Document préparatoire n° 3

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Le présent document est conçu comme un instrument d'étude, de réflexion et d'échanges, et non comme une affirmation de foi officiellement adoptée. C'est à dessein que certains des termes employés sont, dans une certaine mesure, ambigus : cela tient au fait que les membres de la Commission de mission et d'évangélisation (CME) du COE, instance responsable de la préparation de cette conférence, ne conçoivent pas toujours les problèmes de la même façon. Ce troisième document, préparé par les membres du personnel de la CME, s'inspire dans une large mesure des travaux et des documents adoptés par la CME ou par son Comité de planification (CPC).i

A l'heure de la mondialisation, marquée par la montée de la violence, la fragmentation et l'exclusion, la mission de l'Eglise est de recevoir, célébrer et proclamer la plénitude de la vie en Christ et de travailler à en faire une réalité.

Viens, Esprit Saint, guéris et réconcilie

Lorsque nous appelons l'Esprit, nous confessons que la mission ne nous appartient pas.

La mission est la mission du Dieu Trinitaire, créateur du ciel et de la terre, dont le dessein est que tous aient la vie en plénitude.

En Jésus Christ, Dieu a posé les fondements d'une réconciliation et d'une guérison réelles, qui abolissent toute inimitié et tout mal.

Dieu, Esprit Saint, est en permanence présent et actif, source de guérison et de réconciliation dans l'Eglise et dans le monde.

Ainsi, nous croyons que, grâce à Dieu, il est possible

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de restaurer les relations brisées entre Dieu et les êtres humains,

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entre personnes et personnes,

entre Eglises et Eglises,

entre nations et nations,

entre l'humanité et la création,

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de vaincre l'inimitié et la violence.

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Nous espérons voir de multiples signes

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de santé, d'équilibre et d'intégrité de vie pour les personnes,

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pour des communautés tout entières,

pour l'humanité et

pour la création.

Nous invoquons Dieu Esprit : « Guéris et réconcilie : fais en sorte que, en tant que personnes et en tant que communautés, nous puissions recevoir, devenir et échanger des signes de pardon, de paix, de justice et d'unité, et aussi renoncer au péché, à l'inimitié, à la violence, à l'injustice et aux divisions. »

Appelés en Christ à être des communautés
de réconciliation et de guérison

Aujourd'hui, dans le contexte de la mondialisation, Dieu nous confie un message et un mandat de guérison et de réconciliation. Le Christ crucifié et ressuscité nous invite à participer à la mission de Dieu. Notre mission à nous consiste à constituer des communautés de guérison dans le culte, le témoignage, l'amour mutuel, le pardon et le respect, et aussi à participer activement à l'édification de la paix, aux processus de réconciliation et à la guérison des mémoires dans la société, en travaillant à vaincre la violence partout où nous le pouvons.

Le fait d'être ensemble, mais aussi la manière dont nous sommes ensemble doivent refléter notre vision de la réconciliation.

Nous sommes appelés

- à créer et multiplier des lieux protégés, accueillants à ceux qui sont exclus et perdus, en quête de sens, de communauté ou de solidarité,

- mais aussi à avancer vers la réconciliation et la justice en tant que victimes de la violence et du péché et avec tous ceux qui en sont également victimes.

Il faut que la réconciliation et la guérison soient vécues à l'intérieur des communautés (entre les membres de chaque communauté), mais aussi entre les communautés divisées ainsi que dans la relation entre l'humanité et la création.

Lorsque nous parlons de « communautés » (et non de la Communauté, qui est l'Eglise), nous voulons affirmer la pluralité et la nature diverse des communautés dans lesquelles nous vivons.

But et objectifs de la conférence

Le but et les objectifs de la conférence ont été adoptés par la Commission de mission et d'évangélisation et présentés au Comité central du COE qui en a pris acte.

BUT

Donner aux participants les moyens de continuer à répondre à l'appel qui leur est fait d'être en mission ensemble et d'oeuvrer aujourd'hui à la réconciliation et à la guérison en Christ dans le monde de Dieu.

OBJECTIFS

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Insuffler aux participants une ardeur nouvelle grâce à une vision, une énergie, des capacités et des outils nouveaux afin de revivifier l'impératif holistique de la mission.

Faire de la conférence une communauté vivante de réconciliation et de guérison.

Faire personnellement l'expérience de la guérison et de la réconciliation qui aboutit à la transformation des personnes.

Ménager des espaces sûrs/des sanctuaires où l'on puisse entendre des réflexions, des exposés théoriques et des récits et où un dialogue puisse s'instaurer.

S'efforcer d'être un signe de réconciliation et de guérison entre les Eglises.

Célébrer notre unité en Christ et la diversité donnée par Dieu.

Donner aux participants les moyens de s'engager à être des agents ou multiplicateurs de réconciliation et de guérison dans leurs Eglises, communautés et contextes respectifs.

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Style de la conférence

Le but et les objectifs font bien apparaître que le style de cette conférence ne sera pas le même que pour les précédentes.ii Il n'y aura pas de travaux en sections (alors qu'il y en a eu dans presque toutes les précédentes conférences mondiales sur la mission) et on ne rédigera pas de longs rapports destinés à être reçus ou adoptés par la plénière. Il s'agira essentiellement de créer des espaces d'échanges, de dialogue, de débat, d'écoute, de réflexion théologique ou encore de présentation d'expériences et d'études de cas. Les participants choisiront librement l'atelier, la réunion de prière ou de guérison, l'étude biblique ou la rencontre créatrice auxquels ils veulent participer ou apporter une contribution.

La conférence se réunira également en plénière pour la prière, le culte et pour des interventions spécifiques.

Un rôle prépondérant sera attribué à ce que la CME appelle les « groupes foyers » : chacun d'eux sera constitué de 10 à 12 personnes ; leur activité consistera à méditer sur la Bible, à faire silence, à prier et à s'offrir mutuellement un soutien pastoral en s'appuyant sur des récits vécus et sur la réflexion. Ces groupes se réuniront au moins une fois par jour.

Tout au long de la conférence, on veillera à respecter le caractère sacré des espaces réservés aux échanges et au dialogue. Il est prévu un centre de méditation où les gens pourront s'installer en silence, ainsi qu'une « équipe pastorale » composée de spécialistes de la dynamique de groupe, des communications et des activités de conseil.

La conférence comportera une composante liturgique : il y aura, d'une part, une trame liturgique pour l'ensemble de la conférence mais aussi, d'autre part, des éléments liturgiques venant s'insérer dans les activités quotidiennes des réunions. Ces éléments ne seront pas nécessairement organisés selon un schéma rigide ; plusieurs pourront très bien avoir lieu simultanément en divers endroits, selon l'inspiration de l'Esprit. Certains de ces éléments liturgiques pourront être prévus pour l'ensemble de la conférence - par exemple des célébrations, des confessions ou des affirmations de la foi -, mais d'autres pourront être organisés au niveau de chaque groupe dans le cadre de son activité quotidienne.

Quelques suggestions pour les éléments liturgiques :

 

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Présentation mutuelle des participants, accueil et célébration

Repentance/pardon

Gloire à Dieu

Ecoute de la parole de Dieu, étude biblique et réflexion

Partage d'expériences de guérison et de réconciliation

Intercessions

Moments de paix

Envoi

Profession de foi

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Le principal résultat de cette conférence sera que les participants sortiront transformés de cette expérience, qu'ils auront accumulé de l'énergie et des connaissances pour accomplir leur mission dans les Eglises, communautés et contextes locaux qui leur sont propres.

A la fin de la conférence, les participants rédigeront un bref message de synthèse, qui pourrait être envoyé aux Eglises et aux organismes missionnaires pour leur donner une impression générale et immédiate de la conférence ; en outre, ce message servira à rappeler aux participants la responsabilité qu'ils assument vis-à-vis de ceux qu'ils représentent.

A la suite de la conférence et pour en donner une illustration, il est prévu de publier un livre ou un CD présentant des textes, des interventions, des études de cas, des prières, des récits, etc. Y seront également inclus des documents relatifs à la conférence et à sa préparation ainsi que, sous des formes appropriées, des analyses de la conférence dans une perspective missiologique.

Phase préparatoire

La phase préparatoire de la conférence s'appuiera sur les réflexions et les expériences des Eglises, des organismes missionnaires, des réseaux et des paroisses qui participent déjà à de tels processus de réconciliation et de guérison et qui réfléchissent sur ces questions.

a) Internet

On a créé sur le site du COE une page spéciale qui servira à recueillir et à diffuser des informations et de la documentation. On pourra y envoyer des questions, des récits, des suggestions, des théories mais aussi des poèmes, des idées pour les cultes ainsi que des prières, et aussi y discuter. Les membres de la CME sont invités à ajouter l'adresse de cette page aux liens qu'ils peuvent déjà proposer sur leur propre site, ou encore à ajouter, sur leur site, une référence à la conférence et à son thème de discussion.

b) Réunions au niveau régional ou national

Les conseils chrétiens nationaux et les organismes affiliés à la CMEiii sont invités à organiser, au niveau régional ou local, des réunions spécifiques pour discuter du thème ou des panneaux indicateurs et pour procéder à des échanges d'expériences et de réflexions. Sous certaines conditions, il leur est suggéré de prévoir des interventions à propos de la conférence dans le cadre de réunions déjà organisées ou prévues.

c) Réunions ecclésiales extraordinaires

Ces derniers temps, plusieurs réunions internationales importantes ont commencé à travailler sur les thèmes de la réconciliation et de la guérison.iv Le cas échéant, les travaux préparatoires de la conférence tiendront compte des idées et interrogations auxquelles elles ont abouti.

d) Publications

Le présent document s'inscrit dans le cadre d'une série de documents préparatoires rédigés dans la perspective de la Conférence mondiale de 2005 ; ils seront publiés sur papier et sur Internet. On trouvera en outre des articles de fond dans l'International Review of Mission ; en outre, on pourra échanger des récits, des études de cas et des expériences par l'intermédiaire de la Lettre oecuménique sur l'évangélisation et de Contact, tous deux sur Internet.

Thèmes et domaines d'intérêt qui semblent jouer un rôle clé pour la réconciliation et la guérison dans le cadre de la mission

Maintenant qu'est engagé le processus qui doit nous amener à la Conférence mondiale sur la mission en 2005, il nous faut étudier ce que signifient ces termes de « réconciliation » et de « guérison », en théorie et en pratique, pour la mission aujourd'hui. Ce sera la contribution apportée par la CME à la Décennie « vaincre la violence ».v Nous allons présenter, dans les paragraphes ci-après, une très brève synthèse du contexte missiologique actuel ; elle sera suivie d'une introduction à quatre « panneaux indicateurs », c'est-à-dire des thèmes ou domaines d'intérêt qui semblent jouer un rôle clé pour une réflexion sur notre mission guidée par l'Esprit. Bien entendu, il y a des chevauchements et des recoupements entre les champs couverts par ces « panneaux indicateurs », aussi ne doivent-ils pas être étudiés indépendamment les uns des autres.vi

Brève présentation du contexte missiologique actuel

Depuis la fin de la guerre froide, le monde est en évolution vers un marché unifié et, avec les phénomènes sociaux et culturels qui l'accompagnent, on qualifie cette évolution de « mondialisation ». Sur le plan de l'économie politique, l'idéologie bipolaire est devenue une idéologie libérale unipolaire dans laquelle le marché devient la principale référence dans le monde entier, le critère à base duquel on juge les valeurs, la réussite sociale et jusqu'aux communautés et individus eux-mêmes. Nés en partie de la réaction au nivellement social vers lequel nous poussent les principales forces dominant le marché ainsi que les médias, de nouveaux domaines de conflit sont apparus, entre nations mais aussi au sein des pays eux-mêmes, et ces conflits ont souvent une dimension culturelle, ethnique ou religieuse. Cette évolution s'accompagne fréquemment d'une modification des alliances politiques régionales ou locales et tend à renforcer, dans le monde entier, les centres de pouvoir occupés par les sociétés occidentales.

Dans ce contexte, il est indispensable que la missiologie se recentre résolument sur le ministère d'affirmation de la vie tel que l'a voulu le Christ et qu'elle le présente comme remplaçant avantageusement et comme pouvant contrecarrer les tendances et forces politiques, économiques et religieuses qui mènent à l'oppression, à l'aliénation et à la mort. En témoignant de la plénitude de la vie en Christ, les Eglises et les chrétiens sont amenés à considérer que le champ de leur mission englobe l'ensemble de la création. Il faut que la motivation fondamentale et le cadre de la mission chrétienne soient résolument trinitaires, qu'ils aient pour base et pour référence constantes l'oeuvre de Dieu Père, Fils et Saint Esprit depuis le commencement de la création jusqu'à la fin des temps, et qu'ils restent toujours en relation avec elle. Il est particulièrement urgent de mieux comprendre le rôle de l'Esprit dans l'Eglise et dans le monde et d'en tirer les conséquences nécessaires pour la pratique de la mission.

Il apparaît ici que la réconciliation est un terme crucial : il évoque le pardon de Dieu donné en Christ, l'intention de la présence et de l'agir personnels de Dieu dans le monde ainsi que la perspective du dessein ultime de la mission de Dieu (missio Dei). Toute réconciliation authentique a un prix ; on ne pourra guère y parvenir si on la sépare de la justice, du pardon, de la vérité à dire sur les responsabilités et de l'amour qu'il faut avoir pour les ennemis. Elle a des dimensions personnelles, communautaires, sociales et écologiques. Elle implique une guérison de blessures passées et actuelles, causées par les fautes et l'injustice commises aux niveaux personnel, communautaire et social.

Panneaux indicateurs

1. Les préoccupations identitaires dans des contextes pluriels et mouvants

La manière dont les identités culturelles et religieuses se construisent et sont vécues change rapidement. Les mouvements migratoires et la société de l'information font que les identités se mélangent et se chevauchent ; elles sont façonnées par un nouveau contenu et par la recherche de sécurité sous des formes conservatrices. Il n'y a là rien de nouveau ; cependant, cette évolution semble s'accélérer de façon dramatique, en particulier dans les cultures influencées par la sécularisation et par les tendances liés au postmodernisme. Celui-ci représente, certes, un défi mais, en même temps, il offre de nouvelles possibilités : pour lui, en effet, la culture n'est plus un ensemble homogène de traditions, de formes sociales et de conceptions du monde. La culture est souvent considérée comme un processus complexe dans lequel des personnes et communautés humaines cherchent à la fois à établir et à rétablir leur identité, en relation constante avec d'autres influences. Dans la plupart des cas, le contexte est de plus en plus multiculturel et multireligieux. En ce sens, les Eglises en mission doivent affirmer la nécessité d'un ministère multiculturel et, chaque fois que cela est possible, d'une coopération toujours plus étroite avec des adeptes d'autres religions. Pour cela, il va falloir reformuler la conception du rôle du christianisme vis-à-vis de la religion en général ; il faudra en outre que le témoignage des chrétiens soit toujours en tension dynamique entre la fidélité au Christ et l'ouverture aux autres et à l'Esprit. Le ministère de réconciliation est particulièrement urgent partout où il y a conflit violent entre des identités.vii

2. Les ministères de guérison et de réconciliation dans un monde marqué par la violence

Il convient à ce stade d'étudier de plus près les aspects multiples d'une conception contemporaine du ministère de guérison et de réconciliation.

Il faut s'attacher en particulier à rétablir la vocation qu'a l'Eglise d'être une communauté de guérison, mais aussi un espace de sécurité ouvert aux personnes vulnérables. Cette vocation inclut le ministère traditionnel de guérison, que l'Eglise a exercé de deux manières différentes :

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par des visites pastorales, des prières, des onctions, des liturgies particulières de guérison, et les sacrements ;

au travers des professions et institutions médicales.

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Il semble parfois que ces deux orientations soient en conflit.

Il y a une différence entre soigner et guérir. Tout le monde - y compris les « guérisseurs par la foi » - cherche à « soigner ». Mais il est possible de guérir sans « soins ». La question du sens de la vie en plénitude se pose notamment dans le cas de maladies chroniques ou terminales - c'est le cas en particulier pour le VIH/sida.

Les malades qui ne peuvent placer leurs espoirs dans un traitement approprié peuvent-ils connaître une « plénitude de vie » ? Y a-t-il possibilité de « guérison » pour quelqu'un qui est en train de mourir ? Comment l'Eglise peut-elle être une présence pour les personnes qui souffrent, et quelle est alors sa situation vis-à-vis de la profession médicale ?

Parallèlement, il faut que les Eglises traditionnelles acceptent le défi que représentent pour elles les pratiques de guérison des Eglises missionnaires pentecôtistes et charismatiques, dans lesquelles sont exercés des charismes qu'on connaissait déjà aux premiers temps de la mission chrétienne.

Du point de vue théologique, il nous faut aussi dialoguer sur les conceptions respectives de la présence guérisseuse de l'Esprit et sur la nature du lien entre guérison et salut, mais aussi renouer le dialogue interculturel sur ce qu'on entend par « santé », et réfléchir sérieusement au sens biblique du mot « réconciliation ».

Le ministère de réconciliation dans un monde marqué par la violence

Il faut aussi s'intéresser de très près au rôle des Eglises dans les situations de conflit, ce qui nous amènera à nous interroger sur des thèmes tels que la repentance, le pardon, la restitution et la guérison des mémoires. Il faudra aussi, tôt ou tard, entreprendre une évaluation critique des problèmes posés à la mission par le rôle de certains chrétiens et Eglises dans des conflits ethniques récents.viii

3. La recherche de communautés alternatives à l'ère de la mondialisation

Pour les chrétiens, vouloir établir des communautés de substitution, ou alternatives, c'est exprimer l'espoir qu'un autre monde est possible. C'est un mouvement de résistance contre la chosification de tous les aspects de la vie (y compris de la création, de la culture et de la religion), une lutte qui a pour objectif d'ouvrir et d'élargir - ou du moins de garder ouverts - certains espaces dans lesquels les relations entre les êtres humains pourront être justes et durables.

La clé, ici, est l'adjectif « alternatif », qui exprime l'idée qu'il s'agit de valeurs, de relations et d'identités qui relèvent d'une autre dimension, qui ont une autre référence. Selon les lois du marché, le monde appartient aux meilleurs, aux plus forts, aux plus imaginatifs. Au contraire, l'Evangile tire ses priorités de la grâce de Dieu et donne la préférence à ceux qui sont apparemment « perdants » : les petits, les humbles, les exclus, les pauvres. En recherchant des communautés « alternatives », on signale que quelque chose ne va pas dans le monde, qu'un jugement pèse sur lui. En outre, la communauté alternative implique aussi l'inclusivité. L'Evangile de réconciliation concerne, par essence, des communautés qui n'excluent pas - pour de quelconques raisons raciales, économiques, spirituelles ou autres.

L'idée de la communauté alternative s'inscrit dans la ligne de plusieurs traditions : ce sont les communautés chrétiennes de base, les communautés monastiques ou de type monastique (par exemple Iona), de nombreuses paroisses et communautés locales, les réseaux Evangile et culture, les congrégations missionnaires catholiques romaines, les réseaux de la Mission en milieu urbain et rural ainsi que, parmi d'autres, les expériences de partenariat entre structures missionnaires.

Parler de réconciliation et de guérison implique qu'il faut en permanence trouver des manières nouvelles et plus efficaces d'être en solidarité avec les communautés alternatives, en particulier celles qui se sont établies ou constituées chez les pauvres et les victimes du système économique actuel. Ce faisant, nous témoignerons de notre espoir d'un autre monde et de la conception que nous en avons.ix

4. Etre une Eglise missionnaire et évangélisatrice

Il faut aussi que le message de réconciliation en Christ soit diffusé partout (cf. 2 Co 5,18-20). La CME devrait pouvoir affirmer à quel point il est important de faire connaître l'Evangile à tous, d'une manière appropriée, et en particulier à ceux qui n'en ont jamais entendu parler. Pourtant, si les Eglises ne sont pas réconciliées entre elles, elles ne correspondent pas à leur vocation (cf. Jn 17,20-23) et leur témoignage n'est plus crédible. L'aspiration à l'unité et la recherche de l'unité sont au coeur d'une vision oecuménique de la mission. Il faut redoubler d'efforts pour arriver à un témoignage commun, ce seront les premières étapes du chemin qui mène à la réconciliation. Il faut s'opposer à toute tendance à la confessionnalisation et à la concurrence agressive (prosélytisme) et reconnaître la primauté de l'Eglise locale dans la mission.

Il est en outre indispensable et urgent que la communauté oecuménique adopte une position plus claire sur la place et le rôle de l'évangélisation dans le cadre d'une théologie holistique de la mission. Pour cela, il faut pouvoir apprécier de façon positive la riche diversité offerte par les théologies et pratiques de l'évangélisation. Beaucoup d'Eglises historiques ne sont plus animées par la passion de faire connaître l'Evangile d'une manière nouvelle, pertinente et adaptée aux sociétés au service desquelles elles sont, et notamment celles marquées par le postmodernisme. Au lieu d'avoir une attitude pro-active, certaines adoptent une position réactive lorsqu'elles se sentent menacées par des évangélistes agressifs. La mission particulièrement dynamique des Eglises pentecôtistes et évangéliques est plus souvent perçue comme une remise en cause que comme une occasion de renouveau spirituel. Et pourtant, un tel renouveau spirituel est essentiel parce que, dans de nombreux contextes, les gens ressentent un besoin de spiritualité. Peut-être trouvera-t-on une solution à ce problème en redécouvrant la « stratégie oecuménique pour l'évangélisation paroissiale » proposée par Raymond Fung, avec ses trois piliers : partenariat, culte, obéissance du disciple. Au niveau local, les chrétiens et les communautés ecclésiales sont appelés à collaborer avec des communautés voisines sur des thèmes tels que la vie dans la dignité et la justice, à alimenter leur lutte dans une vie liturgique régulière et à adresser des invitations personnelles à pratiquer l'obéissance du disciple chaque fois que cela semble approprié. L'objectif d'une telle stratégie est d'essayer de dépasser la division entre la lutte pour la justice sociale et la volonté d'évangéliser ; elle fonde le témoignage d'évangélisation sur la vie et la pratique d'une communauté de réconciliation et de guérison.x

Octobre 2003

Notes

i Dans le présent document, le pronom « nous » participe de cette ambiguïté. Selon la source à laquelle ont puisé les rédacteurs de tel ou tel paragraphe, « nous » peut aussi bien signifier les membres de la CME que ceux du Comité de planification de la conférence ; mais, dans d'autres cas, ce « nous » peut vouloir dire : « tous les chrétiens qui acceptent ces formulations, ces engagements et ces espoirs ». Nous (qui avons préparé ce texte) vous engageons (vous qui le lisez) à vous sentir inclus dans ce « nous », si vous le désirez.

Pour ce qui est des mots « mission » et « évangélisation », nous les utilisons dans le sens qui leur a été donné dans le récent document d'étude adopté par la CME : La mission et l'évangélisation dans l'unité aujourd'hui. C'est le Document préparatoire n° 1 publié dans la perspective de la Conférence de 2005 :

La « mission » implique une conception globale: c'est la proclamation et le partage de la bonne nouvelle de l'Evangile par la Parole (kerygma), les actes (diaconia), la prière et le culte (leiturgia), et le témoignage quotidien de la vie chrétienne (martyria); l'enseignement pour édifier et fortifier les gens dans leurs relations avec Dieu et les uns avec les autres, c'est aussi la guérison en vue de promouvoir l'intégrité et la réconciliation dans la koinonia — la communion avec Dieu, la communion avec chaque être humain ainsi que la communion avec la création tout entière.

L'« évangélisation », sans exclure les différentes dimensions de la mission, est axée sur la proclamation explicite et délibérée de l'Evangile, y compris l'invitation à une conversion personnelle à une vie nouvelle en Christ et à l'obéissance.

ii On trouvera une présentation sommaire des précédentes conférences mondiales sur la mission organisées, d'abord, par le Conseil international des missions puis par le Conseil oecuménique des Eglises, sur le site Internet du COE (voir les pages consacrées respectivement au programme « Mission et évangélisation » et à la « Conférence mondiale sur la mission »).

iii Les « organismes affiliés à la CME » sont des conseils missionnaires ou ecclésiaux considérés comme affiliés à la CME en vertu de ses Statuts. La CME en compte actuellement plus de 50, dispersés dans de nombreux pays du Nord et du Sud. Bon nombre de ces membres étaient, à l'origine, membres du Conseil international des missions jusqu'à ce que ce dernier soit intégré au COE en 1961. La CME continue à accepter régulièrement de nouvelles affiliations.

iv Jésus Christ guérit et réconcilie : Notre témoignage en Europe - Conférence des Eglises européennes (KEK), Trondheim (Norvège), 25 juin-2 juillet 2003.

Pour guérir le monde - Fédération luthérienne mondiale (FLM), Winnipeg (Canada), 21-31 juillet 2003.

Que tous aient la vie en plénitude - Alliance réformée mondiale (ARM), Accra (Ghana), 30 juillet - 14 août 2004.

v C'est en 1998 que, réunie à Harare, l'Assemblée du COE a décidé la mise en oeuvre de la Décennie « vaincre la violence » : les Eglises en quête de réconciliation et de paix, qui fut officiellement lancée à Berlin en 2001. Cette campagne est axée sur quatre thèmes principaux : l'esprit et la logique de la violence ; le bon et le mauvais usage du pouvoir ; les questions de justice ; l'identité et la pluralité religieuses. Voir à ce sujet le site : www.wcc-coe.org/dov.

Nous nous contenterons ici de renvoyer aux ouvrages suivants :

* Pourquoi la violence? Pourquoi pas la paix? Guide d'étude pour aider les particuliers et les groupes au sein des Eglises à réfléchir et à agir en vue de la Décennie "vaincre la violence", COE, Genève 2002.

* Margot Kässmann: Overcoming Violence. The challenge to the churches in all places, COE, Genève 2000 (édition révisée).

vi Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, cela ne veut pas dire que la conférence sera subdivisée en quatre sections thématiques. Tous ces « panneaux indicateurs » permettent de réfléchir et de faire des échanges d'expérience sur le thème de la conférence.

vii Chaque paragraphe s'accompagnera d'une brève liste d'ouvrages ou documents de référence publiés par le COE. On trouvera une bibliographie plus complète sur la page Internet consacrée à la conférence, à laquelle on peut accéder par l'intermédiaire du site du COE : www.wcc-coe.org.

- Introduction générale :

* « Toward the Fullness of Life », numéro spécial de l'International Review of Mission (IRM), octobre 2002. Ce document contient des articles sur l'identité et la pluralité, sur la guérison et le VIH/sida ainsi que sur les relations de partenariat entre continents.

- L'Evangile et les cultures :

* Christopher Duraisingh (dir.) : Called to One Hope. The Gospel in Diverse Cultures, COE, Genève 1998. Cet ouvrage reprend tous les documents traitant de cette question publiés par la Conférence mondiale sur la mission qui a eu lieu en 1996 à Salvador de Bahia.

* Série Gospel and Cultures pamphlets, publiée avant la Conférence de Salvador de Bahia.

* « Mission in secular and postmodern contexts » I et II, in : International Review of Mission, janvier et avril 2003.

- Le ministère multiculturel :

* Seongja Yoo-Crowe et Colville Crowe (dir.) : Rapports du premier et du second International Network Forum on Multicultural Ministry, Uniting Church et INFORM, Sydney 2000/2002.

* « Open Space: African Christian Diaspora in Europe and the Quest for Human Community », numéro spécial de l'International Review of Mission, juillet 2000.

- Pluralisme religieux et relations entre religions

* Considérations oecuméniques sur le dialogue et les relations avec les autres religions. Le point sur 30 ans de dialogue: révision des lignes directrices de 1979, COE, Genève 2003.

viii Entre autres ouvrages et documents publiés par le COE, on citera :

- Guérison

* « Health, Faith and Healing », numéro double de l'International Review of Mission, janvier/avril 2001.

* Face au sida : l'action des Eglises, document d'étude du COE, Genève 1997.

* Karin Granberg-Michaelson : Healing Community, COE, Genève 1991.

* Healing and Wholeness. The churches' role in health, rapport d'une étude de la Commission médicale chrétienne, COE, Genève 1990.

Il existe encore bien d'autres documents, en particulier sur le sida. Beaucoup sont mentionnés sur le site du COE ; vous pouvez aussi les demander au secrétariat « Santé » du COE ou au bureau de coordination de l'Initiative oecuménique sur le VIH/sida en Afrique.

- Réconciliation

* Document de travail sur la réconciliation sociale, Document préparatoire n° 2 de la Conférence mondiale sur la mission.

* Geneviève Jacques : Au delà de l'impunité: une perspective oecuménique sur les questions de vérité, de justice et de réconciliation, COE, Genève 2000.

* Philip Lee (dir.) : Communication & Reconciliation. Challenges facing the 21st century, COE, Genève 1991.

ix Entre autres ouvrages et documents publiés par le COE, on citera :

* Une Eglise de tous et pour tous - Déclaration provisoire préparée par le Réseau oecuménique de défense des personnes handicapées (EDAN) en coopération avec Foi et constitution, reçue par le Comité central du COE lors de sa réunion de 2003.

* Ian M. Fraser : Many Cells, One Body. Stories from small Christian Communities, COE, Genève 2003.

* Jim Forest : The Resurrection of the Church in Albania. Voices of Orthodox Christians, COE, Genève 2002.

* Lothar Bauerochse : Learning to Live Together. Interchurch partnerships as ecumenical communities of learning, COE, Genève 2001.

* Hugh Lewin : A Community of Clowns. Testimonies of people in Urban Rural Mission, COE, Genève 1987.

x Entre autres ouvrages et documents publiés par le COE, on citera :

* Raymond Fung : The Isaiah Vision. An Ecumenical Strategy for Congregational Evangelism, COE, Genève 1987 (réédité en 2002).

* Vers un témoignage commun. Un appel à établir des relations responsables dans la mission et à renoncer au prosélytisme, document transmis aux Eglises par le Comité central du COE, 1997.

* Raymond Fung et Georges Lemopoulos (dir.) : Not A Solitary Way. Evangelism stories from around the World, COE, Genève 1992

Raymond Fung (dir.) : Evangelistically Yours. Ecumenical Letters on Contemporary Evangelism, COE, Genève 1992.