Modérées par le pasteur Jerry Pillay, secrétaire général du COE, les rencontres de pèlerinage donnaient la parole à des responsables d’Églises et théologien‑ne‑s locaux qui ont parlé du rôle prophétique des Églises de toute l’Afrique du Sud dans le démantèlement du régime déshumanisant de l’apartheid. Des étapes importantes, telles que le document Kairos et la Confession de foi de Belhar, ont mis en cause la complicité de l’État et des Églises dans le système.
Le pasteur Frank Chikane, de la Mission Apostolique d’Afrique du Sud, a présenté le contexte dans lequel le document Kairos a été développé. L’ancien secrétaire général du Conseil des Églises d’Afrique du Sud et ancien modérateur de la Commission des Églises pour les affaires internationales du COE a expliqué que « le but n’avait jamais été d’en faire un document… le document Kairos est né de la pratique au cœur d’une lutte… il a été développé à une époque où les gens mouraient, et se demandaient ‘Où est Dieu?’ et ‘Qu’est-ce que Dieu veut que nous fassions?’ ».
La professeure Puleng LenkaBula (Église évangélique presbytérienne d’Afrique du Sud), directrice et vice-chancelière de l’Université d’Afrique du Sud, a soulevé des questions profondes sur la théologie ecclésiale et la société. Elle a fait remarquer que les personnes qui avaient créé et imposé le système oppressif, la violence et l’injustice en Afrique du Sud étaient elles-mêmes chrétiennes ; dès lors, elle a invité les participant‑e‑s à réfléchir à « ce pour quoi nous faisons de la théologie, et comment nous faisons de la théologie » et leur a rappelé que la mission de Dieu impliquait « des actes tangibles de solidarité ».
Monseigneur Sithembele Sipuka, président du Conseil des Églises d’Afrique du Sud et évêque catholique romain, a affirmé que le rôle de l’Église était de continuer à déployer ses efforts en faveur d’une gouvernance juste. « La démocratie, ce n’est pas voter une fois toutes les X années et ne plus demander de comptes aux responsables. »
Au cours des discussions, Jacques Heymans, jeune conseiller, a expliqué que le document Kairos « n’était pas juste une protestation ; c’était un cri théologique contre un système qui avait pris pour déguisement le langage de la foi, tout en anéantissant la vie des pauvres ». « Dans ce nouveau moment Kairos, l’Église va-t-elle se repentir des systèmes qui réduisent au silence et marginalisent ses propres jeunes ? », a-t-il interrogé.

Le père Michael Lapsley (Église anglicane d’Afrique du Sud), fondateur de l’Institut pour la guérison des mémoires, prend la parole lors d’une rencontre de pèlerinage avec le contexte local d’Afrique du Sud organisée pendant la réunion 2025 du Comité central du Conseil œcuménique des Églises, qui s’est tenue à Johannesburg (Afrique du Sud) du 18 au 24 juin 2025.
Le père Michael Lapsley, prêtre de l’Église anglicane d’Afrique du Sud, a raconté comment un bombardement en 1990 s’était révélé rédempteur en entraînant la fondation de l’Institut pour la guérison des mémoires, qui subvient aux besoins de guérison psychologique, émotionnelle, spirituelle et économique en Afrique du Sud et maintenant dans le monde entier.
Lapsley a suggéré que le patriarcat et la violence basée sur le genre étaient les blessures les plus anciennes de l’humanité, tout en soulignant également les blessures du racisme, du génocide, du colonialisme, de la cupidité, du matérialisme, de la destruction du climat et d’autres injustices. Évoquant la situation en Palestine, à Gaza et sur d’autres territoires en guerre, il a défié les Églises mondiales en déclarant qu’« on nous demandera des comptes sur ce que nous avons fait pendant le génocide, pas sur ce que nos déclarations ont affirmé » et en les invitant à se concentrer « davantage sur l’orthopraxie que sur l’orthodoxie ».
Lors de la table ronde, le modérateur a interrogé les responsables d’Églises d’Afrique du Sud sur la manière dont ils et elles s’attèlent à la réconciliation dans leurs contextes respectifs.
Le pasteur Gustav Claassen, de l’Église réformée néerlandaise, a été sollicité sur l’histoire du génocide à l’encontre des fermiers blancs en Afrique du Sud. Il a répondu : « c’est un discours tiré par les cheveux et politisé ; les chiffres très élevés de fermiers assassinés font partie intégrante des statistiques désastreuses du niveau de violence dans notre pays ».
Les participant‑e‑s d’une table ronde ont fait remarquer que la Confession de foi de Belhar identifiait Dieu comme se tenant aux côtés des personnes pauvres et marginalisées d’une manière très spécifique, et que l’Église devrait se tenir là où Dieu se tient. Ils et elles ont mis en garde contre le fait de concevoir la guérison à partir du centre ou de dire aux personnes comment elles devraient ressentir leur douleur. Ils et elles ont également insisté sur le besoin impératif de justice pour les voix qui sont réduites au silence comme celles des Héréro, du peuple du Matabeleland et d’autres populations dans des lieux marqués par la violence et le génocide.
Les participant‑e‑s ont été invité‑e‑s à mener une réflexion théologique sur leurs propres contextes en s’inspirant de l’expérience sud-africaine, et à discerner comment l’Église peut continuer à agir pour la justice et la guérison dans un monde fracassé.
Comité central du COE, juin 2025
Enregistrement vidéo du Comité central, jour 2

Le responsable ecclésial et civique, le pasteur Frank Chikane de la Mission Apostolique d’Afrique du Sud, prend la parole lors d’une rencontre de pèlerinage avec le contexte sud-africain organisée pendant la réunion du comité central 2025 du COE, qui s’est tenue à Johannesburg (Afrique du Sud) du 18 au 24 juin 2025. Parmi les autres panélistes, on compte la professeure Puleng LenkaBula (Église évangélique presbytérienne d’Afrique du Sud), directrice et vice-chancelière de l’Université d’Afrique du Sud, et Monseigneur Sithembele Sipuka, président du Conseil des Églises d’Afrique du Sud et évêque catholique romain.