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Un village bédouin sur les collines au sud d'Hébron. Un château d'eau appartenant à une colonie israélienne se dresse à l'horizon. © EAPPI Photo en haute résolution

Par Patrick Franks and Miranda Rosoux (*)

Des rangées de maisons de banlieue proprettes s'étendent sur le coteau aride. Un château d'eau se dresse au-dessus d'elles, irrigant des jardins verdoyants. Mais de l'autre côté de la clôture qui cerne cette colonie de Cisjordanie se trouve la minuscule communauté bédouine d'Umm Al Kher, dont les habitants manquent désespérément d'eau.

Ici, sur les collines au sud d'Hébron, cela fait plusieurs mois que les précipitations sont trop rares. Un sol sec et rude de roche grise s'étend à perte de vue. Mais les habitants de la communauté qui ont rencontré des observateurs du Programme d'accompagnement œcuménique en Palestine et Israël (EAPPI) disent que les effets de la récente sécheresse exacerbent une crise de l'eau dont les causes sont humaines.

La communauté n'est reliée à aucun réseau de distribution d'eau et l'armée israélienne refuse d'octroyer des permis pour creuser des puits. La communauté est obligée d'acheter de l'eau à Mekorot, la société nationale israélienne de distribution d'eau, qui facture 5 shekels (environ 0,90 euros) par mètre cube. A ce coût, les bergers d'Umm Al Kher ne peuvent pas irriguer les cultures. La seule autre source en eau d'Umm Al Kher est une conduite pas plus grosse qu'un tuyau de jardin, qui est raccordée à la pompe de la colonie.

"Parfois, ils coupent l'eau pendant plusieurs jours", a affirmé un habitant d'Umm Al Kher à Miranda Rosoux, une accompagnatrice œcuménique originaire de Grande-Bretagne. "Nous avons assez d'eau pour boire et nous laver, mais il ne reste rien pour l'agriculture."

Les accompagnateurs œcuméniques, mandatés par le Conseil œcuménique des Eglises pour offrir une présence protectrice et surveiller la situation des droits de la personne à travers la Cisjordanie, se rendent régulièrement dans les villages des collines du sud d'Hébron. Ces communautés isolées sont confrontées d'une part aux difficultés que pose la confiscation des terres et à la violence des colons israéliens et, d'autre part, aux restrictions qu'impose l'armée israélienne à toute construction.

L'organisation Amnesty International a récemment mené une enquête sur les politiques de l'eau menées par Israël dans les territoires palestiniens occupés. Elle révèle qu'une foule de mesures existent pour empêcher les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza d'obtenir suffisamment d'eau. La démolition d'installations de stockage et les obstacles à l'accès aux aquifères, ainsi que les interdictions de creuser des puits, tout cela fait que jusqu'à 200 000 Palestiniens de collectivités rurales n'ont pas du tout accès à l'eau courante.

De leur côté, les colons israéliens ne connaissent pas ces difficultés. Avec leurs fermes intensivement irriguées, leurs jardins luxuriants et leurs piscines, ils consomment chacun en moyenne 300 litres d'eau par jour. La consommation moyenne d'un Palestinien se monte à environ un quart de cela, un niveau bien éloigné du minimum de 100 litres recommandé par l'Organisation mondiale de la Santé. Dans certains cas, des Palestiniens survivent avec aussi peu que 20 litres par jour, généralement apportés par camion-citerne. Pour les communautés qui dépendent de l'agriculture pour leur survie, le manque d'eau est critique.

Pas d'eau pour les fermes, pas de passage pour les bergers

Ces problèmes exacerbent les conséquences d'une sécheresse qui dure. Par le passé, lorsque les bédouins étaient confrontés à des périodes de sécheresse, ils se déplaçaient pour trouver de meilleurs pâturages. Mais de nos jours, la majeure partie des bons pâturages ne sont plus accessibles, confisqués par les colonies israéliennes qui s'étendent inexorablement à travers le paysage.

Les bergers palestiniens sont assujettis à des restrictions de mouvement imposées par l'armée israélienne et menacés par la violence des colons israéliens, qui les empêchent de faire paître leurs bêtes dans certaines zones. De jeunes colons armés menacent régulièrement le village lui-même. Récemment, ils ont fait une percée à travers la clôture de sécurité pour aller voler les quelques maigres poules des bédouins. Les injures et les jets de pierres sont également fréquents.

Salim, un berger d'Umm Al Kher, affirme que les plaintes concernant les problèmes d'eau oublient quelle en est la cause fondamentale. Pour améliorer la situation de l'eau, Umm Al Kher doit construire des tuyaux, mais le village se trouve dans une zone pour laquelle les autorités israéliennes refusent d'accorder des permis de construire aux Palestiniens.

Tout récemment, en octobre, les autorités israéliennes ont déclaré à des organisations non gouvernementales de développement qu'elles violent la loi si elles construisent dans le village. Les Accords d'Oslo de 1994 ont placé le village en "Zone C", c'est-à-dire qu'il se trouve totalement sous contrôle militaire et civil israélien. Les autorités israéliennes n'octroient pas de permis aux Palestiniens de la Zone C, donc bien que les habitants aient des documents prouvant qu'ils sont propriétaires des terres, ils ne peuvent pas construire dessus.

La frustration qui en résulte se ressent dans le village. Ses habitants vivent au-dessous de câbles électriques qui relient la colonie à un élevage de poulets en batterie installé à proximité, qui appartient également aux colons. Mais les villageois d'Umm Al Kher ne sont pas reliés au réseau électrique. Et bien qu'ils soient en possession des documents qui prouvent qu'ils sont propriétaires de cette terre, chaque structure construite par les bédouins depuis 1967 est sous le coup d'un ordre de démolition, même les tentes. Plusieurs bâtiments ont déjà été détruits, y compris un bloc sanitaire.

Eid, le fils d'un ancien du village, refuse de se laisser abattre. "Chaque fois qu'ils détruiront nos bâtiments, nous les reconstruirons. Cette terre est la nôtre", a-t-il affirmé.

Sa détermination n'occulte pas le fait qu'Umm Al Kher se trouve dans une situation précaire. Les pluies d'hiver peuvent transformer ces collines en prairies verdoyantes pendant quelques mois, mais l'avenir à long terme des communautés bédouines comme Umm Al Kher est compromis.

(*) Patrick Franks et Miranda Rosoux sont des membres du Programme d'accompagnement œcuménique en Palestine et Israël.

Programme d'accompagnement œcuménique en Palestine et Israël (EAPPI)

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