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5 avril 2003

"Sur le chemin d'une collaboration constructive dans la mission"
Colloque des Eglises d'Amérique Latine et d'Europe

"Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie" (Jean 20, 21)

Chers frères et soeurs,

Du 3 au 6 avril 2003, au milieu de la période du Carême, une cinquantaine de femmes et d'hommes de différentes Eglises, organisations missionnaires et conseils d'Eglise d'Amérique Latine et d'Europe, se sont rencontrés à l'Académie évangélique de l'Elbe du Nord (Nordelbien) à Bad Segeberg, en Allemagne. Nous avons été invités par le Conseil des Eglises d'Amérique Latine (CLAI), la Conférence des Eglises européennes (KEK), le Conseil oecuménique des Eglises (COE) et l'Association des Missions protestantes d'Allemagne (EMW) de Hambourg.

C'était la première fois dans l'histoire de nos conseils et conférences d'Eglises, que des représentant(e)s des différentes Eglises protestantes et orthodoxes de 24 pays se sont réunis pour répondre à la nouvelle prise de conscience de la signification de la mission de l'Eglise. Nous avons été inspirés, plus particulièrement, par le mot d'ordre d'une des Eglises représentées : "Pas de paroisse sans mission - Pas de mission sans paroisses".

Nous avons partagé, pendant ces journées, nos richesses spirituelles, nos anxiétés et nos problèmes, mais également notre espérance, et nous avons approfondi notre spiritualité dans la prière, la louange et la réflexion sur la Parole de Dieu.

Notre réunion a eu lieu au moment où le monde se sent menacé et impuissant face à la guerre en Irak, qui est une manifestation attristante de l'arrogance humaine.

Nous nous sommes réunis pour ce colloque sur la mission et la collaboration en raison des changements de la situation mondiale qui se répercutent dans nos régions et dans la réalité des Eglises, agences missionnaires et conseils d'Eglises que nous représentons. Nous nous sommes réunis pour discerner les défis que cette nouvelle situation nous pose en tant qu'Eglises appelées à participer à la mission de Dieu. Nous nous sommes réunis aussi dans l'espoir qu'il nous sera possible, ensemble, de trouver de nouvelles formes de collaboration, de partage et d'entraide.

Ce qui nous conforte dans la collaboration

L'espoir qui nous réconforte dans cette entreprise est la parole de Jésus et la proclamation de son royaume (Romains 14, 17). C'est là le fondement de notre motivation et la force dynamique de notre pratique pastorale et missionnaire.

  • Nous croyons que la diversité des contextes et cultures qui nous caractérisent peut servir la mission de Dieu. C'est du sein de cette diversité que Dieu nous appelle et nous envoie pour proclamer son Royaume en paroles et en actes.
  • La mondialisation avance à grands pas et menace bon nombre de valeurs, voire les détruit, dans la foulée de la désintégration de cultures, de peuples et de l'identité humaine. C'est dans ce contexte que nous affirmons notre unité en Christ et que nous cherchons des moyens de collaborer ensemble dans la mission de Dieu.
  • Malgré la tendance toujours perceptible de séparer diaconie et mission, nous nous sommes encouragés mutuellement à poursuivre nos efforts pour maintenir unies ces deux dimensions qui sont inséparables dans la mission de Dieu. Aucune initiative diaconale ne doit être entreprise sans que l'on prenne en considération la dimension missionnaire et aucun effort missionnaire ne peut être qualifié de missionnaire sans que soit prise au sérieux la tâche diaconale.
  • Dans le partage des diverses tâches auxquelles nous sommes appelés dans la mission, nous avons découvert quatre aspects centraux communs : la spiritualité, la guérison et la réconciliation, le témoignage prophétique et le partage. Ces domaines de travail pastoral, nous les considérons comme essentiels pour identifier les problèmes et pour nous mettre en route au service de la mission dans nos paroisses, nos Eglises, nos institutions et organisations oecuméniques et de coopération. 

Ce que nous avons découvert en cours de route

  • que le partage réciproque de nos expériences et le dialogue sincère entre nous, c.-à-d. entre membres des Eglises d'Amérique Latine et d'Europe, est un enrichissement ;
  • que les Eglises des deux continents devront approfondir leurs pratiques missionnaires et leurs principes directeurs, pour qu'elles fassent intégralement partie de la vie quotidienne de leurs membres ;
  • que l'Evangile de Jésus Christ indique clairement que Dieu se préoccupe du bien-être total des êtres humains ;
  • que la catholicité, que nous avons vécue ensemble, nous révèle la richesse des dons disponibles pour la mission. L'universalité des Eglises est un enrichissement pour le témoignage de l'Eglise locale dans sa foi et lui permet de manifester cette universalité, qui devient ainsi un espace unique et fondamental pour la mission de Dieu.  

Nous sommes préoccupés par l'absence d'une spiritualité vivante dans certaines Eglises. Il y a des Eglises européennes qui sont préoccupées par la diminution du nombre de leurs membres. D'autres sont confrontées au grand défi qui est d'exercer leur tâche missionnaire dans un contexte de misère et de marginalisation d'une grande partie de la population. Nous avons tous besoin d'être inspirés par l'esprit de Dieu, qui nous est transmis par le témoignage et la sagesse d'hommes et de femmes des autres continents.

Nous affirmons que la guérison et la réconciliation sont nécessaires sur les deux continents. Nous croyons que la mémoire douloureuse d'une mission coercitive et opprimante, qui sévit encore dans certaines régions, doit être guérie et que la réconciliation est absolument nécessaire. Les frères et soeurs d'Europe doivent être assurés que de nombreuses Eglises d'Amérique Latine savent apprécier leur action missionnaire, même si elles émettent des critiques à son égard. Les frères et soeurs d'Amérique Latine ont témoigné de l'importance de la guérison et de la réconciliation dans leur propre contexte. Les actes de guérison et de réconciliation de Jésus nous incitent à être des agents de réconciliation dans notre entourage personnel, dans nos paroisses locales et dans toute la société.

Nous reconnaissons que le témoignage public de nos Eglises n'a pas toujours été approprié. Nous avons besoin de l'analyse critique et des contributions des frères et soeurs qui vivent dans des situations différentes, pour clarifier nos propres positions et notre conception de la mission. Notre témoignage chrétien peut nous conduire à la souffrance et peut alors être qualifié de prophétique.

Le partage des ressources n'est pas toujours à la hauteur d'une vraie communion en Christ. Les structures institutionnelles de nos Eglises, de nos organisations missionnaires et de nos conseils oecuméniques ont souvent rendu difficile un partage équitable (II Corinthiens 8, 13-15.

La difficulté de nous reconnaître mutuellement comme membres du corps unique du Christ a nui à la qualité de notre collaboration. C'est en nous rencontrant personnellement avec d'autres membres de ce corps unique que nous apprenons à partager nos dons.

Ce que nous pouvons faire en tant qu'Eglises, paroisses et organisations

  • Nous pouvons nous informer réciproquement de la vie de nos Eglises, avec les joies et les besoins, les soucis et les réussites.
  • Nous pouvons intercéder les uns pour les autres et prier pour notre fidélité à la mission de Dieu.
  • Nous pouvons partager notre savoir, nos idées et nos expériences dans le domaine de la mission, pour prendre mieux conscience de notre unité dans le corps du Christ.
  • Nous pouvons organiser des études bibliques interculturelles, en ayant recours aux ressources existant dans nos régions et aux contacts oecuméniques internationaux dont nous disposons.
  • Nous pouvons collaborer avec la diaspora chrétienne d'Europe et d'Amérique Latine dans un double sens : en nous mettant au service des immigrés sur les deux continents et en utilisant leurs contributions pour l'action missionnaire.
  • Nous pouvons encourager la constitution de forums oecuméniques sur la mission.
  • Nous pouvons encourager l'intégration de la mission holistique comme discipline centrale dans la formation théologique des pasteurs et pasteures.
  • Nous pouvons porter une attention particulière sur le ministère auprès des enfants et des jeunes.
  • Nous pouvons nous efforcer de trouver des moyens nouveaux et constructifs de partage de nos ressources qui ne sont pas uniquement financières.

En d'autres termes, mettons-nous au service de la mission de Dieu et invitons toutes les Eglises à s'associer aux efforts de renouveau.

Bad Segeberg, 5 avril 2003