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Pause au bord de la chute grondante du Rhin à Schaffhouse © Sibylle Klem/ Église évangélique de Bade

Pause au bord de la chute grondante du Rhin à Schaffhouse © Sibylle Klem/ Église évangélique de Bade

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Les pèlerins protestants appuient à fond sur la pédale ces derniers jours. Le pèlerinage à vélo sur la route de la justice et de la paix parcourt les deux rives du Rhin pendant 14 jours, de Constance à Worms.

Les pèlerins ont été envoyés sur les routes en tant qu’«ambassadeurs pour la justice et la paix» par Matthias Kreplin, conseiller ecclésiastique de l’Église évangélique de Bade, Christian Albecker, Président de l'Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine et Président de la Conférence des Églises Riveraines du Rhin, et Wilfried Bührer, Président de l’Église évangélique du Canton de Thurgovie.

Le patronage de la Conférence des Églises riveraines du Rhin est d’autant plus significatif que le pèlerinage a longtemps été vu d’un mauvais œil par l’Église protestante. En effet, les réformateurs critiquaient il y a 500 ans le culte des reliques, tout comme le commerce des indulgences. Entre temps, le pèlerinage s’est toutefois intégré au mouvement œcuménique, a déclaré le doyen Achim Zobel (en retraite), responsable de l’organisation du pèlerinage à vélo de Constance à Worms en tant que manifestation unique. Le pèlerinage à vélo fait suite à l’appel de l’Assemblée du Conseil œcuménique des Églises en 2013 à toutes ses 348 Eglises membres dans le monde à un pèlerinage de justice et de paix.

Pour les 500 ans de la Réforme, ce parcours voyage sur les traces des rénovateurs historiques de l’Église sur le Rhin, mais également sur des lieux d’information, réforme et transformation. Le parcours doit éveiller un processus de métamorphose capable de transformer personnellement les hommes sur son chemin et contribuer ainsi à un processus de guérison de la société. Pour cela, le Président des Églises d’Alsace, M. Albecker, a conseillé aux cyclistes de voyager léger. Cette recommandation s’applique non seulement au vélo, mais également par extension à la vie en général.

La Réforme est le fruit de nombreux mouvements

Dès les deux premiers jours, une évidence s’est imposée: en plus du grand réformateur de l’Église Martin Luther, il y a eu de nombreux autres penseurs et mouvements réformateurs. Tous ont contribué à une nouvelle pensée et annoncé la fin du Moyen Âge et le début d’une nouvelle époque.

Le départ du pèlerinage à Constance renvoie aux traces de Jan Hus, brulé en 1415 pour hérésie à cause de ses convictions et de ses enseignements, ainsi qu’aux papes rivaux de la fin du 14e siècle, à l’origine du Concile de Constance.

L’arrêt suivant, Schaffhouse, abritait, au temps de la Réforme, les fidèles du mouvement anabaptiste qui (re)baptisaient les adultes. Beaucoup d’entre eux s’étaient enfuis de Zurich.

Le soutien des paysans pendant les guerres paysannes du réformateur Thomas Müntzer a conduit à une répression sanglante de la révolte paysanne à Griessen am Hochrhein, a expliqué le pasteur Thomas Kaiser aux pèlerins-cyclistes. Comme bien d’autres réformateurs, M. Müntzer avait écrit de nombreux chants. Ils permettaient de diffuser les nouvelles idées dans la population, qui à l’époque ne savait en grande partie ni lire ni écrire.

Voilà pourquoi le chant prend encore aujourd’hui une place importante dans l’Église évangélique, tout comme dans ce pèlerinage à vélo. Une des chansons s’intitule: «Vertraut den neuen Wegen» (Faites confiance au nouveau chemin).

De nouveaux chemins sont à découvrir également dans les paroisses. Par exemple dans l’église «Elisabethen» à Bâle, considérée comme son «laboratoire de recherche et de développement» par l’Église réformée de Bâle. Cette église-laboratoire est dirigée de façon œcuménique par un pasteur protestant et une théologienne pastorale catholique romaine et se veut être un lieu d’événements et de rencontres pour les personnes qui ne vont pas à l’église le reste du temps. «Nous souhaitons nous démarquer des cathédrales de consommation et devenir un lieu où chacun peut passer du temps sans avoir à consommer», explique le pasteur Frank Lorenz.

L’église se fait connaître en dehors de ses frontières grâce à ses offres surprenantes, telles que les messes de carnaval, les prières pour motards accompagnés de leurs machines, une «bénédiction pour animaux», ou encore un dis positif destiné aux dons par carte bancaire, en plus du tronc traditionnel.

L’itinéraire du pèlerinage à vélo traverse l’Allemagne, la France et la Suisse. La plus ancienne participante, âgée de 79 ans, montre aux jeunes les bienfaits du sport: sans moteur électrique, elle peut pédaler près de 50 kilomètres par jour dans la joie et souvent devant les autres.

L’entraide en cas de problème technique sur les vélos, les courses faites ensemble pour le petit déjeuner, aussi bien que les nombreuses discussions (à propos des courbatures musculaires, de l’Église, de la vie ou encore des améliorations qui pourraient être apportées si «chaque personne ordinaire faisait de nombreuses choses ordinaires de manière différente») permet de développer le sentiment de communauté.

Ce sentiment est également présent chaque soir dans les paroisses, qui ouvrent leurs salles paroissiales pour héberger les pèlerins avec des sacs de couchages et tapis de sol, témoignant ainsi de leur grande hospitalité et souvent de leur talent pour la cuisine.

Présentations sur les énergies renouvelables et le système financier

Les pèlerins ont découvert lors d’un arrêt au service technique municipal de Müllheim-Staufen comment la cohésion peut mener à de nouvelles solutions. Cette coopérative citoyenne s’est fixé l’objectif de générer et de commercialiser l’énergie électrique et thermique exclusivement à partir de ressources renouvelables.

Mais tout n’est pas agréable sur le chemin des pèlerins. Les arrêts devant l’entreprise de munitions Rheinmetall et la centrale nucléaire de Fessenheim doivent faire prendre conscience de la douleur. Ce n’est qu’une fois cette douleur reconnue que le changement ou la transformation peut commencer.

Ainsi, les pèlerins, lors de leurs arrêts en Alsace à Colmar, Sélestat et Strasbourg, n’ont pas abordé que les grands réformateurs Martin Bucer et Jean Calvin, mais également la signification du message biblique pour la société séculaire et pluri-religieuse actuelle.

La ville de Rastatt a également été l’occasion de penser à Hiroshima et de parler de la révolution de 1848/1849 et de la conscience. La route vers Worms est également ponctuée d’autres événements, tels que des visites de villes et des présentations, notamment sur le thème «De la guerre juste à la paix juste - de la Réforme à une transformation nécessaire» ou sur le thème du système financier international.

Le pèlerinage à vélo continue jusqu’au 11 août. Les personnes intéressées peuvent accompagner à vélo le groupe de pèlerins de justice et de paix pendant la journée.

Informations en français: www.uepal-protestants2017.fr/index.php/2017/02/14/pelerinage-a-velo/

Informations en allemand: www.ekiba.de/fahrradpilgern

*Sibylle Klem est une journaliste indépendante de Fribourg. Vous trouverez la version complète de son récit de voyage, en allemand, sur le site de l’Église évangélique de Bade.