Introduction

Ainsi que le souligne l'auteur de l'épître aux Ephésiens, Christ est venu détruire les "murs de séparation" (cf. Ep 2,14). Lorsque nous réfléchissons à l'attitude qu'il convient d'adopter face aux problèmes du handicap, il convient de nous rappeler les murs que nous avons édifiés. Tous ces murs sont typiquement humains, et pourtant ils sont en contradiction avec le ministère de réconciliation du Christ - des murs qui isolent les gens, à l'extérieur ou à l'intérieur, des murs qui empêchent les gens de se rencontrer et de parler à d'autres. Autrefois, les personnes handicapées étaient effectivement enfermées dans des institutions. Désormais, nous faisons tous partie de la société "ordinaire". On estime à quelque 600 millions le nombre de personnes handicapées dans le monde. Pourtant, l'isolement, cela existe encore - surtout pour les personnes handicapées. Aujourd'hui, les "murs de séparation" sont faits de honte, de préjugés, de haine, de concurrence, de crainte, d'ignorance, de préjugés théologiques et d'incompréhension culturelle. L'Eglise est appelée à être une communauté inclusive, à abattre tous ces murs de séparation. Cette déclaration provisoire est une invitation à oeuvrer de façon à traduire cette conviction dans les faits. Elle a été rédigée par des personnes handicapées ainsi que par des parents de personnes handicapées et des personnes qui accompagnent les personnes handicapées d'une manière ou d'une autre.

Au cours de l'histoire, le handicap a été considéré comme une perte, comme quelque chose qui illustre la tragédie de la condition humaine. Traditionnellement, on a interprété comme des actes de libération les récits évangéliques racontant comment Jésus avait guéri des personnes affligées de maladies et handicaps divers : des êtres humains recevaient la possibilité de vivre une vie plus riche. Depuis lors, les Eglises ont souvent été confrontées à la question de savoir quelle était la meilleure méthode pour exercer un ministère auprès des personnes handicapées, à leur intention et avec elles.

Le mouvement oecuménique a lui aussi été confronté à la nécessité de s'intéresser à ce thème. Après la Quatrième Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises, en 1968, le thème "L'unité de l'Eglise et le renouveau de l'humanité" est apparu comme un moyen de faire le lien entre les problèmes de l'Eglise et ceux de la société. Pendant cette assemblée et par la suite, on s'est employé plus activement à rechercher comment l'Eglise pourrait être une communauté plus inclusive. La volonté de s'intéresser à l'inclusion des personnes handicapées dans l'Eglise s'est notamment exprimée au sein de la Commission de foi et constitution et s'est imposée lors de la réunion de celle-ci à Louvain en 1971. La première expression de cet intérêt fut la tentative de considérer, d'un point de vue théologique, l'idée d'un service conçu à l'intention des personnes handicapées, à la lumière de la compassion du Christ.

Par la suite, cette réflexion théologique sur le handicap et les personnes handicapées s'est traduite en questions pratiques et concrètes liées à l'inclusivité dans les Eglises et les communautés ecclésiales. Cependant, trop souvent, il est apparu que cette réflexion et cette action, au sein des Eglises, concernant les personnes "ayant un handicap", "dotées de capacités différentes", ou "affectées d'une incapacité" (de nombreux termes furent successivement utilisés pour refléter le souci d'inclusivité, chacun venant remplacer l'autre) tendaient à faire de ces personnes des objets plutôt que des sujets de réflexion. La création du Réseau oecuménique de défense des personnes handicapées (Ecumenical Disabilities Advocacy Network - EDAN), fondé à l'occasion de l'Assemblée du COE de 1998, et son inclusion dans les structures du COE, au sein de l'équipe "Justice, paix et création" (JPC), ont ainsi été des signes d'espoir dans le processus de conscientisation des Eglises et des institutions chrétiennes : en effet, désormais, les personnes handicapées sont elles-mêmes les sujets - ou acteurs - de la réflexion ou de l'action. Le réseau EDAN est présent dans les huit régions du monde ; c'est un réseau qui permet aux personnes handicapées de se rencontrer et de se soutenir mutuellement lorsqu'il s'agit de traiter de certaines questions qui les touchent ou de résoudre des problèmes spécifiques dans leurs contextes respectifs.

Cependant, dans certaines Eglises, beaucoup sont de plus en plus convaincus que les personnes handicapées invitent l'Eglise à donner une interprétation nouvelle de l'Evangile et de la nature de l'Eglise. Cette perspective s'est exprimée dans une première déclaration provisoire formulée en 1997, lors de la session du Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, qui essayait de faire une analyse théologique du problème et appelait les Eglises à être des communautés plus inclusives. La présente Déclaration provisoire, réalisée avec la participation de la Commission de foi et constitution, ne constitue donc qu'une simple étape supplémentaire d'un processus permanent. Elle ne prétend pas être exhaustive mais vise surtout à attirer l'attention sur certaines questions théologiques fondamentales et à donner quelques orientations. Nous espérons que cette déclaration incitera également les Eglises à participer activement à la discussion sur le handicap et les personnes handicapées et qu'elle les aidera à s'intéresser de plus près aux problèmes de l'inclusion, de la participation active et entière à la vie spirituelle et sociale de l'Eglise en particulier et de la société en général.

Les personnes handicapées - Points communs et différences

1. Les "handicapés" se sont longuement battus pour être reconnus comme des "personnes handicapées". Ce combat en valait la peine, et cela pour deux raisons. En premier lieu, tout au long de l'histoire, la personne handicapée a été en quelques sorte privée de personnalité, "dépersonnalisée" : elle ne constituait qu'un problème dont il fallait s'occuper. En second lieu, les personnes handicapées sont souvent considérées comme un groupe homogène dont il n'apparaît pas nécessaire de respecter les différences individuelles. La présente section est consacrée à ce que nous sommes, à ce qu'est notre expérience commune. Ce que nous voulons faire ici, c'est souligner que, à l'instar de tous les groupes qui constituent la société, notre groupe est constitué de personnes très diverses, avec chacune son expérience propre. Nous voulons également envisager une sorte de cadre général qui permettrait aux personnes handicapées et aux Eglises de trouver un point de départ commun, à partir duquel il serait possible d'entamer cet examen.

2. Il est probable que chacun de nous s'est un jour heurté à des limites - dans la manière dont nous nous déplaçons, dont nous ressentons les choses, dont nous pensons et dont nous percevons le monde. En raison de nos handicaps et des limites qu'ils nous imposent, les attitudes et les comportements de la société ainsi que les obstacles qu'elle nous crée font que nous sommes marginalisés. Dans de nombreuses sociétés, les personnes handicapées se sont organisées pour créer de puissants groupes de pression qui luttent contre une telle marginalisation et pour les droits des personnes handicapées et leur indépendance, même vis-à-vis des assistants familiaux. Pourtant, l'une des tâches les plus difficiles auxquelles sont confrontés beaucoup d'assistants familiaux consiste à faire entendre la voix des sans-voix lorsque leur handicap est si grave et multiple qu'on ne peut comprendre leur silence que dans la profondeur de la relation d'amour qui les unit à ceux qui s'occupent d'eux.

3. La société moderne s'accompagne de nombreux risques et dangers qui, manifestement, rendent l'humanité dans son ensemble responsable des blessures causées, par exemple, par des mines antipersonnel et l'abus de certaines substances ; cependant, dans de nombreux cas, la cause du handicap reste inexplicable.

4. La plupart des personnes handicapées sont économiquement défavorisées et leur niveau de vie ou les possibilités d'emploi qui leur sont offertes sont souvent, d'une manière ou d'une autre, limités. En outre, les assistants familiaux doivent faire des sacrifices considérables : les exigences en temps et en ressources auxquelles ils sont soumis limitent leur capacité à entreprendre d'autres activités ou à poursuivre une carrière professionnelle. Pourtant, à vouloir protester globalement contre les privations économiques dont souffrent les personnes handicapées et leurs assistants familiaux, on sous-estime grossièrement la relativité de la pauvreté d'une société à l'autre et d'un pays à l'autre. Il convient de ne pas oublier la disparité entre la situation matérielle d'une personne handicapée dans un pays du "Nord" économique et celle d'une personne non handicapée dans le "Sud" économique : la première peut être plus "riche" que la seconde. Ces facteurs représentent le lien existentiel et la réalité à laquelle sont aujourd'hui confrontées, dans leur très grande majorité, les personnes handicapées et leurs familles.

5. Le handicap ne fait pas que placer une personne dans une situation économique défavorisée ; il peut aussi être cause de pauvreté dans les relations non seulement personnelles mais aussi professionnelles. Les personnes handicapées sont souvent victimes de certaines tendances sociales à la discrimination : l'économie de marché encourage l'avortement et l'idée de laisser mourir des bébés. Dans de nombreux pays, l'avortement systématique pratiqué pour les foetus présentant certaines malformations ou le syndrome de Downs donne une image très négative de l'attitude de la société face au handicap. En outre, cette économie de marché mène à l'institutionnalisation et à la réduction des possibilités d'accès à des soins médicaux appropriés pour la majorité de la population mondiale. Les personnes handicapées deviennent une proie facile pour des opérations commerciales ainsi que pour des groupes religieux qui proposent des guérisons miraculeuses dans le cadre d'une acceptation et d'une amitié superficielles.

6. Aucun groupe social n'est totalement homogène, et les personnes handicapées ne font pas exception à la règle. Nous sommes originaires de cultures très diverses et chacun de nous a une expérience différente des soins médicaux et des comportements de la société. Pour en arriver à accepter nos handicaps respectifs, chacun de nous a suivi un cheminement différent. Certains d'entre nous sont handicapés de naissance, en raison soit d'une tare congénitale, soit d'une naissance difficile ; d'autres ne le sont devenus que plus tard, soit à la suite d'un accident, soit dans d'autres circonstances. Chacun de nous a eu du mal à accepter son handicap, et ce processus a été parfois gêné, parfois favorisé par la qualité des soins médicaux, par l'éducation que nous avons reçue ou encore par l'attitude de certaines personnes qui ont exercé une influence sur notre vie physique ou spirituelle. Nous avons été soutenus par les liens créés par différentes cultures associées à un handicap particulier, par exemple par une langue gestuelle unique ou par une conception politique particulière de notre statut minoritaire. Nous voulons affirmer que nos différences sont des parties constitutives de la richesse du groupe des personnes handicapées en général et que nous nous en réjouissons.

7. Les personnes handicapées qui ont en commun la foi chrétienne sont unies par le fait qu'elles ont conscience de l'amour de Dieu et de la compassion de Jésus pour les personnes malades et handicapées, et, pour elles, cette sollicitude du Christ une source de force. Cependant, nombreux sont ceux d'entre nous qui considèrent que l'enseignement de l'Eglise sur cette vérité a été trop limité et qui cherchent à approfondir leur propre interprétation. La manière dont les personnes handicapées acceptent leur handicap est fonction de leur espérance de vie et de leur expérience religieuse personnelle. Elles emploient différents outils théologiques pour satisfaire leur besoin existentiel de comprendre le mystère et le paradoxe de l'amour et de la souffrance, qui coexistent dans leur vie et qui lui donnent son sens.

8. Nous affirmons que Dieu aime toutes les personnes handicapées et qu'il leur offre à toutes la possibilité de répondre à cet amour. Nous croyons que chaque personne handicapée a la possibilité de trouver la paix avec Dieu.

9. Genèse 32, 25-27

25 Et Jacob resta seul. Un homme se roula avec lui dans la poussière jusqu'au lever de l'aurore. 26 Il vit qu'il ne pouvait l'emporter sur lui, il heurta Jacob à la courbe du fémur qui se déboîta alors qu'il roulait avec lui dans la poussière. 27 Il lui dit : "Laisse-moi car l'aurore s'est levée." - "Je ne te laisserai pas, répondit-il, que tu ne m'aies béni."

10. Lorsque nous luttons avec Dieu, nous, les personnes handicapées, nous posons toujours les mêmes questions fondamentales, mais l'interrogation théologique qu'implique un tel combat peut être complexe. Pourquoi moi ou telle personne que j'aime ? Mon handicap a-t-il un sens ? Les réponses à ces questions peuvent varier en fonction de l'espérance de vie qui accompagne un handicap particulier ainsi que du moment et des circonstances de son apparition. On acceptera plus ou moins un handicap en fonction de la connaissance qu'on a de l'espérance de vie qui l'accompagne et de la qualité de vie que l'on peut espérer.

11. Pour atteindre à cette paix, nous avons lutté avec Dieu, intellectuellement et physiquement, et si certains d'entre nous ont été capables de faire une analyse rationnelle de cette paix, d'autres l'ont manifestée par le don inné d'une grâce qui se manifeste dans l'amour et l'affection dont ils font preuve à l'égard de ceux auxquels ils sont si profondément attachés. Si tant de personnes handicapées ont cette capacité à "faire la paix" avec Dieu, il faut bien que l'Eglise trouve des moyens d'accepter les dons que nous avons à offrir. Il ne s'agit pas de se rencontrer à mi-chemin, mais d'être acceptés à part entière.

Problèmes herméneutiques

12. Comment interpréter dans une perspective théologique le fait que certaines personnes vivent avec un handicap ? Qu'est-ce que ce fait nous enseigne sur la vie humaine dans le monde de Dieu ? La philosophie et la théologie du xxe siècle nous ont appris que nous sommes des êtres historiques, et nos interprétations s'inscrivent toujours dans un cadre historique. Nos interprétations de la réalité sont toujours limitées parce que nous sommes des êtres limités. Lorsque nous entreprenons de donner une interprétation théologique du fait que constituent les handicaps, il nous faut admettre que l'histoire a changé et changera encore la manière dont nous interprétons ce fait. Et, lorsque nous parlons d'"histoire", cela peut être l'histoire personnelle d'un individu, mais aussi l'évolution des conceptions de la communauté dans laquelle vivent les personnes handicapées.

13. Ainsi que nous l'avons dit précédemment, au cours de l'histoire, le handicap a été interprété comme une perte, comme un exemple des drames que peut connaître la personne humaine. Traditionnellement, les récits évangéliques qui nous racontent comment Jésus a guéri des personnes souffrant de différentes maladies et infirmités ont été interprétés comme des illustrations de la manière dont les hommes sont libérés et reçoivent la force de vivre une vie plus riche.

14. Selon cette conception, les personnes handicapées sont considérées comme des êtres faibles, qui ont besoin qu'on s'occupe d'elles. En ce sens, elles sont considérées comme des objets de charité, des personnes qui reçoivent ce que d'autres personnes leur donnent. Lorsqu'elles sont ainsi considérées, il ne peut y avoir de rencontre sur pied d'égalité, dans les Eglises, entre les personnes handicapées et les autres. Celles-ci considèrent celles-là, en quelque sorte, comme n'étant pas pleinement humaines.

15. Pour justifier ce point de vue, l'Eglise a avancé différents arguments théologiques. Par exemple, le handicap a été considéré comme un châtiment pour des péchés commis soit par les personnes handicapées elles-mêmes, soit par leurs parents ou leurs ancêtres. Ou encore, le handicap a été interprété comme le signe d'un manque de foi, qui empêche Dieu de faire un miracle et de guérir la personne. Ou bien encore, le handicap a été considéré comme un signe d'une activité du démon, auquel cas il fallait recourir à l'exorcisme pour faire disparaître le handicap. De telles interprétations ont eu pour conséquence que, dans les Eglises, les personnes handicapées ont été victimes d'oppression. A cet égard, les attitudes adoptées par les Eglises ne faisaient que refléter les attitudes de la société dans son ensemble. Les structures d'oppression existant dans les sociétés et les Eglises se sont mutuellement renforcées.

16. Lorsque sont apparues, dans la société, de nouvelles manières de considérer le handicap, de nouvelles conceptions théologiques pour saisir ce problème sont également apparues dans les Eglises et dans le mouvement oecuménique. Mais, ici, ce ne sont pas les Eglises qui ont montré le chemin. Même si une telle approche a pu s'inspirer de textes bibliques, il ne s'est pas élevé de voix prophétique pour condamner cette oppression. Au contraire, ce sont plutôt les Eglises qui, en général, ont suivi les voies tracées par la société - et souvent, d'ailleurs, avec une certaine mauvaise volonté. Les structures conservatrices des Eglises, souvent associées à ses institutions charitables, ont imposé des manières désuètes d'interpréter le handicap. Partout dans le monde survivent des conceptions théologiques telles que celle qui établit un lien entre le handicap et un châtiment divin pour les péchés, et une "pastorale" particulière s'adressait aux personnes handicapées en relation avec les causes présumées du "châtiment" qu'elles subissaient.

17. Lorsque de nouvelles façons de percevoir le handicap se font jour dans la société, elles remettent en cause les interprétations théologiques traditionnelles. Dans certaines Eglises, cela a amené certaines personnes à mieux prendre conscience du fait que les personnes handicapées n'étaient pas considérées comme égales aux autres. Dans de nombreuses Eglises, on a alors commencé à se rendre compte que les manières traditionnelles de traiter les personnes handicapées étaient opprimantes et discriminatoires et, dès lors, on a essayé de passer d'actions inspirées par la "charité" à la reconnaissance de leurs droits humains. Cette évolution des attitudes a suscité de nouvelles interrogations et interprétations. On s'est progressivement rendu compte que les personnes handicapées avaient une expérience qui pouvait enrichir les Eglises elles-mêmes. Poursuivant l'objectif de l'unité et de l'inclusion, certains en sont venus à affirmer que les personnes handicapées devaient être incluses dans la vie et le témoignage des Eglises. Bien souvent, une telle affirmation s'est appuyée sur ce qui est dit de la faiblesse dans le Nouveau Testament, et notamment dans les deux épîtres aux Corinthiens.

18. Mais cette conception elle-même a été remise en question. Le handicap est-il véritablement quelque chose qui manifeste les faiblesses de la vie humaine ? N'est-ce pas là, en soi, une interprétation limitative et opprimante ? Ne faut-il pas aller plus loin et adopter une conception plus radicale encore ? Le handicap est-il vraiment quelque chose qui limite ? Lorsque nous disons que le handicap est une "perte", est-ce là une bonne façon d'en parler - même si ce langage est tenu par les personnes handicapées elles-mêmes ? Ne vaudrait-il pas mieux tenir un discours inspiré par la pluralité ? Vivre avec un handicap, n'est-ce pas vivre avec d'autrescapacités et limitations, que d'autres n'ont pas ? Tous les êtres humains vivent avec certaines limitations. Le handicap n'est-il pas quelque chose que Dieu a créé afin d'édifier un monde pluriel - et plus riche ? Le handicap n'est-il pas un don de Dieu plutôt qu'une condition restrictive avec laquelle certains doivent vivre ?

19. Si nous voulons essayer d'élaborer une nouvelle conception théologique du handicap, il convient de prendre au sérieux des questions de ce genre. La présente déclaration provisoire s'inscrit dans un processus évolutif. Nous n'arriverons jamais à découvrir et définir "la" conception théologique. Il nous faut admettre que, demain, l'étude des perspectives théologiques se fera d'une autre manière qu'aujourd'hui. L'objet essentiel d'une déclaration provisoire n'est pas d'imposer une conception particulière du handicap ; il est plutôt de nous permettre de nous engager dans un processus permanent de conversation. Ce qui a de la valeur, c'est le processus lui-même : il peut avoir un effet libérateur tant pour les Eglises que pour les personnes handicapées elles-mêmes.

20. Le handicap est une condition particulière de l'être humain et, de ce fait, il est ambigu. Etre humain, c'est vivre une vie qui est marquée à la fois par la bonté de la création de Dieu et par l'état de rupture inhérent à la vie humaine. Les personnes handicapées connaissent bien ces deux faces de la vie. Donner une interprétation du handicap en ne le considérant que d'un seul de ces points de vue, c'est nier l'ambiguïté de la vie et créer une fracture ontologique artificielle au coeur même de notre conception du handicap.

21. Nous devons apprendre à faire coexister des interprétations différentes et contradictoires pour qu'elles puissent se contester et se corriger mutuellement. Il ne s'agit pas de créer une synthèse qui éliminerait le conflit entre les différentes interprétations. Au contraire, il nous faut maintenir la tension entre elles : c'est en effet cette tension qui donne sa dynamique au processus.

Imago Dei

22. A considérer l'histoire de la théologie chrétienne, on constate que la théologie a eu tendance à interpréter l'affirmation que l'homme a été créé à l'image de Dieu au sens où c'est l'esprit - ou l'âme - qui est à l'image de Dieu, dans la mesure où il apparaît difficile que l'aspect corporel ou physique de la nature humaine puisse représenter la réalité incorporelle - spirituelle - du Dieu transcendant. Nous ne devons pas oublier la réaction profonde contre l'idolâtrie qui a caractérisé le christianisme primitif : il ne fallait s'inspirer d'aucune forme humaine ou animale pour représenter Dieu, qui est invisible. Pourtant, la relation de parenté qu'on percevait entre l'esprit humain et celui de Dieu (ou Logos), à laquelle venait s'ajouter l'analogie qu'on faisait entre l'incarnation du Logos de Dieu en Christ et l'incarnation de l'esprit immortel - ou âme - dans la personne humaine, a favorisé une interprétation surtout intellectuelle de la manière dont les êtres humains sont faits à l'image de Dieu.

23. Il se peut que cette tendance ait, à certaines époques, favorisé l'acceptation positive de personnes intelligentes présentant des handicaps physiques : par exemple, Didyme l'Aveugle (au ive siècle) fut surnommé Didyme le Voyant parce qu'il avait une vision du monde plus profonde que ceux qui pouvaient le voir physiquement. Elle a également favorisé des attitudes positives (même si, parfois, elles étaient empreintes d'une certaine condescendance) à l'égard de personnes qui souffraient de handicaps profonds et multiples, dont on disait : "Leur âme se reflète dans leurs yeux". Cependant, une telle conception de la nature humaine est, fondamentalement, à la fois élitiste et dualiste. En fin de compte, elle tend à exclure ceux dont les incapacités mentales ou physiques affectent profondément toute leur personnalité et leur existence.

24. Plus récemment, on en est venu à considérer que l'idée selon laquelle l'être humain est fait à l'image de Dieu signifie que chaque personne est faite à l'image de Dieu et que, en conséquence, chacun de nous mérite d'être identiquement respecté. Cette attitude s'associe aux idéologies modernes des droits de l'homme pour encourager les individus à affirmer leur droit à obtenir une place équitable dans la société et pour que soit reconnue la dignité inhérente à chaque personne, quelles que soient sa race, sa religion ou son invalidité.

25. Cette tendance a eu pour effet positif de favoriser le respect à l'égard de ceux qui ne sont pas blancs, mâles, intelligents et valides. Mais, en même temps, elle a renforcé le préjugé selon lequel nous devrions tous être parfaits puisque nous sommes à l'image de Dieu. Dès lors que, manifestement, quelqu'un est incapable d'atteindre à cette perfection théorique, la situation devient problématique. Comment telle personne dont on voit bien qu'elle présente des défauts physiques ou mentaux peut-elle être faite à l'image de Dieu ? Il se peut bien que l'approche moderniste fondée sur le concept des droits remette en question les attitudes de certaines sociétés traditionnelles du passé, mais l'individualisme moderne, dont les valeurs sont associées au succès, encourage une interprétation de l'imago Dei qui, de notre point de vue, laisse de côté certains éléments fondamentaux de la théologie chrétienne.

26. L'expression "Dieu créa l'homme à son image" est utilisée dans le récit de la création d'Adam qu'on trouve dans la Genèse. Il y a donc deux éléments importants à prendre sérieusement en considération. Premièrement, Adam représente l'ensemble de la race humaine ; en soi, le nom "Adam" signifie homme/humanité dans son sens générique ; en effet, la création d'Eve à partir de la côte d'Adam représente la différenciation sexuelle dans la race humaine. Deuxièmement, si Adam fut effectivement créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, cette création fut perturbée par la désobéissance d'Adam - c'est ce que l'on a toujours appelé "la Chute". Pour certains théologiens d'antan, Adam aurait alors gardé l'image mais perdu la ressemblance. En fait, ici, il faut éviter de tomber dans un discours théologique spécieux à propos de la création de l'homme à l'image de Dieu ; il faut au contraire y opposer une ouverture à la nature collective de cette image ainsi que le fait que, tous, nous nous sommes montrés indignes de la gloire (de l'image) de Dieu (cf. Rm 3,23).

27. Cette réflexion sur Genèse 1 se trouve confirmée par le Nouveau Testament. Quand on lit les épîtres de Paul, on s'aperçoit vite que, pour lui, la dynamique du salut dépend du parallèle entre Adam et le Christ. Adam est le "vieil homme" et Christ l'"homme nouveau" (Ep 4,22-24 ; 2 Co 5,17), et nous tous (hommes et femmes) sommes en Adam et, potentiellement, en Christ (Rm 5,12-21 ; 1 Co 15, 22). Tant Adam que le Christ sont, d'une certaine manière, des figures collectives. En Christ, nous sommes une création nouvelle ; cependant, de même qu'en Adam nous mourons tous, Christ nous rendra tous vivants. En un sens, seul le Christ est la véritable image de Dieu car l'image de Dieu en Adam (l'humanité ancienne) a été perturbée. Ainsi, nous sommes à l'image de Dieu parce que nous sommes en Christ.

28. Si le Christ est la véritable image de Dieu, alors nous ne pouvons que nous poser des questions radicales sur la nature de ce Dieu dont il est l'image. Au coeur de la théologie chrétienne, il y a une critique du succès, du pouvoir et de la perfection, alors que sont honorées la faiblesse, la rupture et la vulnérabilité.

29. Etre en Christ, c'est faire partie du Corps du Christ. C'est là, fondamentalement, une image collective : un corps se compose de multiples membres, dont chacun apporte une contribution différente à l'ensemble (cf. 1 Co 12 ; Rm 12). En fait, même les membres faibles, et jusqu'aux parties du corps "les moins honorables … et présentables" (voir le grec de 1 Co 12,23) et que nous cachons sous des vêtements sont indispensables, et il convient de les traiter avec respect, de reconnaître leur contribution essentielle. En outre, il s'agit ici d'une image physique - et la réalité physique est que, dans son existence physique, le Christ a été insulté, frappé et mis à mort. Pour que certains aspects de l'image de Dieu en Christ puissent se refléter dans l'Eglise, Corps du Christ, il faut que soient pleinement inclus et honorés ceux dont le corps est également handicapé.

30. Nous sommes donc amenés à affirmer ceci :

  • Il faut que la théologie chrétienne réinterprète le concept d'imago Dei dans une perspective christologique et sotériologique (l'oeuvre rédemptrice du Christ pour le monde) qui nous fasse dépasser les perspectives créationnistes et anthropologiques auxquelles nous sommes accoutumés.
  • Pour comprendre l'imago Dei, la théologie chrétienne doit adopter pour paradigme une conception non pas élitiste mais inclusive du Corps du Christ.
  • Si elle n'intègre pas pleinement les personnes qui peuvent lui apporter une contribution fondée sur leur expérience du handicap, l'Eglise ne se montre pas digne de la gloire de Dieu et elle ne peut prétendre être à l'image de Dieu.
  • Sans l'apport des personnes qui vivent avec un handicap, la théologie chrétienne risque de perdre certains de ses éléments les plus profonds et caractéristiques ou de les laisser se corrompre.

31. "Lorsque l'un(e) d'entre nous ou un groupe, quels qu'ils soient, est exclu(e) du simple fait d'un quelconque handicap, cela nous empêche d'utiliser les dons que Dieu nous a donnés pour rendre complet le Corps du Christ. Ensemble, construisons la belle mosaïque que Dieu veut réaliser." (Norma Mengel à propos de la maladie mentale)

32. L'étude de la Bible, source de la réflexion théologique chrétienne et révélation du dessein de Dieu, et la connaissance du Créateur nous donnent la certitude que nous avons accepté un Dieu d'amour et qu'il nous a acceptés. C'est Dieu qui nous encourage à vivre à la lumière de son Fils, avec nos erreurs, nos afflictions et nos handicaps. Le prophète Esaïe nous parle de celui qui assume toutes nos afflictions (cf. Es 53,4-6). Le Dieu "qui ne regarde pas à la situation des hommes" (cf. Ga 2,6) inclut tout le monde en son sein, homme ou femme, quel que soit son état physique ou mental.

Handicaps et guérison

33. Cependant, les Ecritures ne parlent pas uniquement du Dieu qui s'identifie à l'affliction des hommes, mais aussi de celui qui a exercé un ministère de guérison et d'intégrité. Quel est ici le lien avec le témoignage au jour le jour des personnes handicapées ? Si nous voulons évoquer la relation entre guérison et handicap, nous ne pouvons échapper aux questions suivantes : lorsque nous parlons de l'image de Dieu à propos des personnes handicapées, qu'est-ce que cela signifie ? Si on dit de cette image qu'elle est "corps parfait" ou "raison parfaite", comment des personnes handicapées peuvent-elles admettre une telle image de Dieu ? Quelle est la relation entre notre discours théologique et notre pratique au regard du problème du handicap ? Dans quelle mesure le langage médical et social, qui traite les personnes handicapées comme des objets, détermine-t-il tant les théologies abstraites que les comportements généraux à l'égard des personnes handicapées, considérées comme objets de pitié, de guérison et de pardon ? En outre, lorsque nous disons que l'Eglise est le Corps du Christ, il nous faut nous interroger sur ce que nous entendons par là. Les malvoyants ou les personnes frappées de paralysie cérébrale peuvent-ils y être inclus ? Si, consciemment, de nombreux chrétiens rejettent toute relation entre le handicap et le péché (et donc aussi la souffrance), il semble néanmoins que certains de leurs comportements s'inspirent d'une telle conception.

34. "Ainsi donc, lorsque nous essayons maintenant de parler de cette image, nous parlons d'une chose inconnue ; une image que non seulement nous n'avons jamais vue de notre vie, mais dont nous voyons plus souvent l'opposé. De cette image, donc, tout ce que nous avons, ce sont simplement des mots : l'image de Dieu ! […] Mais il y avait, en Adam, une raison éclairée, une vraie connaissance de Dieu ainsi qu'une volonté bien affirmée d'aimer à la fois Dieu et son prochain." (Luther)

35. Dans une conception du handicap fondée sur une herméneutique du soupçon, il va de soi que des personnes souffrant d'un quelconque handicap ne peuvent accepter l'image de Dieu telle qu'ainsi définie. Par exemple, des personnes qui souffrent d'un handicap mental ou de troubles d'apprentissage seront disqualifiées en tant qu'êtres humains parce qu'elles ne correspondront pas à l'image de Dieu définie comme âme, raison ou rationalité. Une herméneutique du soupçon ne peut accepter que l'image de Dieu - ou âme - soit raison ou rationalité. Il est également évident qu'interpréter l'image de Dieu - ou âme - comme rationalité n'est pas acceptable dans d'autres cultures, par exemple en Afrique.

36. Les définitions traditionnelles de la guérison, de l'intégrité et de la sainteté (qui se fondent sur une anthropologie théologique particulière de Dieu, de l'image de Dieu et du Corps du Christ, laquelle se fonde elle-même sur des représentations culturelles de la beauté et de la perfection pour ce qui est de l'image de Dieu et du Corps du Christ) ne nous aident en rien, en particulier lors de la célébration de l'Eucharistie. Parfois, ces théologies traitent la guérison comme une métaphore, dans un sens très exclusif et négatif pour les personnes handicapées.

37. Dans le cas du handicap, on suppose souvent soit que la guérison consiste à éradiquer le problème comme si c'était un virus contagieux, soit que cet état favorise une vertueuse souffrance, soit encore qu'il s'agit d'un moyen d'accroître la foi en Dieu. Ces approches théologiques de la guérison mettent l'accent soit sur l'action curative, soit sur une attitude d'acceptation.

38. Dans d'autres définitions de la guérison, une claire distinction théologique est faite entre la guérison et l'action curative. La guérison consiste à supprimer des systèmes oppressifs, alors que l'action curative se limite à la reconstruction physiologique du corps physique. Dans la conception de ces théologiens, le ministère de Jésus fut un ministère de guérison et non d'action curative.

39. Pour ce genre de théologie, le handicap est en réalité créé par la société et, en ce sens, la guérison est l'élimination des barrières sociales. Dans une telle perspective, les récits de guérison qu'on trouve dans l'Evangile expriment plutôt la réinsertion des personnes dans leurs communautés respectives que la guérison de leurs maux physiques. Par exemple, le lépreux qui, en Marc 1,40-45, demande à Jésus de le purifier lui demande surtout de lui permettre de réintégrer sa communauté. C'est de la même manière qu'il faudrait, en Marc 2,1-12, interpréter la rencontre entre le paralytique et Jésus, qui lui pardonne ses péchés.

40. Ici, pardonner les péchés, c'est supprimer la marque infamante imposée au paralytique par une culture qui associait le handicap au péché. En ce sens, l'homme était exclu de sa communauté parce que considéré comme pécheur, indigne d'être admis dans la société. Dans ces récits de guérison, ce que fait surtout Jésus, c'est supprimer les barrières sociales afin de créer des communautés d'ouverture et d'accueil.

41. Considérée dans cette perspective, la bonne nouvelle de l'Evangile, c'est qu'il crée des communautés inclusives en remettant en question des structures et systèmes opprimants et déshumanisants. Des Africains (par exemple) pourraient prétendre que les théologiens qui avancent ce genre d'analyse font du réductionnisme théologique de la guérison à partir d'une perspective scientifique. Dans une conception scientifique occidentale, on pourrait affirmer que l'état des malades tel que décrit dans les récits évangéliques ne pouvait être physiologiquement guéri par une intervention divine. Certains théologiens vont même jusqu'à affirmer que ce genre de guérisons a pris fin avec l'arrivée la médecine scientifique occidentale.

42. Il faut noter que Jésus n'a pas fait de distinction entre réinsertion sociale et guérison physique : toutes deux étaient concomitantes à la "guérison". Dans ce sens, pour arriver à une interprétation théologique holistique du handicap, il est impératif d'intégrer dans une même relation santé, salut et guérison. Cela implique nécessairement un discours théologique différent lorsqu'on parle du Corps du Christ et de l'image de Dieu dans la perspective des personnes handicapées.

43. Les récits bibliques constituent des bases importantes pour élaborer une herméneutique théologique du handicap. Cependant, il faut veiller, lorsqu'on se lance dans un telle recherche, à ne pas tomber dans un autre piège théologique : ce que Nancy Lane appelle la "théologie des victimes". Les théologies des victimes ont tendance soit à reprocher aux gens leur manque de foi, qui expliquerait pourquoi leur handicap n'est pas guéri, soit à accuser les gens de possession démoniaque, et il faut alors les exorciser, soit à affirmer que, au travers des souffrances des personnes handicapées, Dieu manifeste la gloire et la puissance de Dieu, soit encore à attribuer la faute du handicap aux péchés des parents ou des personnes handicapées elles-mêmes.

44. Les théologies des victimes "font porter le fardeau de la guérison aux personnes handicapées, ce qui accentue leurs souffrances et leur aliénation par rapport à la communauté ecclésiale" (Lane).

45. Pour les personnes handicapées, la relation entre guérison et handicap est à la fois ambivalente et ambiguë. Si, pour certains théologiens, la Bible nous donne une définition évidente de la guérison, pour les personnes handicapées elles-mêmes, la guérison est provisoire, relative, ambivalente, ambiguë et évolutive. La guérison peut apporter de la joie et du soulagement ; mais elle peut également être cause de douleur et de frustration - et aussi poser de graves questions théologiques.

46. Une interprétation étroite de la guérison en général et des récits bibliques de guérison en particulier rend très difficile toute discussion sur la guérison en rapport avec le handicap. Bien évidemment, le principal danger à éviter, c'est de parler de guérison, notamment en rapport avec le handicap, pour justifier notre conception positive de la guérison sans faire une référence quelconque à la raison d'être globale de la théologie chrétienne. Discuter de la guérison du point de vue de l'émancipation socio-économique ou de la réparation du corps physique ou dans une perspective psychologique/spirituelle, c'est se lancer dans des discussions improductives et spéculatives sur le genre de guérisons effectuées par Jésus et sur les raisons qui l'y ont poussé.

47. Lorsque, à propos du handicap, on veut parler théologiquement de la guérison, il faut toujours faire référence à l'histoire du salut. Ici, par histoire du salut, nous entendons la révélation de lui-même que Dieu a faite par le passé, qu'il fait aujourd'hui et qu'il fera à l'avenir au travers d'actes et d'événements par lesquels il transforme, dynamise, renouvelle, réconcilie et libère sa création et tout ce qui, en elle, a été, est et sera rendu possible par l'action de l'Esprit Saint. Telle est la théologie qui transparaît dans la Sainte Ecriture.

48. C'est donc dans le contexte de l'histoire du salut que nous allons essayer de donner une définition de la guérison en rapport avec le handicap. Cependant, il convient aussi de donner, dans le cadre de notre discussion, une définition du mot "handicap" à partir de laquelle nous pourrons alors définir ce qu'est la guérison. En Gn 1,25b, il est dit, à propos de la création, que "Dieu vit que cela était bon". La création était bonne parce que Dieu avait concrétisé l'histoire du salut dans la création dans laquelle il continuera à transformer, renouveler, réconcilier et libérer sa création. Les actes créateurs et salvifiques de Dieu sont concomitants. Pour expliquer cela, prenons l'exemple du corps : lorsque nous sommes en bonne santé, le corps contient une certaine quantité d'anticorps qui font obstacle à la maladie et qui produisent d'autres anticorps chargés de combattre les virus et les bactéries qui nous rendraient malades.

49. Dans cette perspective théologique, le handicap apparaît comme une négation de l'intention de Dieu, qui était que sa création fût bonne. Sous toutes ses formes et quelle que soit sa cause, le handicap est une négation du bien voulu par Dieu. Dans le même sens, les comportements, structures et systèmes négatifs qui excluent ou gênent les personnes handicapées ou encore qui contribuent à leur exclusion ne réalisent pas le bien que Dieu a voulu pour sa création.

50. Ainsi donc, la guérison est un acte, un événement, un système ou une structure qui favorise ou renforce les processus divins de dynamisation, de renouvellement, de réconciliation et de libération en vue de s'opposer à la négation du bien voulu par Dieu pour sa création. En ce sens, la contribution théologique globale des récits de guérison qu'on trouve dans le Nouveau Testament consiste en ce qu'ils manifestent l'histoire du salut voulue par Dieu, qu'ils en sont des signes. Dieu veut que tout un chacun soit accepté et inclus dans une communauté d'interdépendance dans laquelle chacun soutient et conforte l'autre, et dans laquelle chacun vit pleinement sa vie en fonction des circonstances et pour la gloire de Dieu.

Tout être humain est un don

51. Toute vie humaine est un don de Dieu, et cette création constitue un tout harmonieux. Dans la Genèse, nous lisons (1,31) que, après avoir créé le ciel, la terre et toutes les formes de vie, Dieu vit que tout cela "était très bon". Dieu n'a pas dit que c'était "parfait". En lui donnant le souffle de vie, Dieu a donné à chaque personne dignité et valeur. Nous croyons que l'humanité a été créée à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26), mais aussi que chaque être humain particulier présente des aspects de cette nature divine et qu'aucun de nous ne reflète Dieu complètement ou pleinement. Etre à l'image de Dieu, ce n'est pas simplement lui ressembler, c'est aussi avoir la possibilité de devenir tels que Dieu nous veut.

52. Et cela vaut pour tout le monde, quels que soient le handicap ou la déficience de tel ou tel individu. Cela signifie que chaque être humain possède un don inné et a quelque chose à offrir, dont d'autres ont besoin - ne serait-ce qu'une simple présence, l'attention qu'on peut porter à l'autre, une manifestation de reconnaissance ou encore l'amour des autres. Chaque personne a quelque chose d'unique à offrir (cf. 1 Co 12,12-27), et chacune doit donc être considérée comme un don. Mais nous ne pouvons dire que "toute personne est un don de Dieu" sans parler de ses limites : celles-ci constituent la raison fondamentale pour laquelle nous avons besoin, à la fois, les uns des autres et de Dieu, indépendamment de nos capacités individuelles. Vivre dans cette interdépendance nous ouvre les uns aux autres et nous amène à nous comprendre nous-mêmes plus en profondeur et plus honnêtement ; c'est ainsi que chacun de nous devient plus pleinement humain, que nous nous intégrons plus pleinement en une communion et que nous réalisons plus pleinement l'imago Dei que nous portons en nous.

53. Outre les dons innés de relation inhérents à chaque personne, la plupart des personnes handicapées possèdent d'autres dons dont elles peuvent faire bénéficier la vie de la communauté et de l'Eglise. Ces dons sont aussi variés que les différents membres du corps humain, mais tous sont nécessaires pour l'ensemble. Il s'agit notamment de capacités naturelles de perception et de mouvement, de talents et capacités acquis par l'éducation et le travail dans des domaines tels que les disciplines académiques, la religion, la science, les affaires, l'athlétisme, la technologie, la médecine et les arts. Si, au cours de leur vie, beaucoup de gens arrivent à exploiter leurs dons, certains ne le pourront jamais en raison de circonstances particulières, par exemple un handicap. Pour que nos dons se révèlent, nous avons besoin les uns des autres. Une personne rejetée ou méprisée risque de ne pas pouvoir manifester ou faire partager certains de ses dons ni apporter sa contribution propre à l'humanité - à moins qu'elle ne soit totalement acceptée et reçoive un amour inconditionnel. Dans nos relations, il nous appartient de faire appel aux dons les uns des autres de façon que le potentiel de chaque personne puisse se réaliser, pour la gloire de Dieu.

54. Il se peut aussi que des personnes handicapées mais aussi les membres de leur famille, leurs amis et ceux qui s'occupent d'elles, à titre bénévole ou non, aient à partager des dons qui sont précisément nés de leur expérience particulière : vivre avec un handicap. Les personnes handicapées savent ce que cela signifie que d'avoir sa vie bouleversée par l'inattendu. Nous nous sommes trouvés dans cet espace frontière entre ce qui est connu et ce qui ne l'est pas encore, n'étant capables que d'écouter et d'attendre. Nous avons été confrontés à la peur et à la mort, et nous savons à quel point nous sommes vulnérables. Nous avons rencontré Dieu dans ces ténèbres vides, où nous avons pris conscience du fait que nous n'étions plus "aux commandes" et où nous avons appris à nous appuyer sur la présence et l'amour de Dieu. Nous avons appris à accepter gratuitement et à donner gratuitement, à apprécier l'instant présent. Nous avons appris à évoluer sur un terrain nouveau, à vivre une vie nouvelle et complètement étrangère. Nous avons appris à nous adapter et à innover, à utiliser notre imagination pour résoudre des problèmes nouveaux. Nous avons appris à plier sans rompre. Nous savons ce que c'est que de vivre dans l'ambiguïté et le paradoxe ; nous savons que, si nous tenons bon, ce n'est pas grâce à des réponses et certitudes simplistes. Nous avons appris à nous débrouiller dans des domaines que nous ne pensions jamais maîtriser. Nous sommes devenus des experts par accident, avec des capacités et des connaissances que nous pouvons partager avec notre communauté et notre Eglise.

55. Si les personnes handicapées possèdent des dons, elles sont en même temps appelées à être des dons, à se donner au service de Dieu. Dieu nous veut tout entiers, il veut que nous nous donnions entièrement, sans rien garder pour nous. Et cela vaut aussi pour notre handicap (ou déficience). Ce n'est pas quelque chose dont on doive avoir honte ou qu'il faille cacher à tout prix. Pour une personne handicapée, la déficience est un attribut qui lui est propre, et elle doit être intégrée dans l'offrande sainte et agréable (cf. Rm 12,1) que nous faisons de nous-mêmes. Cependant, s'il est vrai qu'il serait erroné de nier la réalité du handicap qui fait partie de notre vie, il serait tout aussi erroné d'accorder plus d'honneur et de reconnaissance aux contributions de quelqu'un pour la seule et simple raison qu'il se trouve porteur d'un handicap.

Questions posées à la théologie

56. Dans la partie de la présente déclaration consacrée à la dimension théologique, nous avons rejeté toute tendance réductionniste dans notre manière d'interpréter les récits évangéliques de guérison miraculeuse. Cela nous a obligés à présenter une conception théologique suffisamment large et ouverte pour tenir compte de tous les aspects de la vie humaine en rapport avec la grâce salvifique du Christ. Jésus est venu pour que nous ayons la vie, et que nous l'ayons en abondance (cf. Jn 1,10) et, en lui, toutes choses seront unies (cf. Ep 1,10). Cette vision de l'unité en Jésus Christ nous appelle à refuser toute forme de réductionnisme et à considérer la vie dans toute sa richesse et toute sa complexité. Toute théologie est une theologia viatorum - une théologie en chemin, et c'est la raison pour laquelle la présente déclaration ne peut être que provisoire. Pour ce qui concerne plus spécifiquement le handicap, la théologie est appelée à parler de Dieu, de la foi et de la vie d'une manière qui soit ouverte à un avenir qui est à Dieu - qui puisse nous surprendre tous mais aussi unir et transcender toute existence humaine. Une conception théologique du handicap doit interpréter cette question dans le contexte de l'histoire inachevée du salut de Dieu.

57. Dans de nombreuses sociétés, les personnes handicapées, et en particulier celles qui ont des troubles d'apprentissage, dérangent : elles désorganisent l'ordre établi. Les personnes handicapées perturbent les notions humaines de perfection, de sens de la vie, de récompense, de succès et de statut social ; elles troublent également les idées qu'on peut avoir d'un Dieu qui récompense la vertu par la santé et la prospérité. Les réactions à cette perturbation peuvent se manifester sous la forme de pitié, qui s'exprime dans les oeuvres de charité, d'exclusion, qui consiste à bannir les personnes handicapées de la vue et de l'esprit, et/ou de crainte. Quel que soit le sentiment qui inspire de telles réactions, la société n'accorde aucune véritable place aux personnes handicapées.

58. La présence du handicap dans nos vies remet directement en question les conceptions et stéréotypes fondamentaux acquis au fil de l'histoire. Souvent, nous recouvrons la réalité du handicap d'une chape de silence, ou nous réagissons à sa présence par des manifestations de pitié humiliante, de ridicule ou de haine. Le message de la Croix est indissociable de la manière dont nous réagissons face aux personnes handicapées.

59. En tant que chrétiens, nous adorons un Dieu qui s'est fait chair et qui a été réduit à l'impuissance sur la Croix. Notre Dieu est un Dieu de vulnérabilité et de souffrance vécue. Pourtant, souvent, nous préférons ignorer ou oublier la crucifixion, et passer directement à la résurrection. Christ est ressuscité des morts avec ses blessures. Nous aussi, nous le découvrons dans nos blessures, et nous discernons sa présence dans notre propre vulnérabilité, mais aussi dans le courage de vivre la vie qui nous a été donnée.

60. Pour nous, chrétiens, la Croix de Jésus Christ est un symbole de vie. Lorsque le Verbe s'est fait chair (cf. Jn 1,14), il a assumé la chair rompue de l'humanité. Même lorsque le Christ est ressuscité des morts, il est ressuscité avec les blessures qu'il avait reçues sur la Croix (cf. Lc 24,36-39). Et lorsque Paul avoue qu'il porte une écharde dans sa chair, il ajoute qu'il lui a été révélé que la puissance de Dieu "donne toute sa mesure dans la faiblesse" (2 Co 12,7-9). En réalité, bien avant les guérisons miraculeuses que nous racontent les Evangiles, le récit peut-être le plus ancien qui nous montre comment la Parole de Dieu peut être entendue en présence d'un handicap est celui où, dans l'Exode, il est question de l'incapacité de Moïse à s'exprimer (4,10-17). Voilà bien un exemple de quelqu'un souffrant d'un handicap mais que Dieu a choisi - non pas simplement malgré son handicap mais avec son handicap - pour diriger le peuple d'Israël.

61. Enfin, lors de la Sainte Cène et dans nos liturgies qui rappellent cet événement, nous répétons les mots prononcés par le Christ qui nous présente, pour la vie du monde, son propre corps, meurtri et handicapé, rompu pour nous : Prenez, mangez, ceci est mon corps (cf. Mt 26,26).

62. Ainsi que l'affirme Paul, "ce trésor, nous le portons dans des vases d'argile" (2 Co 4,7). Le trésor est enfoui dans des corps humains. Dieu prit de la poussière et en fit de l'argile. L'esprit de Dieu fut insufflé dans le vase d'argile. Le trésor est caché sous le voile du banal, l'image de Dieu dans l'être humain ordinaire. Lorsque, dans le verset précédent, Paul évoque la parole créatrice de Dieu : "Que la lumière brille au milieu des ténèbres !", il souligne le rapport avec le récit de la création. Le trésor est la lumière divine qui a brillé dans nos coeurs pour nous donner la connaissance de la gloire de Dieu dans le visage de Jésus Christ.

63. Le ministère que nous exerçons auprès des enfants et des adultes porteurs d'un handicap nous donne plus qu'une occasion de servir notre prochain : il nous appelle à contester notre culture dans laquelle priorité est donnée à une image qui convienne au monde plutôt qu'à l'image de Dieu, qui accorde de l'importance à la perfection idéale et critique la faiblesse, qui exalte les seules vertus et cache les échecs. Ce dont nous témoignons, c'est que, dans nos vies, la Croix occupe une place centrale et visible.

64. Une autre question fondamentale qui se pose à la théologie interpellée par la présence du handicap dans nos vies vient de notre conception impropre du pardon. Des conceptions erronées, héritées de notre passé et souvent affirmées dans les Ecritures judéo-chrétiennes et confirmées tout au long de l'histoire du christianisme, nous ont parfois amenés à associer le handicap à la honte, au péché ou au manque de foi. C'est là un mythe qu'il n'est pas facile de faire disparaître. Lorsque nous sommes tentés de considérer le handicap comme un châtiment ou une épreuve voulue par Dieu, il nous faut adopter une autre manière de penser. Lorsque des familles sont écrasées par des sentiments de ce genre, qui leur sont imposés par des comportements culturels, il nous faut sans tarder les éveiller - et nous éveiller nous-mêmes - à la réalité que le Christ nous a enseignée. Interrogé à propos de l'aveugle de naissance, Christ a répondu :

Ce ne sont pas les personnes handicapées qui ont péché, ni leur famille. Mais ceux qui ont un handicap sont nés en ce monde afin que les oeuvres de Dieu se manifestent en eux (cf. Jn 9,3 - paraphrase).

65. Chacun de nous est né tel qu'il est - chacun avec ses dons particuliers, mais aussi avec ses lacunes - afin qu'en nous se manifestent les oeuvres de Dieu. Lorsque nous réfléchissons au pardon, nous l'associons le plus souvent à la faute et à la rédemption. Pourtant, en grec moderne, pardon se dit synchôrèsis, ce qui signifie littéralement "action de mettre ensemble" (sun - chôrè - sis), "partager le même espace" ou "faire de la place pour tout le monde". Peut-être une telle conception nous aidera-t-elle à dissocier handicap, péché et faute.

Aider les personnes handicapées à se réaliser pleinement

66. En ce début du xxie siècle, comme ce fut le cas avant le début de l'ère chrétienne, les catégories de personnes incapables de participer à la course au succès ou d'atteindre les niveaux de réussite qu'exige la société sont déconsidérées, méprisées ou encore, pour reprendre un terme plus moderne, exclues. Parmi ces gens se trouvent, en forte proportion, des personnes qui souffrent de handicaps sensoriels, moteurs ou mentaux.

67. Ces gens, on les trouve dans toutes les grandes villes du monde ; ce sont des hommes et des femmes de tout âge, aux origines raciales, ethniques, culturelles et religieuses diverses, qui, en raison de leur handicap, vivent dans la misère, la faim et la dépendance, souffrent de maladies qui pourraient être prévenues et sont en butte aux mauvais traitements de personnes valides.

68. En ce nouveau siècle, il appartient aux Eglises de reconnaître la réalité de l'humanité dans le visage d'un Jésus handicapé - la réalité de personnes qui, souffrant d'un handicap, sont rejetées et abandonnées.

69. Il est très regrettable que les Eglises du monde entier ne se soient pas intéressées plus activement aux victimes de la marginalisation : pauvres, aveugles, sourds et toutes les personnes dont les capacités physiques ou mentales sont limitées. Nous ne demandons ni pitié, ni commisération ; ce dont nous avons besoin, c'est qu'on fasse preuve, à notre égard, de compréhension et de compassion et qu'on nous accorde des possibilités d'exploiter ou de réaliser nos vocations, nos potentialités et nos capacités.

70. Dans tout ce qu'ils entreprennent en faveur de la paix, de la préservation de l'environnement, de l'égalité entre hommes et femmes, des droits de l'enfant et des soins aux personnes âgées, les Eglises et les chrétiens devraient inclure la volonté de permettre aux personnes handicapées de se réaliser pleinement. "En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40).

71. Au cours de ces vingt dernières années, on a vu se multiplier, dans nos Eglises et institutions chrétiennes, des attitudes positives à l'égard du handicap et des personnes handicapées. C'est là une évolution dont nous ne pouvons que nous féliciter, même si elle est encore loin d'être universelle.

72. Mais il importe de se rappeler que, dans certaines parties du monde et certaines Eglises, on a vu récemment ressurgir une tendance à surprotéger les personnes handicapées ou encore à les ignorer. En certains lieux, des groupes évangéliques nous ont manipulés. Pire que d'ignorer les personnes handicapées, il se pourrait que le nouveau péché de l'Eglise consiste à les manipuler.

L'Eglise pour tous : une communauté

73. Lorsque Jésus comparait le Royaume de Dieu à un roi qui prépare un banquet pour ses meilleurs amis, peut-être pensait-il au passage d'Esaïe sur ce thème. Il est certain que beaucoup de gens qui vivent avec un handicap - le leur ou celui d'un de leurs proches - ont l'impression qu'un linceul a été jeté sur leur vie, qu'ils sont considérés comme une honte pour leur communauté ! Dans la version de la parabole du festin qu'on trouve chez Matthieu, les invités sont trop occupés à leurs petites affaires personnelles pour répondre à l'invitation. Mais le roi ne remet pas le banquet à plus tard : au contraire, il invite tous ceux qui, à ce moment-là, se trouvent par là. Jésus n'a pas dit que le Royaume de Dieu était pour un monde à venir ; il a dit : "Le Royaume de Dieu est déjà parmi vous". C'est une réalité actuelle ; c'est maintenant qu'il faut répondre à l'invitation ! Désormais, ce n'est plus le petit cercle des amis intimes qui est invité ; au contraire, il faut qu'y participent tous ceux qui ont été ignorés, oubliés et laissés de côté. Dès lors que tout le monde est invité à ce festin, à cette Eglise, la liste des invités inclut donc ceux qui souffrent d'invalidité physique ou mentale ou de maladie chronique. Et si, plutôt que de n'inviter que les personnes dont le comportement, le langage et les préférences correspondent à des schémas connus, nous adressons l'invitation à tout le monde, dans quelle mesure cela se reflète-t-il dans notre culte ? Quel est le message que nous devons, aujourd'hui, adresser à nos communautés ?

74. L'expression la plus évidente du rassemblement de la communauté, c'est le culte commun de la paroisse. Si on veut que la liturgie soit véritablement l'oeuvre du peuple et que tous les membres de la communauté rassemblée y participent, il nous faut alors, peut-être, nous rappeler ce que Dieu a dit il y a longtemps : "Elargis l'espace de ta tente ; les toiles de tes demeures, qu'on les distende !", afin qu'il y ait de la place pour tout le monde (Es 54,2). Peut-être faudra-t-il réaménager notre espace, repenser la manière dont nous célébrons la liturgie, reconsidérer le rôle joué par chaque personne. Le drame de la liturgie et le drame du handicap ont tous deux pour thème la fragilité de notre vie et notre dépendance à Dieu. Il nous faut arriver à intégrer nos luttes dans notre culte de façon que les symboles de la liturgie nous parlent. Symboliquement, c'est la table du banquet de Dieu. Avons-nous fait en sorte que tous ceux qui le désirent puissent venir s'y asseoir, partager le festin et participer à la conversation ? Dans cette assemblée, y aura-t-il une place pour chaque personne ? Veiller à ce que tous et chacun puissent participer au culte, cela signifie qu'il nous faut réfléchir à la manière dont notre expérience et notre expression de la liturgie engagent l'ensemble de la personne - par les mouvements physiques et les sens, mais aussi par l'intellect. Lorsqu'elles sont intégrées dans une communauté, les personnes qui ont des troubles d'apprentissage réagissent positivement ; elles saisissent la participation réelle et authentique des personnes qui les entourent, et réagissent en conséquence.

75. Dans notre enseignement et notre manière de célébrer le culte, en particulier dans les traditions protestantes, une grande importance a toujours été accordée aux mots. La Parole de Dieu est un constituant important et essentiel de notre foi. Les textes de la Bible nous présentent des événements et des personnages, ils racontent l'histoire des relations entre Dieu et l'humanité, ils nous enseignent les voies de Dieu et ils nous guident dans notre vie de tous les jours. Les paroles des sermons, des prières et des hymnes peuvent nous stimuler l'esprit et atteindre le tréfonds de notre coeur et, ainsi, nous faire réfléchir, nous inspirer ou nous consoler. Les mots que nous utilisons ont le pouvoir de créer des images ainsi que de définir notre identité et nos relations à chacun. Trop souvent, pour les personnes handicapées, ces mots n'ont pas étél'annonce de bonnes nouvelles ni n'ont transmis des messages d'espoir. En fait, trop souvent, il ne peut y avoir de pleine participation des enfants et des personnes qui ont des troubles d'apprentissage "parce qu'ils ne comprennent pas". De même que pour les pauvres, les sans-abri, les prisonniers ou les toxicomanes, les prières et les textes fréquemment utilisés par nos Eglises parlent d'eux à la troisième personne : "ils" ou "eux". On a comme l'impression que toutes ces personnes ne font pas partie de la communauté rassemblée. Il nous faut faire attention à la manière dont nous nous exprimons pour éviter d'opposer le "nous" au "eux", ce qui revient à faire de la personne handicapée quelqu'un qui n'appartient pas à la communauté, un étranger, un "autre".

76. Il se peut parfois aussi que des métaphores aliènent certains de nos frères et soeurs. Il est contre-productif et humiliant de dire, pour qualifier un manque de compassion, l'incapacité à écouter ou à vouloir quelque chose, qu'on est aveugle, inintelligent, sourd ou paralysé. Dès lors que, pour exprimer nos forces ou affirmer notre identité, nous employons des termes désobligeants pour les personnes qui vivent avec de telles déficiences physiques ou mentales, nous nous opposons à eux, nous les excluons. Nous projetons sur eux - peut-être sans nous en rendre compte - ce qui, en nous, est négatif ou inspiré par la peur, et nous en faisons des incarnations du mal. A titre d'exemple d'un tel manque de sensibilité, on pourrait citer une expression tirée d'une prière de confession : "Nous sommes défigurés par le péché". On peut douter que des mots de ce genre apportent une quelconque consolation à une personne défigurée par des brûlures ou une difformité. Bien entendu, nous ne pouvons pas modifier les passages des Ecritures qui emploient de telles métaphores, mais nous pouvons trouver d'autres moyens de transmettre ce message dans nos sermons, nos liturgies et nos cantiques.

77. Tous ces mots et expressions peuvent nous aider à réfléchir et à préciser certaines choses. Pourtant, pousser plus loin un tel discours peut être fatigant ou impossible à suivre pour des personnes dont le niveau d'éducation est peu élevé, qui ont du mal à se concentrer longtemps, qui ont des troubles d'apprentissage ou qui souffrent d'autres handicaps mentaux. Parfois, les gens "entendent" ou saisissent la Parole de Dieu et découvrent le mystère et la majesté de la présence de Dieu dans leur vie au travers d'une expérience sensorielle : par la perception de la lumière ou des couleurs, d'une sculpture ou d'un tableau, d'une bouffée d'encens, mais aussi dans le silence, la musique, la danse, une procession, une accolade ou des mains jointes en cercle. Cette expérience sensorielle dans la liturgie est importante pour nous tous, mais plus particulièrement pour les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. Il faudrait en tenir compte lorsque nous préparons le culte et le lieu où il se déroule.

78. De nombreux éléments du culte sont non verbaux, et nous pouvons veiller plus résolument à les incorporer afin que tous puissent participer vraiment au culte. Il y a le mouvement de la danse mais aussi toute la gestuelle : les mains jointes en prière ou levées en signe de bénédiction, les signes de croix, les poignées de main et les accolades, les yeux qu'on lève et la tête qu'on incline, les dons qu'on distribue et le pain et la coupe qu'on fait passer. Il y a des éléments tactiles : l'onction, le baptême, l'imposition des mains, le lavement des pieds, le fait de toucher des objets sacrés ou de revêtir des ornements. Nous pouvons sentir l'odeur de l'encens, du vin, des fleurs et des cierges et aussi le goût du pain, du vin ou du jus de fruits. Outre les paroles, nous entendons la musique, les claquements de mains, les cloches, les soupirs et les respirations. Il y a plusieurs siècles, alors que peu de gens savaient lire ou possédaient des livres, les Eglises étaient parsemées d'illustrations de récits bibliques : peintures murales, tapisseries, sculptures, icônes et vitraux. De nos jours, de nombreuses Eglises ont encore de tels éléments visuels, et on peut aussi parfois y voir des bannières, des nappes d'autel, des vêtements colorés, des foulards, des fleurs, des ballons, de la danse liturgique et des saynètes qui illustrent le message de notre foi.

79. Pour les malentendants, il faudrait qu'il y ait beaucoup à voir ; pour les malvoyants, il faudrait qu'il y ait beaucoup à entendre. Pour les aveugles, il est important que le ministre ou le liturgiste donne des indications verbales, sinon ils risquent de passer tout le culte à essayer de savoir quand ils doivent se lever, s'asseoir ou s'agenouiller. Il suffit de dire : "Levez-vous" ou : "Asseyez-vous". Pour les gens qui ont du mal à rester assis longtemps, il faut prévoir des occasions de bouger. Même lorsque tout le monde reste debout pendant tout ou partie du culte, il faut néanmoins prévoir la possibilité de s'asseoir. Dans les services où tout le monde est assis sur le plancher ou sur le sol, il faudrait prévoir des chaises ou des bancs pour les gens qui ont du mal à s'asseoir ainsi ou à se relever. Certaines personnes ne peuvent pas s'agenouiller ou monter ou descendre des marches en sécurité, aussi faut-il que la communion leur soit donnée à leur niveau. Pour les personnes qui ont du mal à se déplacer, il faut une signalisation horizontale bien claire et un sol où elles ne risquent pas de trébucher, sans marches. Dans la structuration de l'espace, il faut que les personnes qui utilisent des chaises roulantes puissent choisir l'endroit où elles vont s'installer afin qu'elles puissent rester à proximité de leur famille ou de leurs amis dans le cadre de l'assemblée ; il ne faudrait pas les parquer devant ou derrière tout le monde ou dans une contre-allée. On peut diminuer la longueur de plusieurs bancs pour pouvoir y placer une chaise roulante.

80. L'acoustique est particulièrement importante pour les non-voyants et les malentendants. Les malvoyants comptent beaucoup sur leur ouïe et, pour les malentendants, il faut un bon système de sonorisation qui leur permette de bien entendre le ministre ou le liturgiste. Il peut être particulièrement utile de prévoir des amplificateurs individuels (dispositifs techniques pour malentendants) qu'on peut utiliser avec ou sans prothèse auditive. Un bon éclairage est essentiel pour les malvoyants afin qu'ils puissent utiliser au mieux leur vue limitée. Il est important que les sourds et les malentendants puissent voir les lèvres de la personne qui parle, ou l'interprète gestuel. Pour les malentendants, il sera très utile de prévoir un document écrit présentant l'ordre du culte ; il n'est pas difficile de reproduire de tels textes en gros caractères (taille de la police 18 sur un ordinateur, ou photocopie agrandie). Il existe des bibles imprimées en gros caractères et, avec une photocopieuse, on peut faire des agrandissements des partitions des chants prévus pour un culte particulier. On peut aussi utiliser des rétroprojecteurs et des ordinateurs pour projeter sur un écran des documents à l'intention de toute l'assemblée. Même si relativement peu d'aveugles sont capables de lire le braille, pour ceux qui le peuvent, c'est aussi une possibilité à ne pas négliger afin de leur rendre la liturgie plus accessible. Les livres en braille, en particulier les bibles et les livres de cantiques, prennent beaucoup de place, aussi certaines paroisses utilisent-elles des classeurs dont on ne retire que les feuillets nécessaires pour un service particulier. A la fin du culte, ces feuillets sont remis dans le classeur.

81. Outre les éléments physiques tels que l'éclairage, la sonorisation et les sièges appropriés qui permettent à tous de s'intégrer dans un espace particulier, il nous faut également prendre en considération les comportements et les attitudes qui peuvent créer des barrières pour les personnes handicapées ou leur donner l'impression qu'elles ne sont pas bienvenues ou même qu'elles sont exclues. Pour qu'elles se sentent vraiment chez elles dans l'église, il faut que les personnes handicapées voient que des personnes comme elles assument des responsabilités. Pour que les personnes handicapées jouent un rôle plus important, il faudra parfois qu'une communauté ecclésiale repense ses critères de sélection des personnes qui sont ou non habilitées à adresser des paroles de bienvenue, à placer les gens, à porter une bannière, à chanter dans la chorale, à faire une lecture et à diriger les prières de l'assemblée. La zone de l'autel est-elle accessible à une personne qui se déplace en chaise roulante ou avec un cadre de marche ? Peut-on régler le micro à des hauteurs différentes ? Pour qu'une communauté soit véritablement inclusive, il faut que la personne handicapée sache qu'elle peut assumer des responsabilités en fonction de ses capacités, de ses convictions et de sa vocation propres et qu'elle puisse faire abstraction de ses complexes et frustrations.

82. Il faudra peut-être assouplir les codes rigides qui définissent ce qu'est un comportement "acceptable". De même que certaines personnes ne peuvent pas rester debout ou s'agenouiller, d'autres ne peuvent pas rester assises pendant une heure ou plus : elles ont parfois besoin de se lever ou de se déplacer parce qu'elles ont mal au dos ou des spasmes musculaires ou parce que leur handicap provoque chez elles une certaine agitation. Certaines personnes handicapées ne sont pas capables de comprendre les "règles" qui imposent le silence et elles vont marmonner ou parler quand d'autres écoutent en silence, ou encore pousser des exclamations à des moments inattendus. Dans de tels cas, de même que pour les personnes qui "acclament le Seigneur" (cf. Ps 98,4) en chantant faux, nous pouvons faire preuve de tolérance et admettre qu'un tel comportement est moins une grave perturbation qu'une légère distraction.

83. L'intégration des personnes handicapées au sein de l'Eglise témoigne de l'amour de Dieu tel qu'exprimé par tous ses fils et filles. Elle peut aussi servir d'exemple et de source d'inspiration pour les sociétés dans lesquelles les personnes handicapées sont victimes d'une humiliante marginalisation.

Une Eglise pour tous : l'Eglise en tant que communion

84. La présente déclaration provisoire esquisse des idéaux auxquels toute société pourrait vouloir aspirer. Elle se fonde sur l'hypothèse que, à mesure que s'amélioreront les soins de santé, les personnes handicapées s'en trouveront valorisées, qu'elles se verront traitées à l'égal de tous et qu'on s'occupera d'elles dans la communauté et non dans des institutions ou en marge de sociétés fondées sur la concurrence économique. Dans ces conditions, il apparaîtra peut-être que la réinsertion est moins importante que la possibilité d'atteindre à une certaine qualité de vie. Dispenser de tels soins dans la communauté coûte très cher et c'est là quelque chose qui, pour l'instant, dépasse les moyens de certaines sociétés. Il se peut même que ce soit insupportable lorsque la politique d'un pays fonde son économie sur un taux d'imposition peu élevé. S'occuper véritablement des personnes handicapées dans la société, c'est s'efforcer de les considérer dans une perspective holistique, ainsi qu'a essayé de le démontrer le présent document ; cependant, l'intégration sociale doit souvent se concentrer sur des problèmes spécifiques d'invalidité, ce qui renforce la manière médicale de considérer le handicap. Il se peut que l'intégration sociale réduise le coût des soins et offre aux personnes handicapées la possibilité de vivre dans la société et d'y trouver leur place. Ceux qui luttent pour la qualité de la vie et les droits sont fréquemment encouragés par les personnes handicapées qui ne sont pas dans un grand état de dépendance ou qui, grâce à l'aide qui leur a été apportée, ont pu s'associer à des groupes de pression spécifiques qui luttent pour l'égalité et la justice sociale.

Pour ce qui est de l'Eglise, qu'il s'agisse de soins de santé, d'intégration sociale, d'aumônerie ou de ministère auprès des personnes handicapées ou avec elles, il lui faut reconnaître les prémisses fondamentales que sont l'égalité et la dignité et qu'on trouve dans le message chrétien, et elle doit tout mettre en oeuvre pour les placer au premier plan de ses activités.

85. Par définition, l'Eglise est un lieu et un processus de communion, elle est ouverte à tous, sans discrimination ; elle est un lieu d'hospitalité et d'accueil, à la manière dont Abraham et Sara, dans l'Ancien Testament, reçurent les messagers de Dieu (Gn 18). Elle est un reflet terrestre d'une unité divine qu'elle adore, en même temps, dans la Trinité. C'est une communauté faite de personnes aux dons différents et pourtant complémentaires. Elle est une volonté d'intégrité mais aussi, tout à la fois, de guérison, d'attention à l'autre et de partage.

"En effet, le corps est un, et pourtant il y a plusieurs membres […] Il en est de même du Christ." (1 Co 12,12)

86. Tous, nous acceptons et proclamons que c'est cela qu'est l'Eglise, et ce qu'elle représente ; c'est le fondement de notre unité entre chrétiens. Dès lors, comment se fait-il que, trop souvent, certaines personnes, parmi nous et autour de nous - en général des personnes que nous considérons comme autres, étrangères, différentes ou peut-être handicapées - soient marginalisées ou même exclues ? Chaque fois que cela se produit - ne serait-ce que par omission passive, l'Eglise n'est pas ce qu'elle est appelée à devenir ; l'Eglise nie ce qu'elle est en réalité. Dans l'Eglise, nous sommes appelés à agir différemment. Ainsi que le dit Paul, les parties du corps qui paraissent plus faibles (il ne dit pas qu'elles sont effectivement plus faibles) sont indispensables (cf. 1 Co 12,22).

87. Lorsqu'il est question de personnes handicapées, nous avons trop souvent tendance à penser à des personnes faibles, qui ont besoin que nous nous occupions d'elles. Pourtant, dans ses épîtres, Paul laisse entendre que la faiblesse n'est pas une caractéristique d'un individu ou d'un groupe particulier, mais bien de toute l'Eglise. Le handicap, ce n'est pas quelque chose qui n'affecte que certains individus : il nous touche et nous implique tous, nous qui constituons le peuple de Dieu dans un monde brisé. C'est notre monde qui est ébranlé, et chacun de nous ne représente qu'un petit morceau, précieux et fragile, de ce tout. Tous, nous portons le trésor de Dieu dans des vases d'argile (cf. 2 Co 4,7). Nous le portons tous, et, qui plus est, nous le portons ensemble. Dans nos actes et nos comportements les uns vis-à-vis des autres, à chaque instant, ce qui doit nous inspirer, c'est la conviction que nous sommes incomplets, que nous sommes moins que le tout, que nous n'avons pas les dons et les talents de tous. Nous ne sommes pas une communauté complète si nous ne sommes pas tous ensemble. Pour les Eglises du Christ, s'ouvrir aux personnes handicapées et les intégrer pleinement n'est pas facultatif : c'est cela même qui fait que l'Eglise est l'Eglise.

88. Ici, le concept clé est celui de l'interdépendance. Même si le monde profane met l'accent sur l'indépendance, nous, nous sommes appelés à vivre en tant que communauté dont les membres dépendent de Dieu et les uns des autres. Nul d'entre nous ne doit être considéré comme un fardeau pour les autres ; et aucun de nous ne doit penser qu'il ne fait que porter un fardeau. "Portez les fardeaux les uns des autres ; accomplissez ainsi la loi du Christ" (Ga 6,2).

89. A ce stade, ce qu'il convient de redéfinir, c'est peut-être le point de départ de notre comportement et de nos réactions. Peut-être faudrait-il considérer non pas les besoins particuliers, mais aussi les dons que chacun des membres de la communauté a en propre. Dans un autre passage où il dit que l'Eglise est le Corps du Christ, Paul écrit :

"En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi, à plusieurs, nous sommes un seul corps en Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part…" (Rm 12,5).

Chaque enfant et chaque adulte, ceux qui ont un handicap et ceux qui n'en ont pas, apportent à l'Eglise des dons et des talents spécifiques et spéciaux. Voilà ce que nous sommes appelés à croire et à comprendre. Et c'est ainsi que nous pourrons véritablement être "une Eglise pour tous" - une Eglise qui reflète le dessein de Dieu pour l'humanité.

Nous que tu as créés à ton image, ô Dieu, fais que nous reflétions ta compassion, ta créativité et ton imagination lorsque nous nous efforçons de remodeler notre société, nos édifices et nos programmes ainsi que nos cultes, afin que tous puissent y participer. En toi, nous ne sommes plus seuls mais unis en un seul corps. Confiants en ta sagesse et ta grâce, nous t'en prions et t'en remercions au nom de Jésus.

Notes:

1. On appelle ici "assistants familiaux" ou "parents au foyer" (carers) ou, au Canada, "soignants" (caregivers) les personnes qui s'occupent plus ou moins bénévolement de personnes handicapées en raison de liens de parenté ou d'amitié avec elles. En fait, il existe des associations nationales d'assistants familiaux qui permettent à ces personnes de se soutenir et de s'encourager mutuellement. Pour ce qui est des soignants professionnels, il en existe différentes variétés officielles. Selon les cultures, les noms et les responsabilités de ces personnes peuvent varier sensiblement.