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Préambule

Du 27 au 29 mai 2015, 75 participantes et participants se sont réunis à Genève pour une conférence internationale sur la paix et la sécurité en République démocratique du Congo (RDC), à l’invitation du Conseil œcuménique des Églises (COE) [Commission des Églises pour les affaires internationales (CEAI)]. Les participants représentaient un vaste éventail d’Églises et d’organisations liées à l’Église provenant non seulement de la RDC mais aussi de toute la communauté œcuménique mondiale, ainsi que des partenaires de la société civile et des Nations Unies.

Parmi les participants figuraient 19 Congolais venus de RDC. Une vingtaine d’autres étaient attendus mais leur visa leur a été refusé ou ils ne l’ont pas obtenu à temps pour participer à la conférence. En particulier, nous regrettons profondément que la participation de jeunes Congolais ait été empêchée par ces refus de visas.

Nous nous sommes réunis à un moment décisif pour le peuple de la RDC, à l’approche d’élections provinciales et municipales cette année et d’élections présidentielles en 2016, et alors que les récentes violences à Beni et l’afflux de réfugiés originaires du Burundi semblent augurer une instabilité préoccupante pour le pays et la région.

Par le culte et la prière ensemble pendant cette conférence, nous avons renforcé notre communauté œcuménique et puisé l’inspiration et le courage dans la foi que nous avons en commun face aux défis à relever.

Objectifs

La conférence avait pour objectifs de mieux faire connaître la situation actuelle en RDC, de définir une conception commune des diverses menaces et difficultés auxquelles le peuple congolais est confronté et de mobiliser les partenaires dans le cadre d’un accompagnement œcuménique international continu des Églises et partenaires en RDC. Dans le contexte de cet accompagnement œcuménique élargi des Églises et partenaires en RDC, la conférence a en outre cherché à donner une impulsion à une collaboration œcuménique plus solide en préparation des prochaines élections en RDC et à un processus œcuménique international de suivi et d’observation des élections présidentielles de 2016.

Observations et motivations

La RDC a été bénie par une abondance de ressources naturelles. Mais cette abondance est à de nombreux égards devenue un fardeau, car la cupidité humaine entraîne une exploitation injuste des minéraux et des ressources vivantes, traite les autres êtres humains comme des marchandises interchangeables et pille la terre et viole ses habitants. Le péché que constituent ces attitudes et actions ont engendré une violence et une injustice omniprésentes.

La violence entraîne la destruction ou le déni de la vie. Nous suivons un Seigneur qui apporte la vie en abondance et nous partageons le rêve de Dieu d’un monde où tous les êtres humains vivraient une vie pleine et généreuse. Dans ce songe ancien, il y a la plénitude de vie pour toute l’humanité et la réparation de la fragilité du monde.

Nous entreprenons un pèlerinage de justice et de paix et, ainsi, nous rencontrons Jésus partout où nous voyageons: dans les enfants qui ont été forcés de devenir soldats, dans les personnes qui ont été violées, dans ceux et celles qui ont faim ou qui ont été déplacés. Toutes et tous sont des membres égaux du corps du Christ, or le don de leur plainte doit être entendu comme un cri de ralliement pour toutes les Églises de RDC, ainsi que pour leurs partenaires à l’extérieur comme à l’intérieur du pays.

Nous sommes profondément émus par les voix des nouvelles générations, qui sont en train de devenir des dirigeants aspirant à la paix. D’anciens enfants soldats sont devenus des conseillers de paix auprès de leurs cadets, des jeunes femmes parviennent à trouver leur voix pour soutenir leurs sœurs qui ont subi des abus, et d’autres encore poussent les dirigeants plus âgés à œuvrer pour la justice et une relation juste avec le reste de la création.

Dieu a par ailleurs béni la RDC d’une abondance de ressources humaines et de relations de solidarité. Les Églises ont une myriade de possibilités pour établir des partenariats plus efficaces visant à secourir et soutenir les personnes blessées et maltraitées, pour défendre la cause d’une justice qui s’attaque à l’impunité généralisée et pour enseigner à leurs membres que tous les êtres humains – créés à l’image de Dieu – sont égaux en dignité.  Dans leur travail de réparation de ce qui a été brisé, les Églises ont une grande responsabilité, celle d’honorer leurs différents dons et de se repentir de la concurrence qu’elles se font et de leur manque d’amour. Le peuple de RDC a besoin de leur solidarité et de leur impulsion pour atteindre la vision du Règne de Dieu ici sur Terre, une société de paix garantie par la justice pour toutes et tous.

Les Églises et leurs membres ont vocation à être le sel de la Terre. Mélangé à l’eau du baptême, le sel crée une solution de purification et de guérison. Les blessures qui affectent si profondément la RDC doivent être lavées avec tendresse; nous prions pour que les Églises commencent, avec les autres personnes de convictions, à dissoudre la douleur et arroser la graine de la vie nouvelle, de la résurrection née de la mort en Christ.

À l’intérieur comme à l’extérieur de la RDC, les Églises peuvent et doivent créer des partenariats pour reproduire plus efficacement le corps du Christ, en travaillant ensemble pour assembler le tout, en respectant la dignité de chaque élément individuel et en nous ralliant à la vision de Jésus au lieu de tenter de parvenir à nos propres fins, plus limitées. Cette vision guérit les blessés, pleure avec les mourants et leurs proches, nourrit les affamés, délivre les opprimés et libère les prisonniers, elle encourage les pauvres et ceux qui ont peur et elle enseigne comment Dieu réalise la justice et la paix.

Les élections sont un outil de progrès vers la vision d’une société de justice et de paix. Cependant, ce processus demeure une coquille vide s’il ne s’accompagne pas de la vision transcendante d’un avenir qui soit guéri et entier. Les élections doivent être au service d’une vision où tout le monde pourrait vivre ensemble dans des communautés sans exclusive et sans discrimination. Personne ne peut être entier tant que tout le monde n’aura pas été accueilli et proclamé fille et fils de Dieu, méritant sur un même pied d’égalité les richesses de la création et la pleine dignité de Celui dont ils portent l’image.

Engagements et recommandations

Nous appelons à une collaboration plus étroite entre les Églises de la RDC afin de régler les nombreuses problématiques que nous avons examinées au cours de ce colloque, en l’occurrence la protection de l’environnement, la gestion des ressources naturelles et une meilleure réglementation de l’industrie d’extraction; les droits de la personne et l’intervention humanitaire; la violence sexuelle et sexiste et le VIH et le sida; la consolidation de la paix et la reconstruction; ainsi que la corruption et la bonne gouvernance.

Jouant un rôle clé pour favoriser l’action dans ces domaines et pour faire avancer la réalisation de la vision de la RDC telle qu’elle est formulée dans les dispositions de la Constitution nationale, les Églises sont appelées à informer, éclairer et mobiliser leurs membres dans un processus de réflexion et d’action et à œuvrer en faveur d’élections pacifiques – aux niveaux provincial et national – de manière à produire des dirigeants politiques déterminés à relever ces défis avec intégrité et dans un esprit de redevabilité.

À cette fin, nous nous engageons à renforcer et élargir notre coopération œcuménique en faveur de la justice et de la paix en RDC et proposons l’établissement d’une structure ou d’un processus adéquats permettant d’échanger et de renforcer les initiatives existantes des Églises et organisations ou réseaux affiliés, et d’envisager de nouvelles initiatives œcuméniques sur les questions que nous avons examinées. Étant donné la nature et l’ampleur des difficultés auxquelles la RDC fait face, une intervention œcuménique efficace nécessite la voix prophétique commune et l’action conjointe de toutes les Églises dans le pays. Ainsi, par cette structure ou ce processus, nous nous efforcerons de mobiliser toutes les familles ecclésiales de RDC, afin que nous puissions nous faire entendre et agir ensemble pour relever ces défis. La proposition de structure ou de processus doit pouvoir faciliter une interaction participative et régulière entre les Églises de DRC et leurs partenaires œcuméniques aux niveaux national et international, afin de contribuer à renforcer la voix prophétique des Églises pour traiter les problèmes qui affectent la vie du peuple congolais et la création de Dieu.

Par cette structure ou ce processus, et par l’intermédiaire des familles ecclésiales et réseaux d’Églises qui y participent, nous nous engageons à veiller à ce que soient partagées les expériences et perspectives provenant de toutes les régions du pays – y compris de l’est de la RDC, où se concentrent un grand nombre des problèmes que nous avons examinés – et à ce que les femmes et les jeunes en soient des participants à part entière, sur un pied d’égalité avec les autres.

Nous nous engageons à nous intéresser particulièrement aux préoccupations des jeunes de RDC – éducation et emploi, formation à la non-violence et à la consolidation de la paix et prévention de la violence sexiste et du harcèlement – et à soutenir les jeunes en tant que moteurs de la transformation sociale.

Nous appelons tous les partenaires internationaux des Églises de RDC à prendre part et apporter leur soutien à une coopération œcuménique plus forte et plus large en faveur de la justice et de la paix en RDC, notamment au moyen de la proposition de structure ou de processus, afin de favoriser une meilleure coordination et collaboration dans le cadre de nos efforts collectifs pour la réalisation des objectifs que nous partageons tous, et d’éviter la fragmentation et la concurrence, qui ne peuvent qu’affaiblir nos capacités d’action.

Compte tenu des élections à venir en RDC, nous encourageons la coordination de tous les efforts menés par les Églises dans l’optique de favoriser la réflexion, la formation et le développement des capacités dans la société congolaise, afin de veiller non seulement à ce que les processus électoraux se déroulent paisiblement mais aussi à ce qu’ils produisent des dirigeants engagés, compétents et prêts à rendre des comptes, œuvrant pour la justice et la paix en RDC conformément à la vision et aux engagements formulés dans la Constitution nationale.

Nous travaillerons aussi par l’intermédiaire des commissions de l’intégrité publique aux niveaux national et provincial pour envisager des collaborations plus étroites avec les partenaires œcuméniques et interreligieux à cet égard.

Nous invitons les partenaires internationaux sous la conduite du COE, ainsi que la Conférence des Églises de toute l’Afrique (CETA), la Communauté des conseils chrétiens et Églises dans la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique (FECCLAHA) et les Églises du pays à travailler ensemble pour entreprendre une initiative œcuménique visant à accompagner les Églises de RDC pendant la période des élections présidentielles de 2016, et à aider les Églises dans leur rôle mobilisateur dans les communautés après les élections.

Conclusion

Nous, les participants et participantes à cette conférence, nous nous quittons avec la conviction que le message de l’Évangile et les valeurs culturelles africaines donnent aux Églises de la RDC la motivation et les moyens d’assumer leur rôle prophétique fondamental en faveur de la justice et de la paix en RDC. Nous partons avec le sentiment que grâce à cette rencontre, ce sentiment de communauté et cet échange d’informations et de points de vue, la vision du Psaume 133 s’est matérialisée parmi nous. Qu’il est bon en effet d’être entre frères et sœurs, unis, car Dieu y envoie ses bénédictions.