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Des AO arrivent pour passer la nuit à Khan al Ahmar. Toutes les photos: Albin Hillert/COE

Des AO arrivent pour passer la nuit à Khan al Ahmar. Toutes les photos: Albin Hillert/COE

Par Albin Hillert*

«10 minutes, c’est la règle. Si à 5h 50 l’autre AO n’est pas levé, vous pouvez faire du vacarme dans votre chambre.»

Le métier de berger commence au lever du jour et les accompagnateurs et accompagnatrices du Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël du Conseil œcuménique des Églises (EAPPI-COE) jouent un rôle particulier en offrant une présence protectrice à la communauté palestinienne de Cisjordanie.

Un groupe d’accompagnateurs et accompagnatrices œcuméniques (AO) basé-es à Jéricho expliquent leur rôle d’accompagnement des communautés du Nord, dans la vallée du Jourdain, où les Bédouins luttent pour garder un accès à leur terre.

Une présence protectrice alors que l’espace de vie rétrécit comme peau de chagrin

La vallée du Jourdain est loin d’être verdoyante. Les températures ont beau être les plus chaudes en juillet et en août, elles atteignent toujours les 35 degrés ou plus en octobre, et les rayons brûlants du soleil ne laissent que peu, voire pas une goutte d’eau dans le lit des rivières et des ruisseaux.

Pourtant, à l’exception des semaines les plus chaudes de l’année, la vallée fournit ce dont les chèvres et les moutons ont besoin pour paître.

Un troupeau de 500 moutons traverse un champ de la vallée du Jourdain. La vallée a longtemps été la terre des Bédouins, mais sous la menace des autorités israéliennes de voir leur maison détruite, et la constante expansion des colonies israéliennes dans la région, bon nombre d’entre eux voient leur espace de vie diminuer de jour en jour.

«Quand on descend, ils nous demandent de monter et quand on remonte ils nous demandent de redescendre, lorsqu’on se dirige vers le sud, ils nous demandent d’aller vers le nord. On ne sait pas où aller», expliquent Deab Abu Malik (droite) et Abu Okab (gauche) aux AO qui rejoignent leur petite communauté au matin.

Les AO accompagnent les bergers dans de nombreuses régions de Cisjordanie, offrant ainsi une présence internationale reconnue pour apaiser les affrontements entre Palestiniens et colons israéliens. La présence des AO aide les Palestiniens à avoir accès à la terre, sans qui ils n’oseraient peut-être plus la cultiver.

Les bergers expliquent que dans la zone C de Cisjordanie, toute terre non cultivée sur une période de trois ans devient propriété de l’État. Il est donc crucial pour les communautés et leurs troupeaux d’accéder régulièrement à leur terre.

À mesure que les moutons atteignent leur pâture, l’allure ralentit et leur berger peut s’arrêter pour se reposer un instant pendant que les bêtes paissent tranquillement à travers le champ.

Impartialité de principe et désescalade

«Je sens que d’une manière ou d’une autre, avec les bergers, notre impact est immédiat», déclare l’une des AO. «Mais c’est également tendu, et lorsqu’un affrontement éclate avec un colon, ça peut nous effrayer aussi. C’est pourquoi, même si le rythme est lent et les moutons broutent, je me retourne dès que j’entends une voiture approcher.»

Deab lève les yeux quand un colon israélien approche à motocyclette, se demandant s’il va s’arrêter pour dégager un nuage de poussière sur le Bédouin.

La situation varie d’un endroit à l’autre en fonction des nombreux sites où se trouvent les AO, qui ont bien conscience que leur présence est celle de témoins d’une zone de conflit, où l’agitation et les actes de violence peuvent éclater en un rien de temps.

«En cas d’affrontement, nous faisons en sorte d’être visibles, mais nous n’interagissons pas avec les colons ou les soldats à moins que l’on nous pose directement une question», confie un AO. «Nous sommes là, nous observons, nous prenons note et nous remarquons souvent que cela a pour effet de calmer la situation.»

«En même temps,» ajoute un autre AO, «c’est si facile de commencer à croire qu’un groupe a toujours le mauvais rôle. Or, tout le monde n’est pas, d’un côté comme de l’autre, à ce point idéologique. C’est pourquoi il est important qu’en tant que présence internationale, nous soyons attentifs et attentives à la manière dont nous agissons et interagissons. Par exemple, il nous est arrivé de rencontrer des colons israéliens, pas parce qu’ils étaient là pour affronter qui que ce soit, mais par pur hasard. Dans ce genre situation, il est important que nous ne fassions pas preuve d’hostilité, de peur d’attiser les tensions.»

Une fois la pâture du matin terminée, Deab conduit son troupeau de moutons sur le chemin du retour. La cadence est surveillée de près, avec des arrêts réguliers pour se reposer. Il déclare qu’il est important que les moutons ne brûlent pas trop vite les aliments qu’ils viennent d’avaler.

De retour à la maison, les moutons reçoivent de l’eau bien méritée, avant de s’allonger à l’ombre.

Un repas simple clôture la visite des AO dans la communauté de ce jour-là, un geste d’hospitalité et un signe de gratitude pour leur présence et la protection qu’ils offrent à la communauté.

Les AO offrent une présence protectrice de jour comme de nuit à Khan al Ahmar, menacé de démolition (publication du COE du 4 octobre 2018)

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*Albin Hillert est chargé de communication pour le Conseil œcuménique des Églises.