La pasteure Nyambura Njoroge a toujours une pensée pour les gens qui vivent au quotidien avec le VIH en Afrique subsaharienne. Leur bataille pour la dignité et leur immense résilience sont une inspiration constante pour son travail en tant que coordinatrice de l'Initiative œcuménique de lutte contre le VIH et le sida en Afrique (EHAIA), mise en place sous l'égide du Conseil œcuménique des Églises.

Pasteure presbytérienne, Nyambura Njoroge est aussi une éminente théologienne et œcuméniste originaire du Kenya. Elle travaille avec l'EHAIA depuis 2002. Ce projet aide les Églises d'Afrique à faire face au VIH grâce à l'information, la formation, l'échange de ressources et la mise en réseaux.

Malgré les difficultés que laisse augurer la réduction du financement destiné à la lutte contre le VIH, la pasteure Njoroge tire sa force de la foi, affirmant: «Dieu est fidèle et son grenier jamais ne s'épuise.» Elle reconnaît toutefois que c'est une épreuve particulièrement difficile, qui nécessite une profonde réflexion.

Pour elle, l'inspiration se manifeste grâce aux «récits vivifiants» des personnes vivant avec le VIH, qui, affirme-t-elle «font preuve de courage face aux épreuves, aux difficultés, à la stigmatisation obstinée et aux préjugés.»

La pasteure Njoroge estime que les récits théologiques forts jouent un rôle clé en fournissant aux Églises un fondement éthique pour faire face à la pandémie de VIH.

«Ce sont des récits des Écritures qui ont une résonance nouvelle à mes oreilles. Pendant la saison de l'Avent et de Noël, les histoires vivifiantes de Marie, mère de Jésus, et d'Élisabeth, cousine âgée de Marie et mère de Jean, font partie de la mosaïque de récits. Le Magnificat, en particulier, m'apporte un sourire et de la joie les jours difficiles», indique-t-elle.

Dans le cadre de son travail à l'EHAIA, la pasteure Njoroge a rencontré de nombreux Marie, Élisabeth, Zacharie et Joseph qui, dit-elle, reçoivent «des messages troublants et déroutants, quoique de nature très différente, quand leur test de dépistage se révèle positif.»

Combattre la stigmatisation, vivre avec l'espérance

Pour de nombreuses personnes séropositives, la découverte de leur maladie s'accompagne de honte, de trahison, de silence, d'isolement, de colère et de pensées suicidaires. Nyambura Njoroge pointe du doigt l'autostigmatisation, la désinformation et les préjugés comme étant les principaux obstacles que les personnes séropositives doivent surmonter pour mener une vie normale.

L'une des principales approches adoptées par la pasteure face à la pandémie de VIH a pour fondement la relation entre genre et théologie. Membre fondatrice du Cercle des théologiennes africaines engagées, la pasteure Njoroge est aussi membre du Réseau international de responsables religieux vivant avec le VIH et le sida ou personnellement touchés par eux (INERELA+).

Forte de ce qu'elle a vu et entendu, elle transmet divers témoignage d'enfants et de femmes vivant avec le VIH et qui doivent constamment combattre la violence sous toutes ses formes, en particulier la violence sexuelle et sexospécifique.

«C'est l'absence d'un régime alimentaire suffisant et nutritif et le manque d'accès aux centres de santé qui compliquent encore davantage la vie des femmes et des enfants. Mais s'ils n'abandonnent pas, pourquoi abandonnerions-nous?» demande Nyambura Njoroge.

Des attitudes transformatrices

Grâce à la détermination des militants, de nombreuses personnes séropositives ont eu le courage de révéler leur condition. C'est grâce à la force de ces gens, affirme la pasteure Njoroge, que leurs expériences alimentent aujourd’hui le mouvement social contre la pandémie.

Selon la pasteure, ces «récits vivifiants» proviennent aussi de personnes séronégatives, dont certaines sont des «responsables d'Église qui autrefois jugeaient que les personnes séropositives étaient des pécheurs ayant mérité le châtiment divin, mais qui aujourd'hui dénoncent la stigmatisation.»

La pasteure Njoroge évoque sa correspondance avec un prêtre du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, qui, déclare-t-elle, révèle la vulnérabilité, le manque de ressources, les luttes interminables et la résilience des gens, mais aussi la force de dire non à l'injustice.

«Nous poursuivons notre ministère holistique», a écrit le prêtre. «On voit des femmes et des enfants violentés, que j'ai emmenés à l'hôpital dans ma voiture. Nombreux sont les gens qui, comme eux, n'ont pas accès à l'hôpital. Je prie pour recevoir de l'argent afin de les aider. Pour le moment je n'en ai pas. Mais je rend grâce à Dieu pour avoir rétabli et renvoyé chez eux des personnes traumatisées.»

Nyambura Njoroge sent que ces exemples de courage permettent aux militants ayant des motivations théologiques d'élaborer des théologies pastorales, des liturgies et des outils pédagogiques vivifiants, de manière à favoriser la transformation et le renouveau de la foi en Dieu.

«Le cheminement des personnes vivant avec le VIH et des victimes de violences sexuelles a aidé les chrétiens à reconnaître l'importance de mettre en œuvre des politiques concrètes pour lutter contre l'épidémie de VIH», explique la pasteure Njoroge.

Selon elle, l'élaboration de politiques prenant en compte les questions du VIH et du genre, ainsi que de codes de conduite en matière d'abus et d'exploitation à caractère sexuel en est encore à ses balbutiements dans un grand nombre d'Églises. Cependant, la lutte contre le VIH n'est plus considérée comme une préoccupation réservée au monde laïque et aux militants des droits de la personne.

Tirer des leçons et aller de l'avant

L'un des temps forts du ministère de Nyambura Njoroge a été de participer à la création de l'initiative Nous dénoncerons: travaillons ensemble pour mettre fin à la violence sexuelle, en 2011. Lancée par un groupe d'organisations chrétiennes internationales emmenées par l'agence chrétienne de développement basée au Royaume-Uni Tearfund, cette initiative vise à exploiter le potentiel des Églises et des institutions théologiques pour faire face à la violence sexuelle.

Pour la pasteure Njoroge, l'une des principales leçons qu'elle en a tiré, c'est l'importance du travail en collaboration. Elle considère ce genre d’initiatives comme des moyens de «favoriser la justice et la paix de Dieu face à la tyrannie et à la violence endémique.»

La pasteure Njoroge souligne l'impact de ces initiatives et affirme que, accompagnées d'actions soutenues de défense des causes, elles peuvent avoir des effets positifs.

«Lors de la création de cette coalition, nous avons entendu des récits vivifiants en République démocratique du Congo, au Burundi, au Rwanda et au Liberia. À la suite de cela, des responsables d'Église se sont fermement engagés à dénoncer la violence dans les foyers, au travail et à l'école, et même à l'hôpital», affirme la pasteure.

Elle indique que les moyens financiers sont essentiels pour continuer le travail de lutte contre la pandémie de VIH, et pourtant, dit-elle, nous devons en même temps «vouloir grandir dans la foi, l'humilité et la sagesse et apprendre à se laisser inspirer par les personnes qui vivent en marge de la société.»

[1,081 mots]

Cet article est le dernier d'une série de portraits présentant le travail que l'EHAIA accomplit par l'intermédiaire de ses coordinatrices ou coordinateurs régionaux et de ses consultants théologiques. Cette série est publiée à l'approche du 10e anniversaire de l'EHAIA, en avril 2012.

Plus d'informations sur l'EHAIA

À lire également:

Une génératrice d'outils pour sensibiliser la population lusophone d'Afrique sur le VIH et le sida (en anglais)

Afrique de l'Ouest: Mobiliser les jeunes et les femmes contre le VIH

Afrique australe: Vers des Églises compétentes face au SIDA

Afrique centrale: Briser le silence autour de la sexualité et du VIH

Repenser la théologie pour faire face au VIH

Il faut accélérer l'action de l'Église contre le VIH