Par Juan Michel (*)

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Que dit la Bible à propos des changements climatiques? Quelles sont les perspectives théologiques que les Eglises peuvent offrir à un monde confronté à une crise écologique sans précédent?

Ces questions abordées lors d’un séminaire public organisé le 15 décembre 2009 sur le thème "La création et la crise climatique", auquel assistaient des représentants d’Eglises présents au sommet des Nations Unies sur le climat, semblent encore plus pertinentes maintenant que ce sommet n'a pas permis de conduire à l'accord juste et contraignant que beaucoup de monde espérait.

"Il n’y a pas de relation évidente entre l’Evangile et les changements climatiques", a déclaré Jakob Wolf, président du Département de théologie systématique de l’Université de Copenhague, qui accueillait le séminaire conjointement avec le Conseil national des Eglises du Danemark.

Toutefois, dans la mesure où les changements climatiques sont la conséquence d’activités humaines, ils constituent un problème qui relève de la sphère éthique, car les êtres humains sont responsables de leurs actes. L’exigence éthique de l’amour du prochain est applicable dans ce cas, étant donné que "la planète terre est devenue notre prochain", a affirmé Wolf, et qu’elle est "vulnérable à l’activité humaine".

Selon Wolf, une vision théologique de la planète et de la vie sur cette terre en tant que création de Dieu confère à celle-ci une valeur intrinsèque qui doit inspirer "le respect et l’amour". "Plus nous aimons la vie sur la terre, plus nous sommes prêts à agir de manière désintéressée", a-t-il ajouté.

La contribution de la théologie et de la foi chrétiennes à la lutte contre les changements climatiques s’appuie sur une motivation large, profonde et "beaucoup plus vigoureuse" que si elle était fondée sur "des calculs froids et un devoir accompli sans conviction". C’est là un élément capital, car l’humanité a "tous les outils en main" pour agir contre les changements climatiques. "Seule la volonté manque."

Non pas l’apocalypse, mais l’espérance

La bibliste Barbara Rossing, professeure à l’Ecole luthérienne de théologie de Chicago, Etats-Unis, s’est déclarée d’accord avec Wolf pour reconnaître que "la Bible ne dit rien des changements climatiques." Elle est convaincue néanmoins que les chrétiens peuvent fonder sur la Bible leur intervention face aux changements climatiques.

Rossing prend pour point de départ la question: "Où est Dieu dans cette crise?" Elle rejette l’idée que Dieu punit l’humanité, et préfère voir Dieu "se lamenter avec le monde".

Selon sa lecture du livre de l’Apocalypse, "Dieu pleure pour la terre plutôt qu’il ne la maudit". Les fameux fléaux ne sont pas des prédictions, mais des menaces et des avertissements, des appels à se réveiller, des projections dans l’avenir des conséquences logiques qu’auraient les actions humaines si leur cours demeure inchangé.

En fait, estime Rossing, le livre de l’Apocalypse n’annonce pas la fin du monde, mais celle de l’Empire. Ainsi, malgré le caractère insoutenable des systèmes actuels de consommation et de l’économie à base de carbone, elle y distingue un message d’espérance: "La catastrophe n’est pas nécessairement inévitable: nous avons encore le temps de changer."

Cette "vision de l’espérance pour aujourd’hui" est une contribution essentielle que la théologie et la foi chrétiennes peuvent apporter aux efforts entrepris dans le monde pour lutter contre les changements climatiques.

La dimension œcuménique des changements climatiques

"D’une façon très menaçante et très alarmante, la crise climatique nous rapproche en nous sensibilisant au fait que nous sommes une seule humanité, une seule communauté de croyants, une seule Eglise", a déclaré Olav Fykse Tveit, secrétaire général élu du Conseil œcuménique des Eglises (COE).

"Nous sommes appelés à donner un signe de ce que signifie être une seule humanité, de ce que signifie l’amour de Dieu pour le monde entier", a affirmé Tveit. Alors que les Eglises se rassemblent pour donner ce signe, le fait que nous nous confrontions au phénomène des changements climatiques "nous unit d’une manière très spéciale: en tant qu’Eglises, en tant que croyants".

Le message proclamant que Dieu aime le monde et chaque créature sur terre "est à la base de l’élan œcuménique face aux changements climatiques", a ajouté Tveit, en rappelant la longue histoire des préoccupations du COE à l’égard des questions écologiques.

Dans la perspective œcuménique, le souci de la création a toujours été lié à celui de la justice et de la paix. "Il n’est pas question de dire que cette planète est à quelques-uns d’entre nous, a-t-il indiqué, la terre est notre planète à tous et à toutes."

Jesse Mugambi, de l’Université de Nairobi, membre du groupe de travail du COE sur les changements climatiques, va dans le même sens: "Le monde est un monde dans lequel nous sommes tous parents, mais à un moment ou à un autre nous avons décidé […] de nous traiter réciproquement en étrangers".

En Afrique, a expliqué Mugambi, les changements climatiques causent déjà de graves sécheresses d’une part, et des inondations de l’autre. A l’aide de cartes, il a montré que les parties du continent qui sont riches en eau et en terres cultivables sont aussi les zones de plus grand conflit. Un tel conflit "n’a rien à voir avec l’ethnicité, il porte sur les ressources."

Pour Mugambi, le rôle de la foi chrétienne et de la religion en général – par la voix des responsables, des théologiens et des spécialistes de l’éthique – est de "nous ramener aux normes" qui peuvent nous aider à relever un défi tel que celui des changements climatiques.

"La question n’est pas d’'aider' les pays africains, a-t-il dit. Il ne s’agit pas d’apporter une 'aide', mais d’assurer notre survie à tous."

(*) Juan Michel est responsable des relations avec les medias au COE.

Enregistrements audio du séminaire

Photo haute resolution du séminaire (de g. à d.: Barbara Rossing, Jakob Wolf, Jesse Mugambi, Olav Fykse Tveit; © WCC/Peter Williams)

Galerie de photos

Activités du COE en rapport avec les changements climatiques

Département de théologie systématique, Faculté de théologie, Université de Copenhague

Conseil national des Eglises du Danemark