour autant que cela soit possible. Une compensation peut contribuer à prévenir toute réitération du mal commis. Indubitablement, toute compensation implique un risque d'abus dans la mesure où elle ne servirait qu'à mettre fin à la discussion. Il est tout aussi important de rétablir la dignité des personnes. C'est pourquoi nous nous engageons à faire notre possible pour dévoiler la vérité et pour appeler les gens à se souvenir.

Nous, chrétiens originaires de trois pays, nous invitons le gouvernement japonais à présenter immédiatement ses excuses aux victimes et à accorder des réparations. Dans ce sens, nous soutenons aussi le Tribunal for the Comfort Women qui se tiendra en décembre 2000 à Tokyo.

Ces engagements apporteront des changements dans les relations entre les peuples ainsi que dans nos vies. Ils relèvent du rôle œcuménique et missionnaire de toutes les Eglises.

Conclusion

Nous demandons à nos Eglises de Corée, du Japon et d'Allemagne d'œuvrer au plan local pour que ne soit pas oubliée l'histoire et pour que soient transmises aux générations futures les réflexions auxquelles aura abouti ce travail de mémoire.

C'est pourquoi nous demandons à nos paroisses d'intervenir dans les cas où le mal commis – qui parfois n'a été révélé que récemment – n'est pas suivi de sanctions, et nous les appelons à rechercher des solutions en coopération avec les instances politiques et les groupes de citoyens responsables en la matière.

Nous demandons à nos Eglises de ne pas ignorer les témoignages de première main et d'essayer de multiplier les occasions d'échanges et de rencontres entre ces trois pays afin de faire participer des jeunes, de façon responsable, aux questions qui nous préoccupent.

Dans le même sens, nous demandons aux Eglises de nos trois pays d'œuvrer, à tous les niveaux, à la réconciliation entre la Corée du Nord et la Corée du Sud qui a commencé en juin dernier.

Cette conférence a été organisée à l'initiative de l'EMS (Mission allemande en Asie orientale), du Centre chrétien Tomisaka (Japon) et de l'Institut de recherche théologique de Corée (Séoul).

16 septembre 2000

 

Colloque sur la violence et la réconciliation organisé par l'EMS et l'Eglise de l'Inde du Sud (CSI)
21 – 23 novembre 2001, Tamilnadu Beach Resorts, Mahabhalipuram (Inde)

DECLARATION ET RECOMMANDATIONS DU COLLOQUE

I. Introduction - Contexte et objectifs du colloque

A l'heure actuelle, le terrorisme qui se manifeste à l'échelle du monde entier et la lutte contre ce terrorisme font la une dans les journaux, à la radio et à la télévision. La violence s'intensifie dans le monde entier, en particulier au Moyen-Orient, au Cachemire, à Sri Lanka, en Afghanistan, etc. Il s'agit d'une réalité globale. S'il est vrai que nous parlons d'un « village mondial », nous n'en vivons pas moins dans un monde déchiré. Tous les progrès de la science, de la technologie, de l'enseignement et de la médecine n'ont pas fait diminuer les actes de violence. Le 11 septembre 2001 marque d'une pierre noire l'histoire humaine de la violence. La conférence organisée par l'EMS et l'Eglise de l'Inde du Sud (CSI) sur le thème de la violence et de la réconciliation s'est donc tenue à un moment très opportun et dans un contexte approprié. Elle a donné aux participant(e)s l'occasion de comprendre le pourquoi de la violence ainsi que la manière dont nous pourrions la vaincre.

Les conflits violents se produisent à de multiples niveaux et pour des raisons différentes. Bien souvent, ils sont associés à des questions de justice. La violence est une culture destructrice. Elle a de nombreux visages. En différents lieux et dans des situations diverses, les droits individuels et collectifs sont bafoués. C'est là un phénomène que l'on retrouve dans le monde entier, et il n'est pas absent de l'Inde. Il est vrai que la violence est un problème à l'échelle du monde entier ; néanmoins, au cours de cette conférence, nous avons voulu nous concentrer sur notre situation locale, tant dans les paroisses de l'Eglise que dans la société indienne en général.

A cette Conférence régionale organisée par l'EMS et la CSI à Mahabhalipuram, Chennai, du 21 au 23 novembre 2001, sur le thème Violence et réconciliation, ont participé notamment des représentants du synode de l'Eglise de l'Inde du Sud (CSI), des diocèses de la CSI, de facultés de théologie et d'organisations œcuméniques ainsi que des représentants de l'Eglise orthodoxe, de l'Eglise Mar Thoma, de l'Eglise presbytérienne de l'Inde et d'autres. Nous avons exposé et affirmé que la violence, c'est tout acte qui constitue une menace ou une agression contre la vie et la dignité humaines, qui tue l'humain et qui détruit la création. Cette violence peut être passive ou active, se présenter sous une forme agressive ou silencieuse. La violence est partie intégrante de nos structures sociales, de notre religion et de nos cultures, elle s'enracine dans notre égoïsme, qui s'exprime notamment par des préjugés de caste, la soif de pouvoir, les idées partiales en matière sexuelle, etc. Les victimes en sont les Dalits, les femmes, les enfants et les minorités tribales, et surtout les pauvres. La réconciliation est l'initiative historique de Dieu en Jésus Christ et par lui, visant à rétablir toutes les relations brisées dans la communauté. Il faut que cette restauration des relations se fasse dans la vérité, la justice et le pardon, dans les familles, dans les rues, sur les lieux de travail, etc.

Nous affirmons qu'il est nécessaire de réfléchir sur la réconciliation et d'œuvrer en faveur de la réconciliation. Nous savons qu'il existe, en Inde, de fortes traditions qui s'opposent à la violence, notamment l'ahimsa (non-violence), la satyagraha (s'attacher à la vérité), le mauna (acte de silence), le karuna (acte de compassion), l'ashrama (vie de renoncement), le niraharadikhsha (jeûne), le shakaharam (préférence donnée à la nourriture végétarienne), etc. Il faut relancer ces traditions et les pratiquer plus largement dans l'Inde actuelle.

II. Ce que doit faire l'Eglise

Nous appelons l'Eglise en Inde à prendre les initiatives suivantes :

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un ministère de réconciliation à tous les niveaux de l'Eglise ; en tant que membres de l'Eglise, nous sommes tous des agents de réconciliation ;

l'Eglise devrait être en permanence consciente de l'injustice sociale et participer plus vigoureusement au luttes populaires en faveur de la justice sociale ;

la politique générale et la constitution de tous les organes décisionnaires de l'Eglise devraient dûment tenir compte de la réalité des genres sexuels et promouvoir la justice en la matière ;

les Eglises doivent résolument s'efforcer de faire participer les femmes à la liturgie et aux prises de décisions à tous les niveaux.

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III. Propositions / recommandations

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Créer, au niveau local, des communautés de voisinage dans lesquelles seront représentées toutes les communautés.

Lancer des programmes de conscientisation, au niveau des paroisses, par une interprétation contextuelle de la Parole de Dieu.

Etablir, au niveau local, des dialogues thématiques auxquels participeront toutes les communautés.

Lancer des programmes et activités interreligieux.

Veiller à ce qu'il y ait, dans les paroisses, une pastorale et une politique d'accompagnement efficaces ainsi qu'un enseignement chrétien.

Entamer des négociations de paix partout où se produisent des conflits.

Elaborer des plans stratégiques visant à la mise en place de programmes différents de développement humain durable.

Créer, au sein du Secrétariat de la CSI, un département pour les problèmes de la paix, qui sera chargé de coordonner et d'encourager les initiatives de paix et de réconciliation dans les communautés.

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23 novembre 2001

 

Conclusions et recommandations du Colloque régional des Eglises indonésiennes partenaires de l'Association des Eglises et missions du Sud-Ouest de l'Allemagne (EMS)

Du 27 au 31 janvier 2002, nous, délégués des neuf Eglises partenaires de l'EMS en Indonésie, nous sommes réunis en colloque à Tomohon, Minahasa, pour discuter du thème « L'Eglise appelée à vaincre la violence et à créer la réconciliation ». Nous avons entendu divers exposés, nous nous sommes fait mutuellement part de nos expériences et de nos opinions et nous avons étudié la Bible ensemble. Nous avons également eu l'occasion de visiter des réfugiés originaires de Ternate et de Halmahera regroupés dans les camps de Manado et de Bitung, et nous avons pu discuter directement avec des victimes d'émeutes et de violence.

Au cours de ce colloque, nous avons notamment pris conscience de ceci :

- une culture de violence imprègne déjà en profondeur diverses dimensions essentielles de la vie humaine et de la création tout entière ;

- l'Eglise vit dans un monde plein de violence mais, souvent, elle n'y prête pas attention ; en outre, inconsciemment, elle participe à la culture de violence ;

- la violence est à l'origine d'une crise de l'humanité dont les expressions sont la pauvreté, la souffrance, la faim, le déplacement de personnes et de nombreuses victimes ;

- dans la diversité des cultures de l'Indonésie, de nombreux symboles culturels contribuent à encourager la perpétuation de la culture de violence et du militarisme ; en Indonésie, dans chaque culture tribale, « l'épée » et des « danses guerrières » constituent des éléments culturels importants ;

- la perpétuation de la culture de violence en Indonésie est également favorisée par les informations diffusées par les médias, différents loisirs, des jeux électroniques et par une société qui impose la discipline par des méthodes militaristes ;

- une interprétation déviante et arbitraire de certains passages de la Bible alimente un fanatisme borné qui légitime l'emploi de la force ;

- les femmes et les enfants sont les principales victimes des actes de violence ; la légitimation culturelle et religieuse contribue souvent à la perpétuation de tels actes de violence.

- l'Eglise n'a pas encore complètement rempli la tâche prophétique qui lui incombe de vaincre la violence et de faire de la réconciliation une réalité.

Nous considérons également que :

- de plus en plus, la violence est devenue le principal instrument culturel pour résoudre les conflits, pour imposer sa volonté propre, pour conserver le pouvoir et maintenir le statu quo, pour se justifier et justifier son propre groupe au nom de l'identité de la tribu, de la religion ou du groupe afin de préserver sa propre suprématie, ou celle de son ethnie, sur les autres ;

- l'idée fausse que l'on se fait du pluralisme de la société indonésienne – considéré des points de vue du droit tribal et coutumier et de la tradition religieuse et culturelle – est en puissance la source permanente d'actes de violence ;

- la culture de violence imprègne désormais de nombreuses structures du pouvoir de la société indonésienne – relations entre les sexes, entre religions, entre groupes ethniques, au sein des familles et des clans ainsi qu'entre majorités et minorités –, ce qui fait obstacle à la réalisation de la justice, de la paix et de l'intégrité de la création.

En tant qu'Eglises, nous confessons que :

- nous ne prêtons pas suffisamment attention à la réalité de divers actes de violence commis dans la société et par lesquels se perpétue la culture de violence à différents niveaux, depuis la famille jusqu'à l'Etat ;

- nous ne prenons pas suffisamment la peine d'inciter les membres des Eglises et la société dans son ensemble à créer une culture non violente en proposant des solutions non violentes aux conflits ;

- nous n'avons pas encore suffisamment le courage de critiquer et corriger l'Etat lorsqu'il s'avère incapable de faire appliquer la loi et d'instaurer la justice et la paix, au point que notre pays, l'Indonésie, a acquis une mauvaise réputation auprès des autres pays et de la communauté internationale ;

- nous ne sommes pas encore suffisamment capables d'instaurer la justice et la paix, et de veiller à la sauvegarde de la création.

Quelques points qui nous préoccupent particulièrement :

- Les conflits qui se sont produits tant dans la dimension horizontale que dans la dimension verticale : en certains lieux, ils se sont traduits par des émeutes qui ont provoqué des pertes humaines et matérielles non négligeables. De nombreuses personnes, fuyant les zones d'émeutes pour se réfugier dans des régions sûres, sont marquées par des blessures et des traumatismes qui constituent une source potentielle de perpétuation de la culture de violence à l'avenir.

- Le comportement de l'élite politique, à différents niveaux, et des forces de sécurité qui ont failli à leur devoir de renforcer, dans la population, la confiance en la suprématie du droit pour établir la justice. Au contraire, il est fréquemment arrivé que la loi ait été appliquée au détriment de la justice et que justice ait été faite au détriment du droit. Un peu partout se sont produits des mouvements de violence populaire, et des criminels ont été jugés directement par les masses, ce qui a radicalement affaibli l'esprit de fraternité au niveau de la société.

- La situation dans le domaine de l'enseignement et de l'éducation en général, où l'on ne favorise plus la formation du caractère et où l'on n'inculque plus le sentiment de solidarité humanitaire ; de ce fait, il est devenu plus facile de recourir à des provocations pour susciter des mouvements populaires, la violence apparaissant alors comme le moyen de résoudre les problèmes.

- L'émergence de doctrines religieuses qui attisent un fanatisme et un extrémisme bornés, lesquels s'opposent au pluralisme et à la diversité ; trop facilement, les lieux de culte sont la cible d'attaques et d'incendies, et trop facilement encore des actes de violence sont commis à l'encontre d'adeptes d'autres religions et croyances.

- L'état moral de la société : plus celle-ci devient corrompue et injuste et plus elle exploite et manipule d'autres personnes de manière éhontée pour satisfaire des intérêts égoïstes spécifiques et temporaires.

- La destruction des structures sociales du pays qui, manifestement, a pour cause l'élimination de modes de gouvernement locaux traditionnels ; de ce fait, la société devient facilement sensible aux provocations et perd le respect des personnes d'origine ethnique différente.

- L'incapacité du gouvernement et des forces de police à éliminer le trafic de drogue et de stupéfiants, lequel constitue, fondamentalement, une forme de violence systémique contre l'avenir de la jeune génération du pays.

- Le recours de plus en plus fréquent, dans les relations internationales, à des méthodes terroristes qui font de nombreuses victimes dans la population civile.

- La violence permanente exercée à l'encontre de la nature et de l'environnement qui, de plus en plus, affaiblit les efforts pour sauvegarder l'environnement en vue d'un avenir durable.

- La réalité que constitue la violence structurelle dans les relations internationales : de ce fait, on donne de plus en plus la priorité au profit, dans la ligne de l'actuel ordre mondial capitaliste.

- L'incompréhension qu'a créée la mise en place de l'autonomie régionale en Indonésie, qui risque d'alimenter une violence pratiquée par les populations locales contre des personnes originaires d'autres régions et contre des membres de la population locale ayant une ascendance ethnique différente.

C'est pourquoi nous demandons instamment :

- à toutes les personnes qui s'inquiètent du déclin des sentiments humanitaires causé par la culture de violence à participer à un mouvement et à une campagne contre la violence afin de créer une culture de non-violence qui promeuve des solutions non violentes aux conflits de la société ;

- au gouvernement et aux forces de sécurité publique de la République d'Indonésie de donner la priorité à l'application de la loi et de s'efforcer de garantir la validité du droit auprès de la population en prenant des mesures fermes contre tous les émeutiers et toutes les personnes qui transgressent la loi ou qui pratiquent la corruption ou le trafic de drogue, et de veiller à ce que les problèmes posés par les affaires criminelles ne soient jamais réglés en dehors des procédures légales ;

- au gouvernement de résoudre le problème des réfugiés dans différentes régions d'Indonésie ; lorsque des différences religieuses ou ethniques sont les seules raisons qui empêchent des citoyens indonésiens vivant dans des camps de réfugiés de rentrer dans leur village d'origine – ainsi que nous l'avons personnellement constaté dans le cas des réfugiés originaires de Ternate vivant dans les villes de Manado et de Bitung –, il s'agit véritablement d'une insulte à la diversité de la nation indonésienne ;

- aux organisations religieuses et mouvements spirituels d'être à l'avant-garde du mouvement non violent, depuis le contexte local jusqu'au niveau international ; ce rôle de pionniers que doivent jouer les religions doit se traduire par des actes concrets qui puissent être perçus jusque dans les plus petites unités constitutives de la société ;

- aux Eglises de réviser leur théologie, leur enseignement et leurs méthodes d'interprétation de la Bible qui ont peut-être, activement ou passivement, contribué à la perpétuation de la culture de violence dans la société ;

- aux Eglises de donner la priorité aux programmes de conscientisation à la violence et d'organiser des stages pour enseigner des méthodes de résolution des conflits et de réconciliation ; elles s'efforceront ainsi, ensemble, de vaincre la violence et de promouvoir la coexistence dans une culture de non-violence ;

- aux Eglises membres et partenaires de l'Association des Eglises et missions du Sud-Ouest de l'Allemagne (EMS) de manifester leur responsabilité œcuménique en s'efforçant ensemble de vaincre la violence et de réaliser la réconciliation dans différentes régions de la terre, partout où existent des Eglises. Les dimensions pluraliste et internationale qui donnent à l'EMS son caractère œcuménique offrent une bonne occasion de créer un réseau ayant pour objectif de vaincre la violence et d'instaurer la réconciliation au niveau international.

Pour conclure notre colloque, nous avons prié avec l'espoir que le Seigneur Dieu, source de vie et de salut pour l'humanité et toute la création, nous aidera toutes et tous dans ce que nous essayons de faire pour édifier une humanité authentique et pour instaurer un mode de vie sans violence, en suivant l'exemple de Jésus, le Christ, notre Seigneur et Sauveur.

Tomohon, 31 janvier 2002

(Traduction de l'indonésien en anglais : Elizabeth Lempp)

 

Colloque international de l'EMS sur la réconciliation
16-27 novembre 2002,
Hanover Park, Le Cap (Afrique du Sud)

Déclaration finale

Du 16 au 27 novembre 2002, à l'invitation de l'Association des Eglises et missions du Sud-Ouest de l'Allemagne (EMS), 30 personnes originaires d'Afrique du Sud, d'Allemagne, de Corée, du Ghana, d'Inde, d'Indonésie, du Japon et de Jordanie ont été les hôtes de l'Eglise morave d'Afrique australe (Fraternité évangélique d'Afrique du Sud) pour participer à un colloque organisé au Maryland Conference Center de Hanover Park, au Cap (Afrique du Sud). A cette occasion, les participant(e)s se sont mutuellement présenté leurs activités en faveur de la réconciliation, ils ont étudié l'exemple de l'Afrique du Sud en matière de lutte pour la justice et la réconciliation et examiné des mesures concrètes pour vaincre la violence. Ce colloque s'inscrivait dans le cadre d'un processus permanent mis en place par l'EMS ; il avait été précédé de colloques régionaux sur la réconciliation qui s'étaient tenus en Indonésie, en Inde et au Japon et il se voulait une contribution à la Décennie « vaincre la violence » lancée par le Conseil œcuménique des Eglises.

Nous, participants à ce colloque, nous voulant une expression de l'unité dans le corps du Christ qui s'étend au monde entier, nous nous sommes réunis en tant que personnes à qui a été confié un ministère de réconciliation, comme Dieu a, par le Christ, réconcilié le monde avec lui-même (cf. 2 Co 5,18-19). Les cultes et les études bibliques ont constitué le cœur de notre conférence. Des études bibliques transculturelles ont porté sur les thèmes suivants :

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le pouvoir du passé (Ez 18,1-4 ; 21-24 ; 30-32) ;

ce que l'on peut faire pour vaincre la violence (1 S 25,14-35) ;

assumer sa faute personnelle (Gn 32,22-32)

le pardon libérateur (Mt 18,21-35) ;

trouver une identité nouvelle (Ep 2,11-22) ;

la vision de la paix et de la justice (Mi 4,1-8).

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« Le parfait amour jette dehors la crainte » (1 Jn 4,18) fut le thème du sermon prononcé lors du culte d'ouverture par l'évêque Ketut S. Ayub, de Bali (Indonésie), qui a rappelé l'horrible attentat commis à Bali le 12 octobre 2002.

Nous avons étudié le concept de « violence » ainsi que les différentes significations qui lui sont données selon les langues et les cultures. Nous avons appris que, dans tous les contextes, la « violence » n'est jamais quelque chose d'abstrait : c'est le fait de causer de la souffrance à des êtres humains, bafouant leur dignité et détruisant la vie tant d'individus que de communautés.

Huit études de cas ont été consacrées à des domaines particuliers de violence et de résolution de conflit dans nos pays d'origine :

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Inde : discrimination à l'égard des Dalits et déni des droits de la personne justifié par le système de castes ;

Jordanie : violence contre les femmes ;

Allemagne : objection de conscience et édification de la paix ;

Japon : diversité des valeurs et « violence silencieuse » dans la vie de famille, en particulier les suicides dans des situations conflictuelles ;

Ghana : conflit ethnique et résolution des conflits à Bawku, dans le nord du Ghana ;

Indonésie : conflit ethnico-religieux et mesures de réconciliation à Halmahera ;

Afrique du Sud : violence dans la vie de famille, violence contre les femmes.

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Nous avons bien pris conscience du fait que ces études de cas ne constituent que des exemples et que, dans la réalité, la violence se présente sous de multiples aspects dans toutes nos sociétés, notamment et entre autres la discrimination à l'égard des minorités, la souffrance des réfugiés et des migrants, la pauvreté et le fossé toujours plus large entre riches et pauvres. Des exemples de réconciliation nous ont été présentés et commentés pour ces huit pays.

L'étude du contexte sud-africain dans la région du Cap a joué un rôle essentiel au cours de la conférence :

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Des exposés ont été faits sur l'apartheid du passé et les problèmes du présent, sur la Commission « vérité et réconciliation » et la conception théologique de la réconciliation, sur le rôle des Eglises, sur la résolution des conflits et sur le transfert intercontextuel d'expériences.

Des petits groupes de participants ont visité six centres et ONG qui participent activement, à la base, à la lutte contre la violence :

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- la Treatment Action Campaign sur le VIH/sida à Khayelitsha,

- l'Institut pour la guérison des mémoires pour les victimes traumatisées de l'apartheid ;

- le Centre Saartjie Baartman pour femmes et enfants, à Athlone ;

- le People's Centre de Manenberg ;

- le Forum des réfugiés de Wynberg ;

- l'Initiative interreligieuse de la ville du Cap.

Le Khulumani Support Group a invité tous les participants à une réunion publique au cours de laquelle a été présenté un film vidéo intitulé We Never Give Up et consacré aux victimes de l'apartheid qui demandent à être reconnues et à recevoir des réparations.

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Une « tournée des townships » et une visite au musée du District Six et à Robben Island nous ont donné une idée des séquelles de l'apartheid et de la volonté de réconciliation qui s'est concrétisée à Robben Island.

L'Eglise morave d'Afrique australe a organisé des rencontres avec des paroisses locales : des cultes, une soirée culturelle et des programmes de discussion.

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Les conclusions que nous présentons ci-après sont les fruits d'un processus intensif d'étude, d'écoute et de partage entre les participants.

1. Nous sommes confrontés à des formes différentes de violence, et parfois à des conceptions différentes de la violence. Nous n'en sommes pas moins conscients que nous vivons entourés de violence, mais aussi que la violence est en nous-mêmes et au sein de nos Eglises, et que nous nous trouvons dans des situations de violence dans lesquelles nous sommes à la fois victimes et offenseurs. Dans tout ce que nous faisons pour vaincre la violence, les formes de violence auxquels nous sommes confrontés sont souvent les mêmes : entre autres, la violence en milieu familial, la violence contre les femmes et les enfants, le déni des droits de la personne que constituent notamment la pauvreté et la discrimination, les conflits ethniques et religieux qui sont, essentiellement, d'origine sociopolitique et économique. Nous considérons qu'il est nécessaire de donner la priorité à des mesures qui ont pour objectifs de prévenir les conflits – par le moyen de l'éducation à la paix et de la conscientisation – et de vaincre la violence dans le cadre de la Décennie « vaincre la violence » et au delà.

2. Nous sommes bien conscients qu'il est nécessaire de mieux préciser la conception théologique et la dynamique politique des processus de réconciliation :

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Il n'existe pas de concept type de réconciliation ; les approches varient parfois nettement d'une époque à l'autre ; il n'en reste pas moins que la confession, la repentance, la réparation et le pardon en sont des éléments constitutifs. Ce qui peut varier en fonction des circonstances, c'est le poids relatif accordé à chacun d'eux.

La réconciliation est un processus en rapport avec le passé et tendu vers l'avenir. La réconciliation ne constitue pas la fin de ce processus : c'est un engagement à l'égard d'un programme inachevé. La réconciliation peut impliquer l'adoption de solutions imparfaites.

La réconciliation est un processus d'échange qui requiert des solutions négociées et à la fin duquel il n'y a n'y a ni gagnants ni perdants. La réconciliation est inclusive : si certaines parties sont volontairement laissées de côté, le conflit ne sera pas résolu.

Pour résoudre un conflit, il faut qu'une partie prenne l'initiative. L'Evangile nous encourage à prendre le risque de faire le premier pas. De ce fait, les Eglises peuvent jouer le rôle de courtiers et de médiateurs.

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3. Nous considérons qu'il est nécessaire qu'un dialogue intensif soit établi avec d'autres initiatives et organisations afin de comprendre qu'il existe différents moyens de vaincre la violence.

4. La réconciliation est un processus d'apprentissage. Nous considérons qu'il est nécessaire d'investir des ressources humaines et matérielles dans des processus d'apprentissage et de formation portant sur la prévention et la résolution des conflits ainsi que sur la réconciliation.

5. Il est indispensable de guérir les mémoires si l'on veut vaincre la violence et la souffrance des deux côtés : celui des victimes et celui des offenseurs.

6. Les initiatives de la base ainsi que les ONG et leurs réseaux constituent des éléments essentiels d'espoir ; les Eglises devraient coopérer entre elles, tant au niveau local qu'au travers de la constitution de réseaux.

7. Nous devons promouvoir l'acceptation, la compréhension et le respect de la diversité.

8. Instaurer la réconciliation et vaincre la violence impliquent que nous affirmions formellement notre engagement en faveur de la justice, de la paix et des droits de la personne.

Dans les affirmations et recommandations présentées ci-après, nous précisons un certain nombre de domaines dans lesquels les Eglises, les communautés et les sociétés doivent agir.

Affirmations et recommandations

Nous appuyant sur les conclusions de notre colloque, nous affirmons faire nôtre la vision de la justice et de la paix que nous présentent les Ecritures ; en ce sens, conscients de la violence dans laquelle nous vivons, nous sommes résolus à faire entendre une voix prophétique dans nos Eglises et nos sociétés. Cela implique en particulier de :

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dénoncer toutes les formes de violence;

relire les Ecritures dans une perspective contextuelle et établir un lien entre le message biblique et la prévention et la résolution des conflits ;

promouvoir le dialogue interreligieux en vue de l'établissement de la paix, de la justice et des droits de la personne ;

nous efforcer de faire accorder des réparations et des compensations aux victimes de la violence ;

oeuvrer à l'élimination de la pauvreté ;

nous opposer aux effets déshumanisants de la mondialisation.

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Nous recommandons à nos Eglises de :

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mettre à disposition des lieux, du temps et des ressources pour des programmes d'éducation et de formation consacrés à la conscientisation, à la transformation non violente des conflits et à la réconciliation ;

coopérer avec les ONG et d'autres organisations et programmes d'auto-assistance au niveau de la base auxquels les victimes participent en tant qu'agents du changement, et soutenir les réseaux constitués entre ces organisations ;

promouvoir l'étude et la réflexion sur la violence et la réconciliation dans le domaine théologique et dans différentes traditions religieuses ;

oeuvrer à renforcer les valeurs de la dignité humaine et de l'esprit communautaire partout où le tissu social de la société et de la communauté est menacé ;

en particulier, nous appelons nos Eglises à se préoccuper des problèmes récurrents ci-après :

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la violence en milieu familial ;

la violence contre les femmes et les enfants, et en particulier l'exploitation sexuelle, le viol et la prostitution ;

les conflits religieux et ethniques ainsi que leurs causes sociopolitiques et économiques ;

le VIH/sida, du point de vue de la prévention, du traitement et de la défense des droits des malades ;

l'annulation de la dette et les réparations, notamment pour ce qui concerne la dette de l'apartheid ;

dénoncer la « guerre pour la paix » dans des zones de tension telles que la Corée et le Moyen-Orient ;

le castisme et le racisme.

Nous recommandons à l'EMS de :

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donner la priorité, dans la planification à long terme des programmes et des projets du Conseil missionnaire, aux mesures destinées à vaincre la violence et à oeuvrer pour la réconciliation ;

offrir un lieu de rencontre et un fonds de ressources en vue de la création d'un réseau entre toutes les Eglises membres et partenaires de l'EMS afin de promouvoir notre vision commune, et notamment :

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de faire mieux connaître et défendre les points de vue sur les problèmes énoncés ;

de promouvoir des échanges transculturels, notamment par le moyen de visites collectives et de colloques régionaux ;

de promouvoir l'égalité entre les sexes dans toutes les Eglises membres et partenaires de l'EMS ;

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assurer le suivi du présent colloque et encourager la mise en oeuvre de ses recommandations ;

continuer à développer le site Internet de l'EMS, qui doit être un instrument d'échanges ;

préparer une contribution à présenter à l'Assemblée générale du COE qui doit avoir lieu en 2006.

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Que Dieu nous donne le courage, la force, la sagesse et la détermination nécessaires dans nos efforts pour vaincre la violence et pour instaurer la réconciliation.

Hanover Park, Le Cap (Afrique du Sud)

26 novembre 2002

Déclaration de la communauté EMS1 sur la mission
« Témoignage commun »

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Ensemble, nous cherchons à constituer une communauté oecuménique internationale d'Eglises et d'organismes missionnaires qui ont en commun l'espérance en le Royaume de Dieu.

Avant toute autre chose, la mission est le plan (l'économie) de Dieu pour le monde : dans l'acte de création, dans l'histoire avec l'humanité, en Jésus Christ et dans la puissance de l'Esprit. Notre témoignage, c'est notre réponse et notre participation à l'amour miséricordieux et transformateur de Dieu.

Au centre de notre foi, il y a la Bonne Nouvelle du salut, de la plénitude de vie et de la victoire sur la mort en Jésus Christ. Le nom de Jésus Christ signifie rédemption, libération, guérison, réconciliation, justice, paix et espérance.

L'Evangile concerne toutes les dimensions de la vie ; c'est pourquoi notre témoignage est holistique. La proclamation de l'Evangile, le culte, la vie de prière, la pastorale, l'éducation chrétienne, la diaconie et l'engagement pour la justice, la paix
et la sauvegarde de la création sont indissociables.

Notre témoignage se fonde sur la fidélité à l'Evangile et sur la compassion pour la création de Dieu, et plus particulièrement pour les créatures vulnérables et menacées.

Nous témoignons de l'Evangile de Jésus Christ partout où nous sommes, dans un esprit d'accueil et de fidélité. Par nos rencontres et échanges internationaux, nous savons ce que cela signifie que d'être des étrangers les uns pour les autres, et cela nous aide à redécouvrir l'Evangile dans de nouvelles perspectives.

Le sentiment de notre appartenance commune inspire notre partenariat dans la mission. La polyphonie et la diversité de notre témoignage dans des contextes différents sont une source de richesse mais, en même temps, elles nous interpellent.

Notre témoignage s'exprime dans des signes de solidarité vivante. En tant que nous constituons des communautés de guérison et de réconciliation, nous partageons la vie et donc les souffrances les uns des autres. Nous défendons les droits de la personne et nous nous efforçons aussi d'édifier une communauté juste entre les hommes et les femmes et entre toutes les générations.

Dans notre témoignage, nous rencontrons les adeptes d'autres religions et idéologies avec estime, respect et empathie ; nous sommes prêts à les écouter et à vivre avec eux, en bon voisinage et avec une humilité dynamique.

En tant qu'elle est espace de vie oecuménique dans notre témoignage commun au delà des frontières, notre communauté nous permet d'apprendre les uns des autres, de nous encourager et de nous interpeller mutuellement.

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Déclaration adopté par le Conseil missionnaire de l'EMS lors de sa réunion du 2 juillet 2003 à Chennaï, Inde

1 EMS = Evangelisches Missionswerk in Südwestdeutschland (Association d'Eglises et d'organismes missionnaires évangéliques du Sud-Ouest de l'Allemagne)