Calle Almedal, de Suède, travaille sur les questions du VIH depuis 1982. Il a été consultant auprès de l’Initiative œcuménique de lutte contre le VIH et le SIDA en Afrique (EHAIA), un projet du Conseil œcuménique des Églises. Dans l’interview ci-après, il parle de l’impact du VIH sur les communautés, de l’importance de l’éducation à la santé sexuelle, et de l’action des Églises face au VIH.

Diplômé en soins infirmiers, Calle Almedal a travaillé avec plusieurs organisations internationales parmi lesquelles le Programme des Nations Unies sur le VIH/SIDA, «Save the Children» au Yémen du Nord, et la Croix-Rouge norvégienne au Mozambique.

Comment décririez-vous les effets du VIH sur les communautés dans le contexte de la crise financière actuelle?

La situation est plutôt sombre pour les communautés, et en particulier pour les personnes qui ont besoin de médicaments. À Madagascar, par exemple, il semble que les stocks de médicaments soient épuisés. Certaines organisations d’Églises ont cessé de travailler sur le VIH, ce qui est particulièrement regrettable. Elles auraient dû persévérer, et avoir à cœur de faire entendre dans le Nord la voix de ceux qui sont en détresse dans le Sud. D’une certaine manière, je pense qu’elles abandonnent leurs frères et sœurs.

Cela dit, il y a des milliers de chrétiennes et de chrétiens courageux qui travaillent dans le domaine du VIH, bénévolement ou pour une rémunération minime. Il y a des Églises et des organisations chrétiennes qui adaptent leurs budgets pour pouvoir continuer à agir face au SIDA. J’ai appris récemment qu’une paroisse qui faisait des économies pour installer un grand orgue a finalement affecté le montant recueilli à un projet en rapport avec le VIH.

Qui sont, selon vous, les personnes les plus vulnérables au VIH, et pourquoi?

Les plus vulnérables sont en premier lieu les jeunes. Nous sauvons des milliers d’enfants en évitant qu’ils ne contractent le VIH à la naissance, puis nous manquons complètement à notre devoir en ne leur donnant pas l’éducation correcte à la santé sexuelle qu’ils sont en droit d’attendre. Comment pourrions-nous nous protéger contre un virus sexuellement transmissible si nous n’avons pas de connaissances de base en matière de sexualité humaine?

Que les choses soient claires: l’éducation à la santé sexuelle ne conduit pas à la multiplication des relations sexuelles sans lendemain. C’est un instrument au service de la vie. Là où on met l’accent sur l’éducation à la santé sexuelle, il y a moins de grossesses non désirées chez les adolescentes et moins d’infections sexuellement transmissibles.

Les femmes sont, elles aussi, particulièrement vulnérables. Je pense qu’aussi longtemps que des Églises continueront à dire aux femmes d’obéir à leur mari, elles seront maintenues en esclavage, contraintes de laisser leur mari agir comme bon lui semble. Souvent, quand on demande aux femmes quelle est leur principale priorité dans la vie, elles répondent: «Obéir à mon mari.» Leur priorité n’est pas la nourriture, ni l’eau, ni le bois, pas plus que les taxes scolaires, mais bien l’obéissance au mari.

Comment évaluez-vous l’action des Églises face à la pandémie du VIH?

L’action des Églises face au VIH a beaucoup varié et continue à évoluer. Dans l’ensemble, néanmoins, je suis réellement satisfait de l’engagement des Églises, en particulier de celles qui s’attaquent aux questions les plus ardues. Ce qui manque, à mon sens, c’est un engagement plus déterminé des institutions de formation chrétienne, qui pourrait incontestablement exercer des effets considérables.

Nous avons tous besoin de «voir Dieu en l’autre» et de comprendre la dignité humaine inhérente, donnée par Dieu. Une atteinte à cette dignité, qui est bien plus qu’un concept, est un acte grave. C’est un manquement à l’égard de celui qui nous l’a donnée. Nous devons laisser à Dieu le soin de juger; ce n’est pas à nous de le faire. Nous devons nous rappeler cela souvent.

Comment évaluez-vous le rôle d’initiatives telles qu’EHAIA?

EHAIA est l’une des entités les plus dynamiques travaillant sur le VIH en Afrique. EHAIA est là où les gens sont. Avec eux, elle formule les questions; avec eux, elle trouve les réponses. EHAIA écoute et apprend, réfléchit et étudie. Elle consulte, elle expose de nouvelles idées, elle distingue les nouveaux problèmes. Elle attaque de front les questions difficiles, en demeurant neutre, sans porter de jugement. Elle crée des espaces sûrs où les gens peuvent dialoguer sans crainte.

Le VIH est lié à de nombreuses notions centrales pour notre foi: vérité, réconciliation, intendance, sexualité, relations entre hommes et femmes, violence sexuelle, théologie, oppression, inceste, justice, éducation, famille, bonté, amour, etc. EHAIA exerce une influence dans tous les domaines où elle travaille.

C’est l’Afrique qui a l’expérience la plus profonde, la plus douloureuse et la plus vaste du VIH. Nous avons tous beaucoup à apprendre de l’Afrique. Ce projet devrait être exporté. Il est en voie de l’être en Asie, et il présenterait un grand intérêt dans d’autres régions du monde.

Pourquoi est-il important de continuer à impliquer les Églises dans l’approche des questions liées au VIH?

Le VIH touche beaucoup de questions qui sont centrales pour la foi; il est en rapport aussi avec la question du respect. Nous qui sommes dans le Nord, nous avons tendance à oublier que la plupart des gens ont une religion et la pratiquent. C’est une partie importante de leur vie. En laissant de côté la foi dans les contacts avec des personnes croyantes, on tombe dans l’irrespect.

Il y a aussi la question de l’espérance, et seule la foi nous donne l’espérance de manière complète. Engager les Églises et autres organisations d’inspiration religieuse est important, et cela non seulement en raison de leur rayonnement, ou parce que nous pensons que les gens vont faire ce que le pasteur prêche. Ils ne le font pas, et la pandémie du VIH en est une preuve. Il s’agit avant tout du respect et de l’espérance, ou du respect de l’espérance.

À lire également:

Addressing the HIV pandemic in South Sudan (Lutte contre la pandémie du VIH au Soudan du Sud, article du COE daté du 1 juin 2012)

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