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Photo: Ivars Kupcis/COE

Photo: Ivars Kupcis/COE

Dr Alexander M. Schweitzer est le directeur exécutif du Ministère biblique et le directeur des Traductions bibliques internationales pour l’Équipe mondiale des missions, à l’Alliance biblique universelle. À l’occasion de la Journée internationale de la traduction, il s’est confié sur les difficultés des traductions et sur l’immense richesse qu’elles apportent au monde.

Combien existe-t-il de traductions différentes de la Bible aujourd’hui dans le monde?

Dr Alexander Schweitzer: La Bible est intégralement traduite dans 700 langues, le Nouveau Testament, dans plus de 1500, et il existe plus de 1 100 traductions partielles (évangiles, psaumes, livres choisis, etc.). Quand on sait qu’il existe environ 7 100 langues dans le monde, il en reste plus de 3 700 dans lesquelles l’Écriture sainte n’a pas été traduite. Et ces chiffres intègrent les langues des signes.

Quelles sont les traductions les plus récentes?

AS: Bien qu’une traduction de toute la Bible ou du Nouveau Testament prenne plusieurs années, tous les ans des centaines de langues reçoivent leur première traduction. Parmi les traductions de l’année dernière figurent des langues comme le lusamia-lugwé (Ouganda et Kenya, 650 000 locuteurs et locutrices), le kalanga (Botswana, 142 000), le roti (Indonésie, 30 000) ou le malto (Inde, 51 000) – pour les Bibles intégrales. Parmi les traductions du Nouveau Testament, on compte le waray du Nord (Philippines, 632 000 locutrices et locuteurs), le blin (Érythrée, 112 000), le korku (Inde, 550 000) et le lémi (Myanmar, 12 000). En 2018, l’Alliance a aidé à réaliser des traductions dans 66 langues parlées par 440 millions de personnes.

Quelle est la plus grande difficulté des traductions?

AS: Une traduction biblique présente des difficultés de plusieurs ordres.

Des difficultés culturelles: les textes bibliques reflètent des cultures particulières du Proche-Orient ancien. Comme il est rare que les réalités culturelles se traduisent facilement dans d’autres cultures, les traducteurs et traductrices se heurtent constamment au même défi: tenter de préserver les traits distinctifs des cultures sémitiques qui font partie du message tout en les rendant compréhensibles pour la culture réceptrice.

Des difficultés linguistiques: la Bible comprend de nombreux genres littéraires différents. Or, beaucoup de langues n’ont pas de littérature correspondant à certains genres présents dans la Bible. Une autre difficulté linguistique est liée au vocabulaire théologique. Des termes fondamentaux comme la rédemption, le pardon, la culpabilité, le lévirat, etc. n’existent pas dans un grand nombre de langues. Comment les traduire quand il n’y a pas d’équivalent littéraire ou théologique?

Les traditions et les théologies des Églises exercent une influence très nette sur le processus de traduction biblique. Ce phénomène devient flagrant quand une traduction a été réalisée dans une langue par le passé et qu’une théologie s’est développée à partir de cette traduction. Souvent, la traduction précédente est traitée comme un «pseudo original», ce qui complique considérablement les changements d’approche pour une nouvelle traduction.

Les difficultés administratives comprennent les questions de financement et, en particulier, la nécessité de réunir la demande locale, les désirs, les besoins et les idées et souhaits des bailleurs de fonds. Pour se familiariser avec la complexité et les subtilités des traductions bibliques et de la situation locale, il est possible d’offrir des occasions d’immersion et de découverte aux bailleurs de fonds, qui viennent souvent de pays industrialisés de l’hémisphère Nord.

Avez-vous un souhait particulier pour la célébration de cette Journée internationale de la traduction?

AS: L’année internationale des langues autochtones proclamée par l’UNESCO nous invite à reconnaître la contribution unique de chaque langue, de chaque culture, pour progresser dans notre compréhension du texte biblique. Je souhaite que la Journée internationale de la traduction nous rappelle non seulement la complexité du travail de traduction, mais aussi qu’elle soit pour nous une invitation à accueillir la diversité linguistique comme un enrichissement et un approfondissement de notre compréhension de la Parole de Dieu, qui veut s’incarner dans ces cultures variées.

Quel est votre verset biblique préféré?

AS: Comme j’essaie de lire la Bible en relation étroite avec ma vie, mes versets ou passages «préférés» ne cessent de changer! Il y a quand même quelques «favoris» récurrents, mis à part des classiques comme le Sermon sur la montagne. Je les trouve souvent dans les Psaumes. L’un deux est le psaume 139 (138), en particulier le début: «Seigneur, tu m’as scruté et tu me connais. Où pourrais-je fuir loin de ta présence? Si je gravis les cieux, te voici! Si je me couche aux enfers, te voilà! Si je fuyais vers l’aurore, ou si je vivais au-delà des mers, tu serais là pour me conduire, pour me venir en aide.»

Alliance biblique universelle