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Hendrew Lusey-Gekawaku

Hendrew Lusey-Gekawaku lors d’une conférence internationale sur la paix et la sécurité en République démocratique du Congo, en mai 2015, au Centre œcuménique de Genève.

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Le Conseil œcuménique des Églises (COE) rend hommage à Hendrew Lusey-Gekawaku, décédé le 13 octobre 2020. Infirmier diplômé et professionnel de la santé publique, cet œcuméniste né en 1966 a apporté une contribution considérable aux actions œcuméniques et interconfessionnelles contre le VIH/sida. Il était membre de la Communauté évangélique du Kwango, en République démocratique du Congo (RDC). Son engagement et sa passion pour l’influence positive que les Églises et les institutions théologiques peuvent exercer en matière de promotion de la santé et de la justice ont été salués par ses anciens collègues, des personnalités ecclésiastiques et des membres du Groupe de direction du programme Initiatives et plaidoyer œcuméniques pour la lutte contre le VIH et le sida (EHAIA) du COE.

Dans une lettre pastorale de condoléances, le père Ioan Sauca, secrétaire général intérimaire du COE, a rendu hommage à ce leader charismatique, professionnel de la santé, théologien laïc et serviteur révolutionnaire de Dieu, qui avait une compassion et une empathie profondes pour les besoins de ses semblables.

«Il a inspiré et accompagné d’innombrables vies, des villages les plus reculés aux congrégations et aux universités du monde entier, a écrit le secrétaire général intérimaire. Sa voix limpide qui exprimait les réalités brutales de la souffrance humaine face au VIH et à la violence continuera de briller dans nos vies.»

Dans son message de condoléances, le pasteur Godson Lawson-Kpavuvu, président du Groupe de direction de l’EHAIA et ancien secrétaire général de l’Église méthodiste du Togo, a écrit: «Hendrew était pour moi un homme d’un immense dévouement au service, animé d’une générosité et d’une ouverture aux autres incommensurables. De fait, nous n’entendrons plus sa voix durant nos réunions, cette voix limpide, parfois ironique, qui exprimait les réalités difficiles de la souffrance humaine face au VIH.»

Hendrew Lusey-Gekawaku avait été engagé comme coordinateur régional de l’EHAIA pour l’Afrique centrale francophone, un poste qu’il a occupé jusqu’en février 2019, lorsque la maladie l’a obligé à se retirer.

La secrétaire générale adjointe du COE, Isabel Apawo Phiri, garde le souvenir d’un «collègue très serviable»: «En tant que coordinateur régional pour l’Afrique centrale, il travaillait dans des conditions très difficiles, mais il trouvait toujours le moyen d’être efficace. Je me souviens surtout de lui pour la serviabilité dont il a fait preuve lorsque nous avons organisé la visite d’une équipe de pèlerines du COE en République démocratique du Congo, en 2017-2018. Il était déjà malade à l’époque, mais nous l’ignorions pour la plupart d’entre nous. Il a fait beaucoup plus que son devoir, veillant à ce que les préparatifs de la réunion avancent bien. Je me souviens aussi du chercheur. Il était déterminé à étayer son travail avec les jeunes sur le VIH par des articles de recherche universitaire de grande qualité. Il m’envoyait une copie de ses articles publiés. C’est un riche héritage qu’il nous laisse. Puisse son âme reposer en paix, et le Saint-Esprit consoler sa famille.»

Cet homme engagé était également doctorant à la division Épidémiologie et santé mondiale du Département de santé publique et de médecine clinique de l’Université d’Umeå, en Suède, où il a participé à la publication d’articles sur les masculinités dans le contexte du VIH en Afrique subsaharienne, et plus particulièrement sur les jeunes en RDC.

Le docteur Manoj Kurian, coordinateur de l’Alliance œcuménique «agir ensemble» du COE, se souvient: «Hendrew restera toujours pour moi un frère très cher. Il a fait partie de l’épopée du EHAIA depuis sa genèse, rejoignant l’aventure dès 2002, pour équiper et accompagner les Églises et les communautés dans leur combat contre le VIH. En tant qu’infirmier diplômé et formé à la santé publique, il avait une compassion et une empathie profondes pour les besoins de ses semblables. C’était un excellent professeur, très compétent, et il avait une soif d’apprendre qu’il a continué d’entretenir avec beaucoup de succès dans des centres de formation réputés jusqu’à la fin de ses jours. Avec une grande humilité, sans élever la voix, il pouvait aborder les questions les plus difficiles, qu’il s’agisse de violence ou de sexualité humaine, de manière très ouverte, calme, communicative, sans jamais transiger sur les faits ni sur les principes éthiques et moraux. Hendrew a fait beaucoup pour la population et pour les Églises, mais le chemin qu’il reste à accomplir est semé d’embûches, et sa disparition se fera sentir pendant de longues années.»

Et le Dr Kurian de conclure: «L’insuffisance des systèmes et des services de santé dans la région où il vivait a contribué à la mort prématurée de notre frère, un infirmier qui a passé sa vie au service de ses semblables. Sa disparition nous rappelle les disparités injustifiables des services de santé qui existent un peu partout dans le monde aujourd’hui. Que Dieu nous aide à en prendre conscience et à insuffler des transformations durables.»

Le pasteur Rostand Ella Essono, de l’Église évangélique du Gabon, écrit pour sa part: «L’action d’Hendrew Lusey au Gabon était très visible au début des années 2000, juste après la validation du plan d’action. Son travail sur la déconstruction de la masculinité hégémonique a été tout à fait crucial. Le fait d’aider les jeunes à devenir des acteurs de la transformation de la condition des femmes a eu un impact formidable. Il a passé un bon moment avec nous. Il a tout donné pour le combat en Afrique centrale, notamment au Gabon.»

Dans un long éloge funèbre, son ami et collègue le père Jean Kazadi Katumbay, prêtre catholique, éducateur et ancien membre du Groupe de direction de l’EHAIA, décrit Hendrew comme «un meneur de troupe, théoricien et homme d’action, qui avait de grandes capacités d’analyse et de mise en situation. Avec beaucoup de discrétion et de circonspection, il a fait bouger les lignes ecclésiastiques sans chercher à se faire connaître. C’est par sa médiation, par exemple, que le cardinal Etsou, alors archevêque catholique de Kinshasa, a pu célébrer le mariage d’un protestant et d’une catholique dont le parrain (Hendrew Lusey) était protestant. Par son travail méthodique, il a été un provocateur de la Révolution culturelle et religieuse. Il savait comment cibler les leaders d’opinion qui pouvaient inverser les tendances institutionnelles.»

«Il restera pour moi une icône de la Révolution culturelle et de la résistance intelligente, a ajouté le prêtre. Un homme éclairé, habité par l’ambition d’exporter ses convictions personnelles et celles du Conseil œcuménique des Églises.»

Le professeur Musa Dube, ancien consultant en théologie de l’EHAIA, a déclaré: «Oui, nous sommes reconnaissants du temps que nous avons pu passer avec lui et de tout ce qu’il nous a donné, à nous, à l’Afrique et au monde. Je suis convaincu que les graines de son action continueront de pousser sur la Terre Mère.»

Pour le professeur Ezra Chitando, consultant en théologie et coordinateur régional de l’EHAIA pour l’Afrique australe, «Hendrew laisse le souvenir attachant de son engagement passionné en faveur de la promotion de la santé au sein des Églises en général, et de l’engagement constructif des hommes en particulier. Ses études doctorales et ses publications sont devenues la norme en matière d’analyse et d’appréciation du rôle des garçons et des hommes dans la lutte contre le VIH au sein des communautés religieuses. Le mouvement œcuménique a perdu un visionnaire qui savait faire rire, même lorsqu’il traitait de questions sérieuses.»

La coordinatrice régionale de l’EHAIA pour l’Afrique de l’Ouest, Ayoko Bahun-Wilson, est celle qui a travaillé le plus longtemps avec lui, à partir de mai 2003. Elle écrit: «C’était un homme de foi, de prière, un homme d’action, jovial, au sourire facile, plein d’humour et surtout un bosseur! J’ai du mal à accepter la disparition d’un être cher avec qui j’ai partagé tant de moments de joie et de célébration dans des périodes difficiles. Hendrew était un homme qui aimait son travail, un professionnel que nous appréciions tous. Il se souciait toujours de l’intérêt et du bien-être des autres, au point de s’oublier lui-même. Je me souviens aussi de ta voix, Hendrew, quand tu m’as dit: “Ayoko, nous devons nous inscrire en doctorat, nous pouvons le faire, et nous avons tout ce qu’il nous faut pour atteindre notre objectif.” Je n’ai pas eu le courage de te suivre, mais tu as été téméraire, tu t’es lancé et la maladie t’a empêché d’aller jusqu’au bout.»

Joël Bamanisa, assistant administratif et comptable au bureau régional de l’EHAIA pour l’Afrique centrale depuis de longues années, confie la difficulté d’accepter «le décès de quelqu’un qui nous est si cher».

Isis Kangudie, coordinatrice régionale de l’EHAIA pour l’Afrique centrale, se souvient de leur rencontre en 2010 à Yaoundé, au Cameroun: «Hendrew, un homme intelligent et plein de tact, avait beaucoup d’humour et d’humanité. Il était consciencieux et patient. Il savait écouter et rendre service. Il était toujours organisé et préparé. Il m’a appris à apprécier le travail et non l’argent. Il m’a appris à toujours m’efforcer d’atteindre mes objectifs. Chaque fois que nous nous voyions, il avait toujours un conseil pour moi. Quand il a appris que j’étais prête à abandonner, il est venu me chercher et il m’a encouragée. Il m’a aidée à travailler sur mon estime de soi et ma féminité. Il a été mon coach dans tous les domaines de ma vie.»

Fulata Mbano Moyo, ancienne employée du COE, raconte: «Pour moi, c’était un collègue de l’EHAIA, jusqu’à ce que je collabore avec lui sur le processus des masculinités et féminités positives/transformatrices. À l’époque, il travaillait sur un sujet similaire pour son doctorat. Il racontait son histoire et faisait part de ses réflexions avec une pointe d’humour. Nous nous sommes colletés avec des questions de privilèges et de désavantages du patriarcat, avec l’impact des violences sexuelles et sexistes… mais notre douleur, notre colère et parfois nos larmes étaient toujours accompagnées d’un immense éclat de rire. Quelquefois, nous nous moquions de nous-mêmes, parce que nous avions eu assez de naïveté ou d’opportunisme pour être cooptés par ce système de discrimination qui tend à vous réduire à moins qu’un être humain quand vous ne rentrez pas parfaitement dans ses catégories. Je me sers de ces moments d’autodérision et de ces idées pour m’opposer à ce système et pour y mettre fin. Adieu, Hendrew! Profite de la présence aimante du Créateur. Tu devais être la bonté dont ce monde a désespérément besoin.»

Hendrew Lusey-Gekawaku, qui appréciait la compagnie de membres du clergé et de théologiens et théologiennes, était méticuleux dans ses fonctions. Comme le confie la pasteure Nyambura Njoroge, coordinatrice et cheffe d’équipe à l’EHAIA depuis avril 2007, il n’hésitait jamais à signaler quand il sentait que le train de l’EHAIA «déraillait»: «Dans ses rapports d’activité, Hendrew insistait sur le fait qu’on ne peut pas mettre fin aux nouvelles infections par le VIH et maintenir les personnes vivant avec le VIH sous traitement et en bonne santé sans s’attaquer avec vigueur et persévérance à la violence sous toutes ses formes. Il veillait également à ce que toutes les interventions sur le VIH en Afrique centrale soient guidées par des réflexions bibliques et théologiques. Parmi ses principales contributions figurent deux publications du COE, Modèles de prédications et de méditations bibliques dans le contexte du VIH/SIDA en Afrique (2003) et Féminités et masculinités: Guide sur leurs perceptions, significations et répercussions en milieux congolais RDC à l’ère du VIH et sida (2019).»

Les funérailles auront lieu à Bruxelles le 23 octobre.