Image
Les droits et le statut juridique des personnes d’origine haïtienne en République dominicaine sont menacés Photo: ACT/PWRDF/Simon Chambers

Les droits et le statut juridique des personnes d’origine haïtienne en République dominicaine sont menacés Photo: ACT/PWRDF/Simon Chambers

Photo:

Des responsables d’Église ont vivement critiqué la décision d’un tribunal de République dominicaine de déchoir de leur citoyenneté 200 000 Dominicains d’origine haïtienne. Katharine Jefferts Schori, évêque présidente de l’Église épiscopale des États-Unis, Église membre du Conseil œcuménique des Églises (COE), a – dans une récente interview à Episcopal News Service publiée le 26 janvier – attiré l’attention sur les difficultés auxquelles les apatrides sont confrontés.

«Il faut comprendre qu’à l’heure actuelle, en République dominicaine, se trouvent plusieurs générations d’individus d’ascendance haïtienne – enfants, petits-enfants et même arrière-petits-enfants nés en République dominicaine – à qui on vient de dire qu’ils ne sont pas citoyens, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas avoir de passeport ni de téléphone portable parce qu’ils n’ont pas de numéro d’identité», a expliqué l’évêque Jefferts Schori.

«Dans plusieurs cas, les certificats de naissance ont été détruits ou déclarés invalides. Ces personnes ne peuvent pas aller à l’école, elles ne peuvent pas aller à l’université, elles ne peuvent pas obtenir de crédit; elles ne peuvent tout simplement pas s’insérer dans les secteurs normaux de la société. Ce n’est pas qu’elles sont sans papiers: elles sont privées de papiers», a-t-elle ajouté.

La décision rendue en 2013 est intervenue trois ans après une modification de la Constitution de la République dominicaine abandonnant le jus soli – le droit du sol – qui octroie la nationalité ou la citoyenneté d’un État à quiconque né sur le territoire de celui-ci, droit quasiment universel dans les Amériques. La décision du tribunal est allée dans le sens de la modification de la Constitution, avec une portée rétroactive jusqu’en 1929, dépouillant ainsi de leur citoyenneté trois générations de personnes nées en République dominicaine, explique Lynette Wilson dans un article de Episcopal News Service.

«La dénationalisation imposée par cette décision est un acte injuste et inique; ces individus sont des Dominicains que la décision du tribunal a dépossédés», a déclaré Julio Holguín, évêque de l’Église épiscopale en République dominicaine et membre d’un comité de solidarité constitué d’avocats, de militants et d’universitaires qui a défendu les droits des personnes concernées et condamné la décision du tribunal.

«En tant qu’Église, nous avons pour engagement et obligation d’être la voix de ceux et celles qui n’ont pas de voix», a affirmé l’évêque Holguín.

On estime que 10 millions de personnes dans le monde seraient apatrides, à cause de conflits ou d’autres raisons comme la migration économique, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui a lancé en 2014 une campagne sur dix ans visant à éradiquer l’apatridie.

«Traditionnellement, les Églises se font entendre au nom des personnes marginalisées, oubliées et "invisibles"», a déclaré Semegnish Asfaw Grosjean, responsable du programme du COE pour les affaires internationales. «Elles ont pour mission d’attirer l’attention sur la vulnérabilité des personnes que le système a délaissées et de plaider en faveur de la protection de leurs droits fondamentaux», a-t-elle ajouté.

Le COE et ses 345 Églises membres jouent un rôle actif dans la promotion des droits des apatrides. Une déclaration sur les droits humains des apatrides a été adoptée par la 10e Assemblée du COE à Busan (République de Corée) en 2013. En outre, une délégation du COE a présenté un ensemble de recommandations en faveur des droits des apatrides au Premier Forum mondial sur l’apatridie organisé par le HCR à l’Université de Tilburg aux Pays-Bas en 2014.

L’évêque présidente aborde la question de l’apatridie en République dominicaine (article en anglais de Episcopal News Service)

Déclaration du COE sur les droits humains des apatrides

Les Recommandations de Den Dolder pour protéger les apatrides et mettre fin à l’apatridie (en anglais)

Commission des Églises pour les affaires internationales