Le Comité des questions d'actualité a reçu plusieurs propositions de questions qu'on souhaiterait soumettre à l'attention du Comité central : 

A. Propositions présentées par le Comité exécutif :

  1. Déclaration sur le sort des enfants pris dans des conflits, notamment dans le nord de l'Ouganda

  2. Déclaration sur le commerce équitable

  3. Déclaration sur l'action de compassion des Eglises face au VIH et au sida 

B. Propositions présentées par des membres du Comité central, dans le délai réglementaire de 24 heures suivant l'annonce des propositions venues du Comité exécutif :  

  1. Déclaration sur les exécutions extrajudiciaires aux Philippines

  2. Déclaration sur la guerre au Liban et dans le nord d'Israël et sur l'action oecuménique en faveur de la paix au Moyen-Orient

  3. Déclaration sur le conflit à Sri Lanka

  4. Note sur le Soudan

  5. Note sur le Kosovo

  6. Décision appropriée concernant le droit à l'objection de conscience au service militaire

  7. Décision appropriée concernant la demande reçue par le secrétaire général, émanant de l'archevêque Aristarchos Peristeris, membre du Comité des questions d'actualité, visant à appeler le gouvernement d'Israël à reconnaître l'élection du patriarche orthodoxe grec de Jérusalem, Sa Béatitude Theophilos III

  8. Décision appropriée concernant la demande reçue d'un membre du Comité des questions d'actualité de donner une information actualisée concernant la note sur les mesures économiques pour la paix en Israël et en Palestine (Comité central, février 2005).

  9. Décision appropriée concernant la demande d'un membre du Comité des questions d'actualité d'étudier les implications du regroupement de la CEAI et d'autres commissions en une seule commission. 

Le premier point inscrit à l'ordre du jour du Comité était une discussion des rapports du président et du secrétaire général, qui sont complémentaires. Le Comité a relevé que, dans son rapport, le secrétaire général expliquait clairement les défis que pose la situation au Moyen-Orient et exposait la question de la migration sous ses multiples aspects.

Tout en appréciant cette orientation programmatique, le Comité est d'avis qu'on devrait placer un accent plus marqué sur la quête de l'unité visible de l'Eglise et sur les questions des relations interreligieuses, domaine dans lequel il conviendrait de s'intéresser aussi aux personnes qui ne se réclament d'aucune religion.  

Le Comité des questions d'actualité s'est penché sur toutes les questions qui lui ont été communiquées et les a traitées de la manière exposée ci-après. 

En réponse à la demande de publication d'une Déclaration sur le droit à l'objection de conscience au service militaire, le Comité des questions d'actualité a recommandé que le personnel entreprenne une étude à ce sujet, à la lumière du rapport analytique publié le 26 février 2006 par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, et qu'il fasse rapport au Comité central lors de sa prochaine session en vue d'une décision. 

En réponse à la demande soumise au Comité des questions d'actualité par l'archevêque Aristarchos Peristeris, le Comité des questions d'actualité a décidé de prier le secrétaire général d'écrire au gouvernement d'Israël pour exprimer son inquiétude face à la non-reconnaissance par celui-ci de l'élection du patriarche orthodoxe grec de Jérusalem, Sa Béatitude Theophilos III. 

En réponse à la demande reçue d'un de ses membres, le Comité des questions d'actualité a décidé qu'une séance spéciale devrait être organisée par le personnel le lundi 4 septembre, à l'heure du déjeuner. A cette occasion, une information actualisée sera donnée en référence à la note adoptée par le Comité central en février 2005 sur les mesures économiques pour la paix en Israël et en Palestine. 

Le Comité des questions d'actualité est préoccupé par les implications du projet de regroupement des quatre commissions en une seule commission (CEAI). Il tient à souligner que l'histoire, l'héritage, le profil et les connaissances de la CEAI doivent être conservés et qu'ils ne devraient pas se perdre du fait de ce regroupement. 

Le Comité des questions d'actualité propose au Comité central de se prononcer sur les questions ci-après. 

Le Comité central d'adopter la déclaration suivante sur le sort des enfants pris dans des conflits, notamment dans le nord de l'Ouganda. 

Déclaration sur le sort des enfants pris dans des conflits, notamment dans le nord de l'Ouganda 

1. Cette question est apparue comme une source de profonde inquiétude vers la fin de l'Assemblée de Porto Alegre. 

2. Les chrétiens se soucient tout particulièrement des enfants pris dans des situations désespérées et déshumanisantes, considérant que toute atteinte qui leur est portée s'oppose directement à ce qu'enseigne la Bible, à savoir que tous les êtres humains sont «faits à l'image de Dieu», ce qui leur donne une valeur infiniment précieuse. Aux yeux des chrétiens, se servir des enfants pour faire la guerre constitue un déni radical de l'Evangile et une attaque directe contre Jésus, sa personne et son message. 

3. L'Evangile nous rappelle que les enfants sont des signe pleins d'espérance de l'amour inconditionnel de Dieu et de sa promesse faite à l'humanité. Dans un monde marqué par la diversité et les inégalités, les enfants représentent une force unificatrice, capable de rapprocher les gens. Toute atteinte contre les enfants et l'enfance doit être condamnée comme intolérable et inacceptable. 

4. En 1979, Année internationale de l'enfant, le secrétaire général du Conseil oecuménique des Eglises, dans son message de Noël, appelait la communauté et les Eglises chrétiennes «à offrir aux enfants des conditions permettant de vivre, en toute confiance et dans la vérité, des relations ouvertes et enrichissantes, de développer leurs potentialités et d'en faire un usage utile au bien de tous. Comme leur Seigneur, ils doivent avoir la possibilité de grandir et de se fortifier, remplis de sagesse et de grâce, d'amour et d'abnégation». Nous qui sommes la famille humaine, nous devons veiller à ce que les enfants grandissent dans un milieu plein d'amour et de sollicitude, où leurs besoins soient pris en compte et leurs droits garantis. 

5. C'est pourquoi les chrétiens considèrent que faire participer des enfants à des guerres constitue non seulement un crime à leur égard, mais encore une offense à Dieu. Se servir d'enfants pour faire la guerre revient à s'opposer à la volonté de Dieu de donner à tous les humains un avenir d'espérance et d'accomplissement. Jésus demande avec indignation: «Quel père parmi vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson? Ou encore s'il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion?» (Lc 11,11-12) Que dirait Jésus à ceux qui donnent aux enfants non pas un serpent ni un scorpion, mais bien pire encore: des armes et des instructions sur la manière de s'en servir, le sentiment de n'être qu'un outil, un corps exploité par ceux qui sont plus âgés ou plus forts, avec des cicatrices physiques et psychiques qui resteront pendant toute leur existence? 

6. Hélas, la détresse des enfants, leur malheur et leurs souffrances demeurent immenses et infinis là où sévissent les guerres et la violence, de la Sierra Leone au Libéria, du Soudan à la République démocratique du Congo. Leurs rêves sont fracassés par la terreur; l'innocence et l'insouciance de leurs jeunes années leur sont arrachées par des seigneurs de la guerre et des gouvernements sans scrupule. Jésus a appelé «enfants de Dieu» ceux qui «font oeuvre de paix» (Mt 5,9); il est cruel de voir des enfants forcés de devenir des guerriers! Pour les chrétiens, il s'agit là d'un crime non seulement contre la dignité humaine mais aussi contre Dieu et contre leur religion, fondée par le Christ qui est venu en prince de la paix. 

7. De nos jours, dans le monde entier mais plus particulièrement en Afrique, des millions d'enfants se trouvent pris dans des conflits dont ils ne sont pas les spectateurs mais les cibles. Les enfants sont victimes de ces luttes, en général intestines, tués lors de crimes commis contre l'humanité. Victimes de violences sexuelles et de trafic d'êtres humains, ils sont couverts de honte, traumatisés et exploités, tandis que d'autres sont frappés par la faim et la maladie. Des milliers sont enlevés pour devenir des enfants-soldats combattant dans des guerres non seulement insensées, mais aussi injustifiées et illégales. 

8. Aux enfants-soldats qui résistent, on donne des drogues qui inhibent leur peur et leur culpabilité et les incitent à commettre des brutalités. La propagande, la crainte des vengeances et de l'abandon les poussent à rester «volontairement» dans l'armée. Ceux qui survivent sont souvent blessés, parfois estropiés et détruits psychologiquement; ils perdent des années de scolarité et de socialisation. A l'issue d'un conflit, la réintégration des enfants-soldats démobilisés est un processus difficile et complexe, car la population ne leur fait en général pas confiance. Souvent, ceux qui réussissent à s'échapper sont mis au ban de la société, et la communauté cherche à les punir des crimes qu'ils ont été obligés de commettre par les groupes rebelles qui les ont enlevés. 

9. C'est une telle guerre de violence et de terreur effrénées que l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) est en train de mener en Ouganda, depuis 1986, contre le gouvernement du président Yoweri Museveni ; à Porto Alegre, un représentant de l'ONU a attiré l'attention des participants à l'Assemblée sur le sort des enfants pris dans la guerre. Ces vingt dernières années, des milliers de jeunes enfants ont été enlevés, torturés, violés, pratiquement réduits en esclavage et parfois tués par la LRA. Dans le nord du pays, elle a lancé contre des maisons et des écoles des attaques brutales visant des enfants pour les enrôler dans sa lutte contre le gouvernement ougandais. Ces enfants ont été forcés de participer aux combats, de porter de lourdes charges, de devenir les domestiques des rebelles, tandis que les filles étaient contraintes de servir de femmes aux commandants. 

10. Récemment, environ 2 millions de personnes, dont 80% d'enfants et de femmes, ont été parquées comme des animaux dans une vingtaine de camps de concentration organisés par le gouvernement ougandais. Elles vivent dans des conditions déplorables, sans hygiène ni installations sanitaires. Plus nombreuses encore sont celles qui ont été victimes de violences, emprisonnées et violées par les Forces de défense populaire de l'Ouganda et la LRA. 

11. Cette guerre ne touche pas seulement l'Ouganda mais aussi le Soudan et la République démocratique du Congo. Depuis le milieu des années 1990, la LRA dispose de bases dans le Sud-Soudan: le gouvernement soudanais lui a offert un refuge sur son territoire le long de la frontière, ainsi qu'une aide militaire et alimentaire, soi-disant en guise de représailles contre le soutien accordé par le gouvernement ougandais au Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (SPLM/A). En décembre 2003, le président Museveni a invité la Cour pénale internationale à enquêter sur la LRA. A la fin de l'année dernière, la Cour, après des enquêtes préliminaires, a délivré des mandats d'arrêt contre les cinq principaux chefs de la LRA, y compris Joseph Kony. En 2005, le gouvernement soudanais et le SPLM/A ont signé un accord de paix. Depuis, l'ancien groupe rebelle du SPLM/A est le parti majoritaire dans le gouvernement du Sud-Soudan. 

12. Les Eglises d'Ouganda ont toujours été favorables à une solution pacifique de la crise dans la région. En 1998 a été fondée l'Initiative des responsables religieux Acholi en faveur de la paix (ARLPI), soutenue par le Conseil chrétien uni d'Ouganda (UJCC). Le groupe des responsables Acholi, composé de membres anglicans, catholiques romains, orthodoxes et musulmans, a demandé qu'il soit immédiatement mis fin à la violence. A cette époque, le gouvernement ougandais, bien qu'il n'ait pas été enclin à entamer le dialogue avec les rebelles, a promulgué une loi d'amnistie en décembre 2000; en conséquence, un certain nombre de rebelles se sont rendus, ce qui a affaibli la puissance militaire de la LRA. Une autre initiative en faveur de la paix, due à l'ancienne ministre ougandaise Betty Bigombe, a échoué en 2004, avant que des négociations directes puissent avoir lieu entre le gouvernement ougandais et la LRA. 

13. Pendant des années, le conflit du nord de l'Ouganda n'a guère retenu l'attention de la communauté internationale. La situation changea à la suite de la visite, en novembre 2003, de Jan Egeland, sous-secrétaire général des Nations Unies, qui parla de «la plus grave crise humanitaire oubliée du monde». A la suite de l'accord de paix entre le gouvernement du Soudan et le SPLM/A, les dirigeants du Sud- Soudan ont annoncé officiellement que la LRA ne serait désormais plus autorisée à se réfugier dans le pays. 

14. En mai 2006, le président du Sud-Soudan Salva Kiir a lancé une tentative de médiation entre le président ougandais Museveni et Joseph Kony, de la LRA. Le président Museveni a déclaré publiquement qu'en cas d'aboutissement des négociations de paix, il amnistierait les chefs de la LRA et les protégerait contre les poursuites de la Cour pénale internationale (CPI). Celle-ci a toutefois rappelé au gouvernement qu'en tant qu'Etat partie, l'Ouganda a l'obligation d'arrêter Kony et les autres personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt.  

15. Certains responsables ecclésiastiques estiment que dans ces conditions les chances d'un cessez-le-feu permanent sont faibles, parce que les chefs de la LRA ne seront pas disposés à négocier sous la menace d'une inculpation. C'est pourquoi ces responsables trouvent qu'il est plus important de restaurer la paix et la capacité de vivre ensemble au sein de la communauté que de vouloir punir, ce qui entraverait les efforts de réconciliation entre les parties. 

16. Compte tenu de ce qui précède, le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006, 

a) affirme la préoccupation particulière des chrétiens à l'égard du sort des enfants pris dans les conflits armés; 

b) exprime son inquiétude face à la menace pour la paix et la sécurité internationales et aux obstacles à l'aide humanitaire d'urgence qui résultent du conflit en cours dans le nord de l'Ouganda et des activités de la LRA dans le Sud-Soudan et en République démocratique du Congo; 

c) condamne les atrocités commises par la LRA et lui demande de respecter les termes de tout cessez-le-fue et de s'abstenir de tout acte de violence, y compris les enlèvements; 

d) encourage la poursuite des négociations entre le gouvernement ougandais et la LRA, avec la médiation du gouvernement du Sud-Soudan, en vue d'une paix durable et de la création d'une instance inspirée de la Commission «vérité et réconciliation» qui encourage les initiatives de réconciliation traditionnelles pour aider à résoudre ce conflit; 

e) prie instamment le gouvernement ougandais, conformément à sa politique nationale, d'assurer la protection de tous les civils, et notamment celle des enfants contre les enlèvements; d'agir pour réduire le nombre des enfants victimes; de veiller à ce que tous les enfants qui échappent à la LRA puissent recevoir rapidement des soins médicaux appropriés et un soutien psychologique; de faire en sorte que les enfants soient rapidement rendus à leurs familles et/ou d'offrir à ces enfants des possibilités d'accueil adaptées à leurs besoins; d'élaborer des mesures concrètes permettant de répondre à long terme aux besoins des anciens enfants-soldats; 

f) prie instamment les Eglises d'Ouganda et de la région, ainsi que toutes les Eglises membres, de mobiliser l'opinion pour condamner les crimes commis impunément contre les enfants et de sensibiliser leurs partenaires internationaux à la prévention des mauvais traitements infligés aux enfants; 

g) demande aux Nations Unies et à l'Union africaine de reconnaître que la LRA constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales et d'approuver un plan prévoyant l'envoi en Ouganda d'un représentant des Nations Unies agréé par ce pays afin de soutenir la stratégie de médiation; dans ce cadre, on renforcera la déclaration d'un cessez-le-feu unilatéral pour en faire un processus de paix viable fournissant des garanties de sécurité, et on mettra en place un programme global de désarmement, de démobilisation et de réintégration sociale (DDR); 

h) lance un appel aux donateurs, y compris les organisations non gouvernementales, pour les inviter à collaborer avec le gouvernement ougandais afin d'améliorer la situation des personnes déplacées du nord de l'Ouganda et de déterminer comment les réfugiés des camps pourront être aidés et protégés à leur retour chez eux; la stratégie de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) de la LRA doit être liée à une intensification de l'aide aux personnes déplacées victimes de la guerre.

Le Comité central adopterla déclaration suivante sur le commerce équitable. 

Déclaration sur le commerce équitable

 

1. Le COE s'intéresse depuis longtemps à la question du commerce équitable. Les Eglises participent au travail intense mené par l'Alliance oecuménique « agir ensemble » (EAA), qui s'est engagée en 2002 dans une campagne sur le thème « Le commerce au service des personnes ». Dans son plan d'action, l'Alliance souligne que « les normes bibliques s'appliquant à l'activité économique, notamment aux échanges de biens et de services, se fondent sur la justice et la défense des pauvres : rémunération équitable, relations transparentes, absence d'exploitation et respect de la vie, en veillant en particulier au sort des veuves, des enfants et des étrangers. » Elle conclut que « le commerce est donc un instrument qui doit être mis au service d'une communauté et d'une communion viables, justes et fondées sur la participation. »

2. L'échec, en juillet 2006, des négociations du cycle de pourparlers de Doha sur le commerce, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui avaient commencé à Doha en 2001, a porté un coup aux relations multilatérales du commerce mondial. Les institutions multilatérales telles que l'OMC ont été créées pour soutenir et améliorer les relations multilatérales et pour mener des actions communes. Mais, récemment, un grand nombre de ces institutions ont été affaiblies et rendues incapables de protéger les objectifs communs, car les intérêts individuels des Etats dominent ces relations. L'OMC, en sa qualité d'institution commerciale multilatérale, devrait être un forum où les Etats souverains, grands et petits, peuvent se réunir démocratiquement pour traiter de problèmes relatifs au commerce et trouver des occasions de faire en sorte que celui-ci soit pratiqué dans le but d'élever le niveau de vie. Malheureusement, dès sa création, l'OMC a subi les abus de pouvoir des pays les plus influents. L'échec des négociations sur le commerce après cinq ans de pourparlers intenses est le défi le plus récent auquel le multilatéralisme est confronté.

3. L'échec des négociations signifie qu'il y aura de plus en plus d'accords commerciaux bilatéraux à l'avenir. Les plus défavorisés par le bilatéralisme seront les pays en développement les plus faibles; ils ne disposeront d'aucun moyen de pression et seront donc des proies aisées pour l'exploitation. Preuve en soient les négociations commerciales entre l'Union européennes et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), qui devraient conduire à des accords de partenariat économique (APE) - accords de libre échange - entre l'UE et six régions ACP en 2008. En 2001, au début des négociations, on espérait que les populations des pays en développement bénéficieraient d'un nouveau cadre juridique pour le commerce international - on espérait que les petits pays pourraient participer à la prospérité dont quelques pays développés avaient joui jusqu'alors. Après que des générations eurent fourni presque exclusivement des matières premières et des ressources au monde industrialisé, on espérait que les pays en développement pourraient sortir de la pauvreté en participant en égaux au commerce international. Ces espoirs, cependant, se sont rapidement évanouis lorsque les pays développés et industrialisés se sont mis à imposer leurs termes et conditions par le canal des mécanismes de l'OMC. La part des pays les moins avancés, dans le domaine des exportations mondiales, a régulièrement décliné, passant de 0,7% en 1985 à 0,4 en 2005 (OMC), et cela parce que les conditions commerciales imposées aux pauvres ont affaibli les avantages dont ils auraient pu bénéficier grâce à l'ouverture des marchés. Les gouvernements, et non seulement ceux du monde en développement, subissent la pression des sociétés transnationales qui exigent des avantages fiscaux et des aménagements des réglementations du travail, et demandent qu'on retarde l'application de normes environnementales. Les subventions versées par les gouvernements des pays développés à certains secteurs de l'économie constituent aussi une menace pour les relations commerciales.  

4. L'exemple de l'agriculture est éclairant: alors qu'une partie importante du PIB des pays pauvres dépend de l'agriculture, c'est l'inverse dans les pays industrialisés, mais les négociations sur l'agriculture à l'OMC sont dominées par les offres minimales des pays riches, associées à leurs exigences agressives relatives à l'accès au marché des produits non agricoles (NAMA) et des services. Les pays développés veulent également des avantages sur le plan de l'agriculture, bien qu'ils aient une part de marché considérable dans le domaine des produits non agricoles. Les paysans pauvres des économies principalement agricoles souffrent du dumping et d'autres conséquences de règlements commerciaux inéquitables. Les pays pauvres désirent des accords commerciaux favorables à l'éradication de la pauvreté. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 800 millions de personnes connaissent des pénuries alimentaires tandis que 42 autres millions souffrent de malnutrition grave. Alors qu'on estime annuellement à 500 milliards de dollars EU les exportations agricoles au niveau mondial, 15 millions d'enfants au moins meurent chaque année de faim et de maladies qui lui sont liées, avant d'avoir atteint l'âge de 5 ans. Il y suffisamment de nourriture pour subvenir aux besoins de tous, mais elle n'arrive pas jusqu'aux pauvres et aux affamés, car ils n'ont pas les moyens de se la procurer en raison des pratiques et modèles commerciaux inéquitables. Le système commercial actuel, avec ses déséquilibres, n'a pas été en mesure de tenir ses promesses de croissance économique et d'éradication de la pauvreté. En fait, il a ébranlé la sécurité alimentaire des pauvres, précipité des millions de paysans et d'ouvriers dans le chômage et freiné le développement industriel dans de nombreux pays pauvres.  

5. Le Comité central du COE, lors de sa session de 2001 à Potsdam, Allemagne, a exprimé sa préoccupation face à cette évolution, à la détérioration des relations économiques et aux inégalités croissantes entre pays développés et en développement. C'est pourquoi il a demandé qu'on élabore une conception du commerce équitable et qu'on en fasse l'un des piliers centraux de l'activité du Conseil sur la justice économique. En conséquence, des Eglises du monde entier ont fait l'analyse critique des accords commerciaux et travaillé à l'élaboration de propositions différentes pour un commerce équitable, en consultation avec des groupes de la société civile et des mouvements sociaux.  

6. Au cours des cinq dernières années, les pays développés se sont constamment opposés, dans les pourparlers de l'OMC, aux propositions des pays en développement. Ils leur ont préféré l'« Aide au commerce », assistance technique en matière commerciale accordée aux pays pauvres pour alléger les coûts de l'ajustement à court terme qui vise à ouvrir leurs marchés et à faciliter le commerce en s'attaquant au manque d'infrastructures et à d'autres « contraintes d'approvisionnement ». Cette aide, cependant, était liée à une condition inéquitable, l'acceptation du programme de libéralisation du cycle de Doha. Cette proposition est bien loin de ce dont les Eglises et leurs partenaires oecuméniques se sont faits les avocats dans leur campagne « Le commerce au service des personnes - et non les personnes au service du commerce ».  

7. Ce sont avant tout les positions prises par les Etats-Unis et l'Union européenne, à la poursuite de leurs intérêts respectifs, qui ont fini par faire échouer ce cycle de négociations de l'OMC. Chacun a reproché aux autres de ne pas prendre des mesures adéquates pour supprimer les subventions à leurs propres agriculteurs, ce que de nombreux pays en voie de développement considèrent comme l'une des principales causes d'affrontement dans le système actuel. 

8. L'échec des négociations est un revers pour les pays pauvres qui devront désormais affronter seuls des négociations bilatérales. Maintenant que les négociations n'ont pas abouti et que le multilatéralisme connaît ce revers, les Eglises reconnaissent que le commerce mondial est un enjeu trop important pour qu'on le mette en veilleuse. Les Eglises doivent continuer à s'équiper et à se former les unes les autres pour interpeller leurs gouvernements sur la question de la justice dans le commerce mondial, question qui a des répercussions sur la vie des gens.  

9. Le commerce équitable exige la transformation des règles commerciales qui ont été négociées à l'OMC et dans le cadre d'autres accords régionaux et bilatéraux. Toutes les règles et les accords commerciaux doivent se fonder sur les engagements suivants:

  • protéger et promouvoir les intérêts des Etats plus petits, plus faibles et plus vulnérables;

  • encourager le développement durable et l'éradication de la pauvreté en respectant les termes dans lesquels les populations elles-mêmes les définissent;

  • donner la priorité aux droits des populations à l'alimentation, à l'eau, aux produits de première nécessité, et protéger les petits producteurs pour qu'ils puissent survivre et prospérer;

  • respecter les normes internationales garantissant les droits fondamentaux des personnes;

  • renforcer le respect de la création par des normes écologiques qui préservent les intérêts des générations futures et la survie de la terre;

  • veiller à une répartition équitable et juste des ressources entre tous. 

10. C'est pourquoi le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006, 

a) affirme la base théologique de l'engagement à soutenir et à promouvoir le commerce équitable: l'option fondamentale de notre foi pour les "plus petits", les pauvres et les exclus, et demande que l'on poursuive la réflexion théologique et biblique sur le commerce équitable; 

b) appelle les Eglises à encourager leurs gouvernements à poursuivre leurs efforts en vue d'un nouveau mécanisme commercial multilatéral et de nouvelles règles commerciales multilatérales justes et démocratiques; 

c) apelle à une réforme de l'OMC sur la base des critères mentionnés au paragrape 9, qui prévoirait des processus d'appel transparents et des règles de responsabilité pour les parties liées par les règlements commerciaux de l'OMC;

d) encourage les Etats à s'engager dans des négociations commerciales fondées sur la participation, visant à un commerce équitable propre à réduire la pauvreté, à promouvoir les droits des personnes et à protéger l'environnement; 

e) encourage et soutient les campagnes coordonnées pour un commerce équitable, menées à l'initiative de l'Alliance oecuménique "agir ensemble", des Eglises et d'organisations qui leur sont rattachées; 

f) appelle au dialogue et à la constitution d'alliances pour le commerce équitable entre acteurs oecuméniques, religieux, économiques et politiques et entre Eglises du Nord et du Sud; 

g) exprime la nécessité d'une stratégie associant les mouvements ruraux, les syndicats, les mouvements de femmes et de populations autochtones pour préparer et formuler des propositions alternatives de

h) encourage la sensibilisation des paroisses à la question de l'impact des politiques et des accords commerciaux sur la vie des habitants du Sud, par l'éducation et la formation oecuménique, l'étude et l'action.

Le Comité central adopte la déclaration suivante sur l'action de compassion des Eglises face au VIH et au sida.

 

Déclaration sur l'action de compassion des Eglises face au VIH et au sida 

Information générale 

1. La pandémie du sida est l'un des défis les plus importants de notre temps. Chaque jour, la maladie cause la mort de 8000 personnes; à cause d'elle, 13 millions d'enfants sont orphelins et les services de santé de nombreux pays sont dans un état précaire. Le sida met en péril l'existence même de collectivités entières, paralyse leur viabilité et leur productivité et détruit les relations en raison de la stigmatisation et de la discrimination qui l'accompagnent. Cette situation met les responsables des Eglises devant un grave problème, concernant leur capacité à réagir à cette crise permanente. Depuis que la pandémie est apparue voici 25 ans, on estime à 65 millions le nombre de personnes qui ont été contaminées par le VIH, dont 25 millions sont mortes. Au cours de la seule année 2005, selon les estimations, 4,1 millions ont été contaminées et 2,8 millions sont mortes de maladies liées au sida. Aujourd'hui, la croissance la plus rapide du taux d'infection et la menace la plus grave affectent les femmes et les jeunes.  

2. Cinq ans après la Session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH et le sida, en 2001, les données disponibles soulignent la grande disparité existant entre les pays et les régions en matière de mise en oeuvre des mesures envisagées dans la Déclaration d'engagement sur le VIH/sida. Alors que certains pays ont atteint quelques-uns des objectifs clés fixés pour 2005 par la Déclaration, la plupart d'entre eux n'ont pas rempli leurs engagements. Il reste beaucoup à faire - les promesses doivent être tenues, car des millions de vies en dépendent. 

La réponse oecuménique, 1986-1997 

3. Le mouvement oecuménique a fait preuve de constance dans son engagement face au VIH et au sida, et il a encouragé une approche globale pour lutter contre la pandémie. Dès 1986, le Comité exécutif du Conseil oecuménique des Eglises (COE) lançait cette mise en garde: « En tant qu'institutions, les Eglises ont tardé à parler et à agir - bien des chrétiens ont été prompts à juger et à condamner de nombreuses personnes victimes de la maladie, et, par leur silence, de nombreuses Eglises partagent la responsabilité de la peur qui s'est répandue dans le monde plus rapidement encore que le virus. » Le Comité exécutif appelait les Eglises à répondre de manière appropriée au besoin d'accompagnement pastoral, de formation à la prévention et de service social.  

4. Dans la même veine, le Comité central, lors de sa réunion de septembre 1996, invitait instamment les Eglises à « promouvoir, dans leur vie et dans l'ensemble de la société, un climat favorable à un examen nuancé, factuel et ouvert des questions éthiques que pose la pandémie. … Du fait de l'importance qu'elles attachent à la responsabilité individuelle et collective, les Eglises peuvent créer des conditions - personnelles, culturelles et socio-économiques - qui aident les gens à faire des choix responsables. » Au sujet des conditions de vie des personnes porteuses du virus, le Comité central déclarait : « Les séropositifs et les personnes atteintes du sida se heurtent généralement à des réactions de peur, de rejet et de discrimination … Parce que ce type de réaction est contraire aux valeurs de l'Evangile, les Eglises sont appelées à formuler et à promouvoir une politique claire de non-discrimination à l'égard des personnes touchées par le VIH et le sida. » 

Des changements positifs 

5. Depuis lors, les Eglises ont poursuivi leur lutte contre le VIH et le sida dans toutes les régions du monde et beaucoup de changements positifs se sont produits. L'année 2000 a vu le lancement de l'Alliance oecuménique « agir ensemble » (EAA) - à laquelle le COE participe activement - qui favorise une campagne portant sur la lutte contre la stigmatisation et la discrimination, la promotion de la prévention, la mobilisation de ressources, le plaidoyer en faveur de l'accès universel aux traitements et la responsabilisation des gouvernements et des Eglises. L'Alliance forme les Eglises et veille à ce qu'elles acquièrent les capacités très nécessaires à ces activités.  

6. L'« Initiative oecuménique de lutte contre le VIH/sida en Afrique » (EHAIA), lancée en 2002, vise à accompagner les Eglises afin qu'elles deviennent « compétentes en matière de VIH ». Elle apporte une contribution décisive en suscitant une conception théologique inspirée et rigoureuse du sida, comportant une formation appropriée des ecclésiastiques et des laïcs et renforçant la capacité des Eglises à s'impliquer dans l'action au niveau local, afin de relever les défis liés au VIH et au sida. Dans le Pacifique, en Asie, en Amérique latine, aux Caraïbes et en Europe orientale, des progrès importants ont aussi été réalisés grâce au lancement d'initiatives et à un soutien pratique sur le terrain, au cours de cette période.  

7. Une campagne animée par le COE, conjointement avec le Réseau africain des responsables religieux vivant avec le VIH/sida (ANERELA+), le Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH/sida (RMP+) et la Communauté internationale des femmes vivant avec le VIH/sida (ICW), encourage une participation accrue des personnes vivant avec le VIH et le sida à la vie ecclésiale. Cette campagne a stimulé les Eglises et leur a montré comment être plus accueillantes à l'égard de ces personnes. 

8. Il existe d'innombrables exemples d'actions des Eglises face à la pandémie, qu'il s'agisse de prévention, de prise en charge, de traitement, de lutte contre la stigmatisation ou de réflexion théologique. Certains responsables d'Eglises s'expriment publiquement au sujet d'initiatives qui ont réussi, tout en identifiant les lacunes de leur action et en cherchant à y remédier. 

9. Pour la première fois, le monde possède les moyens d'inverser le cours de l'épidémie mondiale. Le succès, cependant, exigera que tous les acteurs participant à l'effort global soient absolument prêts à réaliser leur potentiel, à adopter de nouveaux modes de coopération et à s'engager à mener leur action à long terme.  

Le défi 

10. La pandémie du sida dure depuis près de trois décennies, et, malgré les progrès réalisés dans les domaines de la sensibilisation et de l'engagement dans la lutte contre le VIH, l'épidémie continue à l'emporter sur ces efforts et demeure une grave menace pour l'humanité.  

11. Les Eglises ont un rôle unique et décisif à jouer pour freiner ce déferlement et vaincre la pandémie. Les systèmes de santé et de soutien établis et gérés par les Eglises et les organisations chrétiennes offrent sur le terrain parmi les meilleures prises en charge des personnes vivant avec le VIH ou le sida ou touchées par eux. Mais, plus encore, les efforts pour surmonter la stigmatisation et la discrimination nourries par l'attitude des membres de certaines communautés religieuses sont essentiels pour le partage d'informations précises au sujet de la prévention et des traitements.  

12. La situation exige des Eglises, en collaboration avec d'autres organisations, et des chrétiens qu'ils manifestent beaucoup d'amour dans toutes leurs actions touchant le VIH et le sida. Ces actions doivent être marquées à la fois par la compassion et la compétence. Ce qui compte, c'est de répondre aux besoins des plus vulnérables de la communauté. La qualité et la quantité des réponses de la communauté chrétienne devraient être à la mesure de l'engagement qu'exige des chrétiens leur qualité de disciples de Jésus Christ.  

13. Les Eglises doivent prendre la tête de la prévention et de la lutte contre le VIH et le sida, et reconnaître que les personnes vivant avec le virus sont des membres précieux de la communauté. De bonnes politiques doivent être mises en place, ainsi que des actions concrètes, grâce auxquelles les traitements, la prise en charge et le soutien soient facilement accessibles à toutes les personnes touchées. On sera attentif aux relations et à la vie familiale - y compris la responsabilité vitale qui incombe à tous de se protéger par l'abstinence en dehors du mariage, la fidélité conjugale et un mode de vie sain refusant la toxicomanie. 

14. Il convient d'encourager une information qui préconise la responsabilité sexuelle et contribue à protéger les personnes contre les relations sexuelles imposées et la violence sexuelle. En outre, il faut garantir aux femmes et aux jeunes filles l'accès aux soins de santé reproductive. Les Eglises devraient promouvoir la vie en offrant des renseignements documentés et complets sur la prévention de la transmission du virus, et en garantissant l'accès de tous à des méthodes de prévention appropriées et à des conseils et tests de dépistage volontaires et confidentiels, ainsi qu'aux possibilités de soin et de traitement. 

La voix des responsables 

15. Conscients de la valeur du plaidoyer, les responsables d'Eglises devraient en user pour influencer la société afin de susciter des changements d'orientation. Ils doivent se remettre eux-mêmes en question et interpeller leurs propres institutions et l'ensemble de la société afin de faire franchement face au problème et de briser le silence qui nourrit la peur, le jugement, la stigmatisation et la discrimination. Les responsables doivent soutenir les initiatives qui aideront les gens à faire des choix en connaissance de cause, afin de les protéger de l'infection du VIH, de réduire la vulnérabilité à l'infection et d'encourager les communautés de soutien où les gens puissent recevoir une information précise et des traitements appropriés.  

16. Les responsables religieux doivent commencer par examiner leur propre comportement, leurs attitudes et les actes par lesquels ils peuvent s'être rendus complices de la marginalisation et de la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH et le sida, au lieu de les accueillir pleinement . La Bible et l'exemple de Jésus nous conduisent toujours à nous tenir aux côtés de personnes que nous préférerions éviter. Jésus a dit : « C'est ici que Dieu est présent. » Nous avons l'obligation de nous tenir aux côtés de ceux qui souffrent, de faire preuve de miséricorde au lieu de marginaliser, de soutenir au lieu de stigmatiser.  

Donner un « visage » à ce défi 

17. Les Eglises ont favorisé une implication et une participation accrues des personnes vivant avec le VIH et le sida, et elles doivent continuer en ce sens, tout en pratiquant une politique d'embauche sans exclusive et des méthodes durables pour collaborer avec des réseaux de personnes séropositives. Etant donné que la pandémie est aggravée par la misère et par des questions liées à la sexospécificité, il est absolument nécessaire de faire participer les femmes et les jeunes filles aux projets et à la mise en oeuvre des politiques et des programmes qui les touchent directement. Il faut faire en sorte que des personnes séropositives puissent participer à une équipe de spécialistes chargée de mettre les Eglises en mesure d'aborder cette question d'une façon plus globale et sans exclusive. En raison du taux croissant de contamination dans la jeunesse, il importe également que des jeunes soient associés à l'élaboration de messages et de programmes de prévention et de soutien.  

18. Dans un sens très réel, nous vivons tous avec le VIH et le sida. Nous nous coupons de Dieu et de son amour si nous disons « eux » et « nous » en parlant des personnes vivant avec le VIH et le sida, ou de celles qui sont les plus vulnérables face à la contamination.  

Agir concrètement 

19. Il faut que les Eglises soient les mains de Dieu, compétentes et bienveillantes, pour refléter l'image d'une Eglise pleine de compassion, engagée et qualifiée. Il faut aussi qu'elles agissent par rapport aux principales réponses données au VIH et au sida, de manière à garantir que la société soit moins vulnérable à la maladie et qu'elle profite également des progrès réalisés dans la lutte contre le VIH - progrès en terme de prévention, de traitement, de prise en charge et de soutien. Il faut que toutes les personnes qui en ont besoin puissent bénéficier d'un traitement antirétroviral. Il faut que tous les groupes sociaux, et notamment les plus marginalisés et les plus isolés, aient accès aux fruits de la science et aux médicaments à des prix abordables. 

20. Dans le cadre du processus d'apprentissage, il est important que les Eglises favorisent des débats ouverts et sans exclusive sur les questions relatives à la sexualité, à la violence dans les relations entre les sexes et à la toxicomanie par injection, de manière que les personnes et les groupes sociaux deviennent moins exposés au VIH. Il est important et nécessaire de développer la compréhension sur cette question à partir d'un contexte théologique et éthique, afin que la réponse donnée se fonde sur une pensée claire, qui se préoccupe essentiellement d'apporter prise en charge et soutien aux personnes touchées par le VIH et le sida, ainsi que de prévenir la propagation du virus.  

21. Romains 8,35 pose la question: « Qui nous séparera de l'amour du Christ ? »

Le VIH peut-il s'interposer entre le Christ et nous ? Si quelqu'un tente de s'interposer entre des personnes séropositives et Dieu, cette personne vient-elle de Dieu ? La communauté locale donnera-t-elle à celui ou celle qui vit avec le VIH le sentiment d'être accueilli, aimé et de faire partie d'un même corps ? Si cette communauté continue d'exclure, d'éviter, de stigmatiser ou de persécuter, ne place-t-elle pas une barrière entre Dieu et ses enfants ?  

22. La majorité des 40 millions de personnes qui vivent avec le VIH n'ont accès à aucun traitement. Les communautés d'inspirations religieuse ont la responsabilité de plaider pour que les traitements antirétroviraux ainsi que ceux concernant d'autres infections opportunistes soient accessibles à tous.  

23. Il y a dans le monde des milliards de gens qui, bien que n'ayant pas contracté le VIH, sont encore mal informés et par conséquent mal armés pour se prémunir contre cette maladie tout à fait évitable. C'est pourquoi il est nécessaire de s'engager dans la lutte contre les virus de l'ignorance, du silence et de la peur. Ne pas le faire reviendrait à mettre des barrières entre Dieu est ses enfants.  

Agir maintenant 

24. Si on ne renforce pas de toute urgence la réponse au sida, cela voudra dire que le monde ne pourra atteindre ni l'objectif 2010 de la Déclaration d'engagement, ni l'objectif 6 du Millénaire pour le développement. Et faute de progrès importants dans les efforts mondiaux de lutte contre le sida, les objectifs du Millénaire pour le développement (réduire la pauvreté, la faim et la mortalité infantile) ne seront pas non plus atteints. Dans toutes les régions du monde, des pays dont le développement a déjà pâti du fait du sida vont continuer à s'affaiblir, ce qui entraînera des menaces potentielles quant à la stabilité sociale et à la sécurité nationale. Mais la réalité tragique est que des millions continuent à mourir chaque année. 

25. Le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006,  

a) reconnaît que 25 ans après l'apparition du sida, bien des progrès ont été accomplis dans le domaine de la prise de conscience au niveau mondial et des promesses de vaincre le VIH, la pandémie l'emporte encore sur ces efforts et demeure une menace sérieuse pour l'humanité; 

b) reconnaît aussi que, à défaut de progrès importants dans la lutte pour stopper le sida, les efforts visant à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (réduction de la pauvreté, de la faim et de la mortalité infantile) vont continuer à perdre de leur eefficacité, ce qui constitue une menace potentielle pour la stabilité sociale et la viabilité nationale; 

c) reconnaît en outre que si les Eglises ont été en première ligne en matière de soins et de soutien aux personnes touchées par la pandémie, beaucoup d'entre nous ont aussi été complices de la stigmatisation et de la marginalisation des personnes vivant avec le VIH et le sida, par leur silence, leurs attitudes, leurs paroles et leurs actes; 

d) apprécie la conribution apportée par le Réseau africain de responsables religieux vivant avec le VIH ou le sida, ou personnellement affectés par eux (ANERELA+), le Réseau mondial des personnes. vivant avec le VIH/sida (RMP+) et la Communauté internationale des femmes vivant avec le VIH/sida (ICW) pour favoriser une meilleure participation des personnes vivant avec le VIH et le sida à la vie de l'Eglise ; ainsi que l'organisation par ONUSIDA de la XVIe Conférence internationale sur le sida, le 18 août à Toronto (Canada), qui a réclamé qu'une action à long terme contre le sida soit menée au cours des 25 prochaines années et au delà; 

e) encourage les Eglises à continuer à jouer un rôle décisif dans la lutte contre cette pandémie grâce à des réponses marquées par la compassion et caractérisées par la compétence ; ce qui suppose qu'on fournisse une information complète et fondée à propos de la prévention de la transmission du VIH, et qu'on se penche sur les liens existant entre l'inégalité sexo-spécifique et la pauvreté, d'une part, et le VIH et le sida, de l'autre; 

f) encourage également les responsables d'Eglises à jouer leur rôle de défenseurs de politiques justes et à demander des comptes aux gouvernements à propos de leurs promesses; 

g) invite les gouvernements des pays du G8 à tenir leur promesse de financement et d'action visant à permettre l'accès général aux traitements, aux soins et au soutien d'ici 2010 ; et le secteur privé, notamment les sociétés pharmaceutiques, à investir dans la recherche et le développement nécessaires à la lutte contre le VIH (par exemple, les dosages et les diagnostics en pédiatrie) ainsi qu'à veiller à ce que les médicaments pour traiter le VIH soient accessibles à bas prix dans les pays à revenu faible ou moyen; 

h) réitère son appel aux Eglises et aux chrétiens leur demandant de favoriser une implication et une participation plus importantes des personnes vivant avec le VIH et le sida, de promouvoir et d'adopter des politiques d'embauche sans exclusive ainsi que des méthodes originales et durables de collaboration avec les réseaux de personnes séropositives, de favoriser et de partager une réflexion théologique et éthique plus approfondie sur le VIH et le sida, et d'encourager l'acceptation, par les Eglises, des personnes vivant avec le VIH et le sida; 

i) invite instamment les Eglises et les organisations qui leur sont liées à favoriser et à partager une réflexion théologique et éthique plus approfondie sur le VIH et le sida; 

j) appelle les Eglises à mettre au coeur de leurs préoccupations l'action de lutte contre le VIH et le sida, en veillant à ce que les personnes soient rendues moins vulnérables et puissent bénéficier des nouveaux progrès en matière de prévention et de traitement, et en plaidant en faveur d'un accès universel aux traitements antirétroviraux ; à favoriser des débats ouverts et sans exclusive sur les questions relatives à la sexualité, à la violence dans les relations entre les sexes et à la toxicomanie par injection, de manière à réduire la vulnérabilité des individus et des groupes au VIH; 

k) encourage les Eglises et les responsables ecclésiastiques à faire participer les femmes et les jeunes à l'élaboration et à la mise en oeuvre de programmes et d'orientations sur le VIH et le sida; 

l) rappelle qu'il est nécessaire de renforcer la capacité des Eglises et des organisations et réseaux de la société civile en fournissant les ressources humaines et matérielles adéquates permettant de suivre les efforts, aux niveaux local et national, pour renverser la tendance de cette pandémie universelle, et de contrôler l'efficacité des mesures prises ; ce faisant, elles renforceront leur soutien aux initiatives oecuméniques efficaces existantes telles que l'Initiative oecuménique sur le VIH/sida en Afrique (EHAIA); 

m) envisage de convoquer un sommet des responsables d'Eglises, au plus tard en 2008, parallèlement à un sommet des jeunes, en vue d'examiner notre réponse collective à cette pandémie, de tirer la leçon des bonnes pratiques et d'esquisser l'ordre du jour de la réponse oecuménique à cette crise; 

n) appelle à poursuivre la réflexion oecuménique en cours sur les aspects de la réponse de l'Eglise au VIH et au sida qui font l'objet de désaccords continuels ; cette réflexion portera aussi sur la manière dont l'Eglise répond à ceux qui, en contradiction avec son témoignage, ont des activités sexuelles à haut risque ou s'adonnent à la toxicomanie, ainsi que sur les moyens de prévention appropriés.

Le Comité central adopte la déclaration suivante concernant les exécutions extrajudiciaires aux Philippines. 

Déclaration sur les exécutions extrajudiciaires aux Philippines 

1. Depuis le milieu des années 1980, lorsque le pouvoir populaire a renversé la dictature militaire du président Ferdinand Marcos, les Philippines continuent à traverser des turbulences politiques. Le gouvernement actuel, présidé par Gloria Macapagal Arroyo, est arrivé au pouvoir en 2001, après avoir promis de réformer les systèmes politique et économique du pays. La régularité de l'élection présidentielle est toujours contestée, tandis que la « guerre contre le terrorisme » et la priorité nouvelle donnée à la sécurité nationale servent de prétextes à la militarisation croissante du pays, qui atteint un degré alarmant. De nombreuses voix, y compris celles des Eglises, s'élèvent maintenant pour demander la démission de la présidente. 

2. Malheureusement, les promesses de réformes n'ont pas été tenues, ni même ébauchées. Les Philippines restent un pays où le fossé entre pauvres et nantis est énorme. Le pouvoir politique demeure aux mains de l'élite dirigeante, soutenue par l'armée. La prétendue « guerre au terrorisme » n'a servi qu'à renforcer la domination du gouvernement et de l'armée, les fonds envoyés par des gouvernements étrangers pour financer le développement et les dépenses militaires étant fouronis en retour du soutien du gouvernement à la "guerre au terrorisme". L'insurrection communiste, qui se poursuit depuis longtemps déjà, sert de prétexte au gouvernement pour sévir contre tous les groupes et les individus qui veulent prendre le parti des pauvres. 

3. Depuis 2001, plus de 740 personnes qui ont agi pour les pauvres et à leurs côtés ont été victimes d'exécutions extrajudiciaires aux Philippines. On compte parmi elles des journalistes, des avocats, des responsables d'organisations populaires, des défenseurs des droits de l'homme et du personnel des Eglises. Ces exécutions se sont intensifiées depuis 2004. Vingt et une personnes travaillant pour les Eglises, dont 9 pasteurs et prêtres, ont été tuées depuis 2001. La plupart de ces assassinats sont commis par des inconnus qui tirent à partir de voitures ou de motos banalisées. Des groupes paramilitaires équipés par l'armée, voire des militaires et des policiers, sont impliqués dans ces exécutions. Si de rares suspects ont été brièvement détenus, aucune mise en examen n'a encore été prononcée en relation avec ces exécutions et aucun de ces cas n'a encore été résolu. Le gouvernement laisse commettre ces crimes dans l'impunité, manquant ainsi à ses obligations constitutionnelles de protéger la vie des citoyens et de faire respecter la légalité. 

4. En 2005, le Conseil national des Eglises des Philippines a invité le Conseil oecuménique des Eglises et la Conférence chrétienne d'Asie à envoyer une délégation de responsables d'Eglises pour examiner la situation. Treize personnes venues de dix pays se sont rendues dans les régions des Visayas orientales, de Luzon et de Mindanão, où elles ont rencontré des familles de victimes, des groupes actifs dans le domaine des droits humains, des responsables d'Eglises et des représentants du gouvernement. Cette délégation a formulé notamment les recommandations suivantes:

  • effectuer une enquête immédiate et impartiale au sujet de toutes les exécutions extrajudiciaires récentes;

  • revoir la stratégie militaire du gouvernement à l'égard des rebelles pour assurer la sécurité des non-combattants et éviter la destruction aveugle des biens;

  • reprendre les négociations de paix entre le gouvernement de la République des Philippines et le Front démocratique national, qui sont parvenues au point mort;

  • affirmer la suprématie du pouvoir civil sur l'armée, qui doit être tenue responsable de ses actes et respecter le droit humanitaire international;

  • faire avancer la réforme agraire et celle des droits fonciers, afin d'assurer la sauvegarde de la création et le respect des terres ancestrales des populations autochtones;

  • réformer le système judiciaire pour garantir son indépendance et son intégrité;

  • mettre fin à l'habitude du gouvernement et de l'armée de taxer de communistes ou de rebelles ceux qui oeuvrent en faveur de la justice et défendent la cause des pauvres. 

5. Au cours des 12 derniers mois, la situation a empiré considérablement, au point qu'un jour sur deux est marqué par une exécution extrajudiciaire. Le gouvernement a renforcé sa campagne militaire contre les insurgés, ce qui s'est traduit par un nombre accru de morts de « civils ». La militarisation des Philippines s'aggrave, tout comme la crainte de la population. 

6. Bien que le gouvernement philippin ait annoncé récemment la création d'une Commission d'enquête sur les exécutions extrajudiciaires, les Eglises du pays ne sont pas vraiment convaincues du sérieux de cette mesure. Elles souhaiteraient une enquête indépendante plutôt qu'effectuée par des personnes désignées par le gouvernement. Elles proposent donc qu'on confie cette tâche à un groupe de personnes jouissant de l'estime générale et issues de divers milieux : responsables d'Eglises, universitaires, avocats, parlementaires et responsables d'associations paysannes et ouvrières. 

7. Le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006, 

a) condamne les exécutions extrajudiciaires commises aux Philippines; 

b) exprime ses condoléances aux familles des victimes, notamment à celles des collaborateurs des Eglises, des pasteurs et des prêtres tués depuis 2001;

c) soutient les Eglises philippines et le Conseil national des Eglises des Philippines dans leur lutte courageuse aux côtés des pauvres et en leur faveur, face à une opposition violente; 

d) remercie les Eglises et conseils d'Eglises d'autres régions - en particulier le Japon, le Canada, les Etats-Unis et l'Australie - qui manifestent leur solidarité avec les Eglises des Philippines; 

e) assure les Eglises philippines et le Conseil national des Eglises des Philippines de la solidarité et du soutien constants du Conseil oecuménique des Eglises dans leur courageux témoignage de l'Evangile de Jésus Christ face à une opposition violente; 

f) conteste la notion de guerre mondiale contre le terrorisme lorsqu'elle sert de prétexte aux violations des droits humains aux Philippines; 

g) appelle le gouvernement des Philippines à

  • dissoudre les « escadrons de la mort », les milices privées et les forces paramilitaires qui agissent en dehors des structures de commandement officielles;

  • poursuivre tous les membres de l'armée impliqués dans les exécutions extrajudiciaires;

  • donner l'ordre à l'armée de cesser de qualifier les Eglises et leur personnel d'« ennemis de l'Etat » 

  • mettre fin à la politique de sécurité intérieure consistant à ne pas faire de distinction entre les combattants et les non-combattants dans le cadre de la lutte contre l'insurrection;

  • créer une Commission d'enquête sur les exécutions extrajudiciaires qui soit pleinement indépendante;

  • inviter le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires à se rendre aux Philippines; 

h) demande au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et au Bureau de la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme de se préoccuper de la question des exécutions extrajudiciaires aux Philippines.

Le Comité central adopte la déclaration suivante sur la guerre au Liban et dans le nord d'Israël et sur l'action oecuménique pour la paix au Moyen-Orient.  

Déclaration sur la guerre au Liban et dans le nord d'Israël et sur l'action oecuménique pour la paix au Moyen-Orient 

Le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006, 

1. exprime son indignation et sa peine profonde devant les souffrances et les pertes en vies humaines infligées aux personnes dans l'ensemble du Liban et dans les régions voisines d'Israël au cours de la guerre récente; 

2. déplore le fait que ce conflit qui était éminemment évitable ait fait un usage illégal et disproportionné de la force armée et qu'il ait été prolongé par l'incapacité des autorités au plus haut niveau de la communauté internationale à y mettre fin; 

3. rappele les avertissements des Eglises qui, dès le début, ont insisté sur la nécessité impérative d'un cessez-le-feu immédiat, et demandé que toutes les parties remplissent leurs obligations en vertu du droit international, y compris la responsabilité de protéger les civils, que tous les détenus soient libérés ou bénéficient d'un procès équitable, et qu'Israël lève le blocus imposé au Liban (COE, secrétaire général, 13 juillet 2006), et observe qu'aucun de ces objectifs soutenus par un large public n'a été atteint rapidement, ni en totalité; 

4. réaffirme que les Eglises doivent venir en aide aux personnes touchées par la guerre et entreprendre des actions spécifiques de plaidoyer afin de mettre fin au conflit (COE, lettre pastorale aux Eglises membres, 21 juillet 2006); 

5. note l'appel public adressé aux grandes nations afin qu'elles mettent fin à la paralysie du Conseil de sécurité des Nations Unies, à tout ce qui sape la Charte des Nations Unies et à toute connivence avec la violence disproportionnée qui s'est abattue sur le Liban (secrétaire général du COE, 3 août 2006); 

6. répète qu'il est nécessaire que toutes les parties mettent fin à la violence, et que les Etats-Unis, l'Union européenne et les Etats arabes exercent leur influence en vue d'un cessez-le-feu durable, puis qu'on travaille à une paix durable (appel conjoint COE, FLM,  ARM, 8 août 2006);  

7. réitère l'appel aux cinq Etats membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies à appliquer enfin les résolutions déjà anciennes du Conseil concernant le Liban, Israël et les Territoires palestiniens occupés, parce que « des failles faites d'instabilité traversent l'ensemble de la région » et qu'il n'est « plus crédible d'agir comme si des plans fragmentaires et unilatéraux pouvaient fonctionner de manière isolée » (COE, secrétaire général, 21 juillet 2006); 

8. considère la réalité de cette guerre : outre les combattants de part et d'autre, 43 civils tués en Israël et plus de 1100 au Liban, dont un tiers d'enfants, plus de 4400 blessés civils et des dizaines de milliers de logements détruits, pour la plus grande part au Liban ; attaques de la milice du Hezbollah contre des zones peuplées par des civils dans le nord d'Israël, faisant des morts et des blessés et causant des destructions ; peur généralisée et traumatismes chez les non-combattants ; autres conséquences graves au Liban, notamment un million de personnes déplacées, des douzaines de ponts, de routes et de pistes d'atterrissage endommagés, destruction des infrastructures de l'approvisionnement en combustible, en eau et en électricité;

9. constate avec inquiétude les violations du droit international des conflits armés par les combattants de cette guerre, l'incapacité de la communauté internationale à assurer la protection des civils et un usage proportionné de la force, l'usage considérable par l'armée israélienne de munitions à fragmentation dans le sud du Liban, en particulier lorsque le cessez-le-feu était sur le point d'entrer en vigueur, laissant des dizaines de milliers de sous-munitions non explosées et rendant très dangereux le retour des civils, et l'érosion du droit international humanitaire et des droits de l'homme par les dénégations constantes concernant la perpétration d'actes illégaux et immoraux; 

10. s'engage à répondre au message des Eglises de Beyrouth et de Jérusalem transmis par la délégation oecuménique, qui leur a rendu visite pendant la guerre, aux Eglises soeurs du monde entier : « Ne vous contentez pas de prier ! Agissez ! » (COE, Conférence des Eglises européennes, Fédération luthérienne mondiale, Alliance réformée mondiale, 16 août 2006);  

11. est conscient que les Eglises, d'autres groupes de la société civile et un certain nombre de gouvernements désirent ardemment qu'un nouvel engagement de la communauté internationale se manifeste en faveur de la résolution pacifique et équitable du conflit au Liban et de ceux qui lui sont liés au Moyen-Orient. Nous partageons cet espoir et nous nous engageons à lancer pour notre part une nouvelle nitiative.

En conséquence, le Comité central du COE

a) appelle à un cessez-le-feu durable et inconditionnel et à la levée du blocus du Liban; 

b) recommande aux Eglises de soutenir l'appel d'ACT International en faveur du Liban et félicite tous ceux qui viennent en aide aux victimes de la guerre, les Nations Unies, Human Rights Watch et Amnesty International, pour l'observation des violations du droit international pendant le conflit, ainsi que le gouvernement suédois pour avoir accueilli une réunion de donateurs pour le Liban et les Territoires palestiniens occupés; 

c) prie instamment les Nations Unies de lancer une enquête internationale sur les violations du droit international, y compris d'éventuels crimes de guerre, et sur les livraisons d'armes utilisées en violation des droits de l'homme durant le conflit récent entre le Liban et Israël; 

d) appelle les gouvernements qui ont fourni des armes aux combattants à suspendre les livraisons d'armes et de matériel analogue à Israël et au Hezbollah en attendant les conclusions de cette enquête, et les milieux qui ont utilisé des munitions à fragmentation au Liban à fournir des informations détaillées sur les lieux où ces munitions ont été utilisées, leur quantité et leur type;  

e) insiste sur la nécessité de libérer tous les détenus ou de les faire juger selon les procédures légales et conformément aux normes internationales, au Liban, en Israël et dans les Territoires occupés; 

f) appelle le Conseil de sécurité des Nations Unies à mettre en oeuvre ses résolutions déjà anciennes concernant la paix au Liban, en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés, demandant notamment qu'il soit mis fin à l'occupation illégale, vieille de 39 ans, qui est au centre des violentes troubles dans la région; 

g) approuve la proposition visant à créer un forum oecuménique Palestine/Israël sous les auspices du COE, pierre angulaire d'une initiative oecuménique globale d'intervention en faveur du Moyen-Orient, et invite les organes directeurs du COE, les Eglises membres et les partenaires oecuméniques à investir énergie et ressources dans ces projets. Le forum pourrait rassembler et coordonner des actions anciennes et nouvelles des Eglises en faveur de la paix, et viser à ce qu'il soit mis fin à l'occupation illégale conformément aux résolutionsde l'ONU; interdisciplinaire dans ses délibérations et sa pratique, il manifesterait son engagement en faveur de l'action interreligieuse pour la paix et la justice au service de tous les peuples de la région. 

12. Puissions-nous ensemble répondre aux espoirs des communautés et des Eglises qui souffrent. Puissions-nous ensemble témoigner de l'amour constant de Dieu pour tous. Puisse une communauté oecuménique, unie dans la prière et dans l'action, apporter une contribution nouvelle et substantielle à la paix dans la justice au Moyen-Orient. 

Le Comité central adopte la déclaration suivante sur le conflit à Sri Lanka. 

Déclaration sur le conflit à Sri Lanka 

1. Au cours du dernier quart de siècle, le conflit à Sri Lanka a coûté la vie à des milliers de personnes de part et d'autre de la frontière ethnique. Des milliers de réfugiés ont cherché asile à l'étranger tandis que plus nombreuses encore sont les personnes déplacées à l'intérieur du pays. La population civile a enduré de terribles épreuves en raison d'exécutions sommaires, de tortures, de détentions illégales, de l'embargo sur les produits essentiels, de l'enrôlement forcé d'enfants, etc.  

2. Un accord de cessez-le-feu a été signé en février 2002, grâce à la médiation du gouvernement norvégien. La Mission d'observation à Sri Lanka (Sri Lanka Monitoring Mission), composée de représentants des pays nordiques, a été désignée pour contrôler l'application de l'accord de cessez-le-feu.  

3. Depuis avril 2006, c'est l'échec progressif de cet accord de cessez-le-feu. Des combats violents ont éclaté, entraînant le déplacement de 200 000 personnes appartenant aux communautés tamoule, musulmane et cinghalaise. La population civile de la péninsule de Jaffna, au nord, n'est pas en mesure de gagner des régions plus sûres, en raison de la prolongation des couvre-feux. Il y a une grave pénurie de nourriture et d'autres produits essentiels, et des milliers de civils, désemparés, se voient pris dans de violentes actions militaires. Près d'un millier de personnes ont perdu la vie, beaucoup d'autres ont été blessées. Ce sont des civils innocents, appartenant à toutes les communautés, qui ont le plus souffert. En outre, des travailleurs humanitaires ont été tués, ce qui restreint sérieusement les possibilités des Eglises et autres agences humanitaires de répondre à la crise et de poursuivre la reconstruction, indispensable à la suite du tsunami de décembre 2004. 

4. Les Eglises de Sri Lanka ont soutenu le processus de paix avec prudence et esprit critique, notamment par des efforts de coopération interreligieuse pour mobiliser les gens en faveur de la paix et de la réconciliation nationale. Dans une lettre pastorale en date du 18 août 2006, les dirigeants ecclésiastiques ont appelé les Eglises « à rester en étroit contact avec d'autres groupes chrétiens et avec des croyants d'autres religions, de manière à susciter confiance et amitié dans la société » en ce temps où la souffrance et l'angoisse habitent les coeurs. 

5. C'est pourquoi le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006,   

a) exprime sa profonde préoccupation au sujet du fossé de plus en plus large qui se creuse entre les communautés cinghalaise, tamoule et musulmane, et de l'escalade funeste de violence armée entre les forces de sécurité gouvernementales de Sri Lanka, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul et les activités des groupes paramilitaires; 

b) est consterné par l'échec du processus de paix et de l'accord de cessez-le-feu qui avait été obtenu après des années de difficiles négociations grâce à la médiation et à l'engagement de nombreux gouvernements, dont le gouvernement norvégien; 

c) déplore les actions militaires et les attentats suicides qui frappent souvent des civils innocents, parmi lesquels des femmes et des enfants; 

d) condamne l'intensification et l'escalade de la violence armée entre les parties à ce conflit qui provoquent une incroyable misère et la souffrance de la population dans de nombreux endroits de l'île, notamment dans les provinces du Nord et de l'Est;  

e) demande au gouvernement de Sri Lanka et aux Tigres de Libération de l'Eelam tamoul de respecter les termes et les conditions de l'accord de cessez-le-feu, de mettre immédiatement fin aux hostilités et de reprendre sans délai les négociations de paix; 

f) demande également à la communauté internationale d'exercer son influence sur les parties au conflit pour qu'elles engagent immédiatement des négociations de paix et mettent un terme à l'actuelle vague de violence; 

g) demande instamment à la communauté oecuménique de prier sans relâche pour la population et les Eglises de Sri Lanka et d'accompagner les Eglises soeurs de ce pays, associées aux adeptes d'autres religions, dans l'intensification de leurs efforts en vue du rétablissement de la paix et de l'intégration communautaire de ce pays déchiré par la guerre.

Le Comité central adopte la note suivante sur le Soudan.

 

Note sur le Soudan 

1. Le Conseil oecuménique des Eglises continue à être préoccupé et attristé par les atrocités qui se poursuivent dans la région du Darfour au Soudan. En mai 2006, le Comité exécutif du COE a publié une Déclaration sur le Soudan dans laquelle il exprimait sa préoccupation, affirmait son espoir à la suite de l'accord de paix signé en mai 2006 et apportait son soutien à la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies de mai 2006, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, qui prévoyait « la création d'une force de maintien de la paix dans la région ». 

2. Le COE déplore les atrocités qui se poursuivent malgré la signature de l'accord de paix, et notamment plusieurs incidents qui semblent indiquer que certains signataires de l'accord de paix de mai 2006 n'ont pas respecté des dispositions importantes de celui-ci. 

3. Le 31 août 2006, le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé la Résolution 1706 par 12 voix sans opposition. Celle-ci autorise le déploiement d'un contingent de maintien de la paix de 17 500 soldats de l'ONU, accompagné de plus de 3000 membres de la police civile de l'ONU. En outre, la Résolution 1706 vise à assurer le transport et la mise en place de toute l'aide humanitaire requise pour soulager les souffrances de la population du Darfour. 

4. Cette même Résolution 1706 invite le gouvernement du Soudan à accepter le déploiement des forces de l'ONU, afin de faciliter la résolution pacifique de ce long conflit et de mettre fin aux tragédies qu'il a causées. Dans un premier temps, le gouvernement du Soudan a manifesté son désaccord. Néanmoins, le COE le prie instamment d'accepter cette Résolution, de remplir les engagements qui sont les siens aux termes de l'Accord de paix et de mettre fin aux souffrances de la population. 

5. En conséquence, le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006, 

a) prie le COE d'appeler le gouvernement du Soudan à accepter les résolutions des Nations Unies, ainsi que l'accord global de paix, conformément à sa responsabilité de protéger la population du pays; 

b) prie le Secrétariat général du COE, d'entente avec les Eglises du Soudan, de considérer la possibilité d'organiser la visite d'une délégation de haut niveau composée de représentants d'Eglises et de membres de la communauté islamique, qui rencontrerait au Soudan des représentants du gouvernement ainsi que des représentants de la région du Darfour, pour souligner la nécessité d'accepter cette Résolution et de proposer, sous quelque forme que ce soit, leur aide en vue du règlement pacifique de ce conflit; 

c) demande au personnel d'examiner si l'utilisation du terme de « génocide » en rapport avec la crise du Darfour est appropriée, à la lumière des conventions internes admises dans ce domaine, et de conseiller les Eglises sur ce sujet.

Le Comité central adopte la note suivante sur le Kosovo.

 

Note sur le Kosovo 

1. La communauté internationale est en train de délibérer sur le futur statut du Kosovo, et ses travaux devraient être terminés d'ici fin 2006. Le Kosovo ne peut continuer à survivre dans la situation indéterminée qui est la sienne. Il faut être réaliste : la mise en place d'un Kosovo multi-ethnique et multireligieux doit commencer par la coexistence pacifique. 

2. Toutes les personnes dont le Kosovo est la patrie doivent avoir la possibilité d'y revenir et d'obtenir le droit d'y habiter, et toutes doivent réapprendre à vivre côte à côte dans la paix et la bonne intelligence entre voisins. Une fois que les habitants se seront accoutumés à la présence des uns et des autres, ils devront commencer à s'intégrer dans tous les domaines de l'existence, et cela notamment dans les villes qui, à l'heure actuelle, sont presque entièrement mono-ethniques et monoreligieuses. On pourra ainsi jeter les bases d'une société multi-ethnique et multireligieux. 

3. Dans cette perspective, la communauté internationale peut accomplir des efforts soutenus en vue de la réalisation d'une paix durable et juste et garantir la liberté et la tolérance dans un Kosovo réellement multi-ethnique et multireligieux. 

4. A cette fin, nous soutenons les efforts des responsables et des représentants haut placés de l'Eglise orthodoxe serbe, de la communauté islamique du Kosovo, de l'Eglise catholique romaine, de l'Eglise protestante évangélique et de la communauté juive qui se sont réunis les 2 et 3 mai 2006 dans le monastère historique du Patriarcat de Pec pour une conférence interreligieuse sur la coexistence pacifique et le dialogue. Cette conférence, tenue sur l'initiative de personnalités religieuses du Kosovo, était accueillie par l'Eglise orthodoxe serbe, organisée et parrainée par Norwegian Church Aid, et accompagnée et coprésidée par la Conférence mondiale des religions pour la paix.

5. Dans ce contexte, le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 30 août au 6 septembre 2006, 

a) encourage les dirigeants religieux du Kosovo à continuer à travailler en vue de la réconciliation aofin de favoriser la guérison d'une communauté déchirée par la violence, la haine et les conflits d'y encourager des relations harmonieuses, et à demander à toutes les autoriés compétentes de soutenir les efforts de réconciliation; 

b) engage le COE à continuer de suivre de près, avec la collaboration de la Conférence des Eglises européennes (KEK), la situation concernant le respect des droits humains et de la liberté religieuse, notamment pour les minorités religieuses, ainsi que la sauvegarde du patrimoine culturel et religieux du Kosovo ; dans ce contexte, le COE et la KEK tiendront les Eglises membres au courant de l'évolution de la situation et exprimeront leur soutien à la réconciliation.