par Juan Michel (*)

Son appel à travailler au Conseil œcuménique des Eglises (COE) en tant que consultante catholique pour la mission et l'évangélisation lui est venu comme "une de ces surprises que Dieu nous réserve", dit-elle. Pendant ces cinq dernières années, le fait de côtoyer quotidiennement des chrétiens d'autres confessions a représenté pour elle un "renouveau spirituel" dans sa vie, affirme-t-elle. Son travail est l'une des nombreuses expressions de la constante consolidation des liens de collaboration mutuelle entre l'Eglise catholique romaine et le COE. A quelques semaines de son départ, María Arantzazu Aguado est convaincue que "le COE est une bonne nouvelle pour le monde".

Née au Pays basque espagnol dans une famille catholique, María Arantzazu Aguado est appelée très jeune à devenir éducatrice et à s'engager dans l'Eglise en tant que laïque. Ainsi, elle a d'une part suivi une formation d'institutrice et de pédagogue et, d'autre part, elle a rejoint puis dirigé l'Institución Teresiana, l'une des diverses formes qu'a prises le mouvement laïque né au début du siècle au sein du catholicisme romain. C'est également son engagement laïque qui l'a amenée à faire partie, dix années durant, du Conseil pontifical pour les laïcs, en tant que membre et consultante.

C'est en 2005 que María Arantzazu Aguado a été invitée à rejoindre le COE en tant que consultante catholique, alors qu'elle travaillait à Chicago, aux Etats-Unis, dans le domaine de l'éducation des adultes au sein des populations immigrées.

Comment êtes-vous arrivée à ce poste?

Tout a commencé par une communication de Rome. On m'appelait du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens. On m'a demandé si j'étais prête à servir de cette manière. Il s'agissait de promouvoir la coopération entre l'Eglise catholique et le COE.

Et c'est ainsi que vous vous êtes devenue une sorte d'"espionne du Vatican" au Centre œcuménique?

Non, pas du tout (rires)! Je dirais plutôt un pont, une médiatrice de la coopération entre le Conseil pontifical et le COE dans le domaine de la mission et de l'évangélisation. En fait, je ne suis pas la seule "envoyée" catholique parmi le personnel du COE; il y a aussi en permanence un professeur catholique à l'Institut œcuménique de Bossey.

En quoi votre travail consistait-il, concrètement?

A ce poste, on fait partie intégrante du personnel fixe du Conseil œcuménique. Ainsi ai-je participé avec des collègues d'autres Eglises à toute une série d'études, de rencontres et d'autres travaux. Ces dernières années, mon domaine de prédilection était la mission et la spiritualité. J'ai été très heureuse de pouvoir apporter ma contribution dans ce domaine, compte tenu de l'accent que les catholiques mettent sur l'œcuménisme spirituel, et d'établir des contacts non seulement avec mes collègues ici même, mais aussi avec tout un réseau de spécialistes issus d'Eglises du monde entier.

Nous avons entre autres mis en place une série de forums de dialogue axés sur une spiritualité de la mission transformatrice, c'est-à-dire qui est engagée en faveur de la paix et de la justice dans le monde. Parmi les autres domaines auxquels nous nous sommes intéressés figurent notamment la guérison, les préoccupations des femmes, les relations interreligieuses, la postmodernité, ainsi que la sauvegarde de la création.

Les résultats de nos travaux sont présentés en partie dans plusieurs monographies de l'International Review of Mission (Revue internationale de la mission). De plus, j'ai personnellement collaboré avec la Commission de mission et d'évangélisation du COE et j'ai participé au processus préparatoire de la conférence d'Edimbourg 2010, qui commémorait le centenaire de la Conférence mondiale des missions d'Edimbourg, en 1910.

L'un des fils conducteurs de tout ce travail était l'élaboration d'une nouvelle déclaration sur la mission et l'évangélisation. La Commission de mission et d'évangélisation et l'équipe chargée de la mission au COE y accordent une attention particulière et ce travail pourrait être une contribution à la Dixième Assemblée du COE à Busan, Corée du Sud, en 2013. Cette déclaration aura pour objectif de mettre à jour la conception œcuménique de la mission chrétienne.

Que retenez-vous de cette expérience de cinq années?

Je suis contente d'avoir contribué à faciliter la coopération entre l'Eglise catholique et le COE. En outre, travailler au Conseil œcuménique des Eglise m'a changée, cela m'a touchée de l'intérieur. J'ai vécu ces années comme une chance privilégiée de vivre la foi et de faire un bout de chemin avec des chrétiens d'autres traditions. J'ai affirmé mon identité catholique tout en découvrant d'autres traditions chrétiennes que j'ai appris à aimer. Pour moi, le rêve de Jésus que tous ses disciples soient un prend la forme d'un œcuménisme de la vie quotidienne, avec des visages concrets; ce travail a transformé mon expérience de la foi et, aujourd'hui, je ne pourrais pas vivre autrement.

Pourtant, les relations entre les différentes confessions chrétiennes ne sont pas toujours faciles…

Quand on m'a proposé ce poste, on m'a dit qu'il fallait une personne ayant une vaste expérience de l'Eglise. Mon rôle n'a pas été de "défendre" une position, pour ainsi dire, mais d'être prête à aller de l'avant avec les autres et à comprendre d'autres réalités. Je n'ai pas pris part à des discussions doctrinales, par exemple, mais à un dialogue ayant pour but de chercher à avancer ensemble sur le chemin de la mission. Nous avons tant de choses en commun!

Avez-vous connu des frustrations?

Je ne parlerais pas de frustrations mais plutôt, à certains moments, d'épreuves d'attente et de patience. Pendant ces cinq années, le COE a connu de nombreux changements. Nous avons donc dû avancer en nous adaptant au processus de restructuration. Cela a sans doute nécessité de ma part une capacité d'adaptation, mais cela a été par ailleurs une excellente expérience qui m'a beaucoup appris.

Vous partez: que va-t-il se passer?

Mon successeur a déjà été désigné; il s'agit d'Annemarie Mayer, professeure d'œcuménisme à l'Université de Tübingen, en Allemagne, elle aussi laïque. En ce qui me concerne, je vais dans un premier temps aller à Rome, où je travaillerai avec l'Institución Teresiana non seulement dans le domaine de la spiritualité, mais aussi pour préparer notre centenaire, en 2011. Nous espérons que ce sera l'occasion de donner un nouvel élan à la mission des laïcs catholiques dans le monde.

Avec celle qui vous succède, cinq femmes auront occupé ce poste depuis sa création dans les années 1980. Pourquoi toujours des femmes? Apportent-elles quelque chose de particulier?

Je ne crois pas que cela ait été voulu, mais je pense que c'est une bonne pratique. Mes trois prédécesseurs étaient des religieuses qui avaient beaucoup d'expérience dans le domaine de la mission. J'ai été la première laïque. Je pense que ce qui détermine le choix du Conseil pontifical, c'est l'expérience missionnaire. Sans tomber dans les stéréotypes, peut-être que les femmes peuvent apporter une sensibilité, une façon particulière de voir la réalité de l'Eglise, une certaine capacité à jeter des ponts, qu'ont aussi bien évidemment les hommes. Les points de vue des hommes et des femmes sont complémentaires.

Quel bilan faites-vous de votre travail au COE au cours de ces cinq années?

Je me considère très chanceuse et je suis très reconnaissante envers Dieu et tous ceux qui ont rendu cette expérience possible. Cela a été une de ces surprises que Dieu nous réserve et, comme me l'avait prédit lors de ma nomination le cardinal Walter Kasper, alors président du Conseil pontifical, cela a été l'occasion d'un renouveau spirituel. Travailler au COE a donné une nouvelle dimension communautaire à ma foi et a élargi mon cœur.

Maintenant que vous le connaissez de l'intérieur, que pensez-vous du COE?

Je crois que le COE porte en lui une semence de vie qui est appelée à porter ses fruits dans le monde, le fruit de l'unité. Le COE est une bonne nouvelle pour le monde.

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 (*) Juan Michel est responsable des relations médias au COE.

Commission de mission et d'évangélisation


Collaboration entre l'Eglise catholique romaine et le COE