Témoins de la violence armée, les Églises viennent en aide aux personnes qui la subissent et elles partagent la souffrance qu'elle cause. Des millions de vies sont anéanties ou perdues chaque année dans la violence armée, dont environ les deux tiers dans des pays prétendument en paix. Le manque de réglementation des exportations, importations et transferts d'armes a certainement sa part de responsabilité. L'usage illégitime et illégal de ces armes contribue à de nombreuses formes de violence et à l'intensification des conflits armés et entrave le développement social et économique.

Après un siècle de progrès, avec l'extension des protections juridiques internationales à un plus grand nombre d'individus et de peuples, il n'existe toutefois toujours pas de traité universel permettant de contrôler les transactions commerciales des armes conventionnelles. Une législation contraignante est plus que jamais urgente parce que, en cette période où les dépenses militaires ont atteint des niveaux inégalés et où le commerce international est en plein essor, des armes mortelles continuent de passer de main en main avec moins de surveillance que les cargaisons d'appareils ménagers.

En 2009, après plusieurs années de discussions, 153 gouvernements – parmi lesquels les pays vendant le plus d'armes – ont décidé aux Nations Unies la négociation «d'un instrument juridiquement contraignant qui établirait les normes internationales communes les plus strictes possibles pour le transfert des armes classiques.» Ce traité sur le commerce des armes (TCA) doit faire l'objet de négociations en juillet 2012. De nombreux gouvernements ont pris part aux préparatifs et, en juillet 2011, ils se sont mis d'accord sur un résumé des dispositions clés à inclure dans un futur traité sur le commerce des armes. Une poignée d'acteurs importants pourrait cependant bloquer la majorité d'États et d'organisations de la société civile qui souhaite mettre à profit les acquis du processus du TCA de 2011. Des différends subsistent quant à ce qu'il convient d'inclure dans le terme «armes», quant aux activités relevant du «commerce» et quant aux informations que les pourvoyeurs et acquéreurs d'armes doivent communiquer. Parmi les facteurs fondamentaux en jeu figurent le statut international des États, les bénéfices commerciaux tirés du commerce des armes et l'influence des armées au sein des gouvernements.

Un traité sur la réglementation du commerce des armes doit porter sur le type d'armes qui changent de main, la façon dont les armes changent de main, la provenance des armes et leur destination finale. Un traité peut permettre de réduire la violence armée s'il améliore les contrôles appliqués à l'ensemble de la chaîne des fournisseurs, exportateurs, courtiers, importateurs, destinataires et utilisateurs finals. À l'heure actuelle, les meilleures réglementations multilatérales et nationales laissent entendre que le commerce des armes peut être réformé.

Les États souverains et l'industrie de l'armement sont des parties essentielles à l'élaboration d'un TCA. Ces deux groupes d'acteurs portent une responsabilité publique envers des populations qui partagent une destinée commune dans un monde toujours plus interdépendant. Le TCA porte sur le commerce, or pourtant le commerce des armes n'est pas une activité normale. La plupart des pays reconnaissent cet état de fait en imposant des contrôles à l'échelle nationale. Par ailleurs, de plus en plus de secteurs industriels assument aujourd'hui la responsabilité des répercussions de leurs produits, et l'industrie de l'armement ne devrait pas faire exception. Les États et les fabricants d'armes doivent reconnaître que la négociation du TCA représente une occasion unique de protéger un bien public mondial.

Le commerce des armes soulève des questions qui sont au cœur de la foi chrétienne, notamment la conviction que la vie est sacrée, le commandement de ne pas tuer et l'injonction biblique d'aimer son prochain. Dans cet esprit, le Conseil œcuménique des Églises a appelé à de nombreuses reprises les Églises à l'action, notamment par la mise en place d'institutions établissant la sécurité et le bien-être pour toutes et tous, par la dénonciation du militarisme et par la promotion du désarmement. En 1978, lors de la première session extraordinaire des Nations Unies sur le désarmement, le COE a condamné la façon dont les ventes d'armes et le flux d'armes provenant de pays riches alimentent les conflits dans les pays pauvres. En 2001, la Commission des Églises pour les affaires internationales du COE a appelé les États participant à une importante conférence de l'ONU sur le commerce illicite des armes de petit calibre à «contrôler les transferts d’armes dans le cadre des obligations des États et conformément à elles, notamment l’obligation de ne pas acquérir d’armes pour d’autres buts que leur défense ou de ne pas en acquérir plus qu’il n’est nécessaire pour leur défense, pour que les armements détournent le moins de ressources possible, et l’obligation de respecter et de protéger le bien-être et les droits de leurs citoyens.» En 2005, le Comité exécutif du COE a appelé instamment les gouvernements à «négocier un traité global et juridiquement contraignant» sur les transferts d'armes et à «veiller à ce que tout traité sur le commerce des armes établisse des critères stricts de conformité et de contrôle.» Les Églises membres ont elles aussi été appelées à agir en faveur de «l'adoption d'un traité international efficace sur le commerce des armes». En 2011, le Comité central du COE a entériné une Campagne œcuménique en faveur du traité sur le commerce des armes.

Les Églises, les membres des Églises et les organisations affiliées sont favorables à un traité dont l'objectif est de sauver des vies et protéger des citoyens que les pratiques commerciales actuelles mettent en péril. Afin de réduire la violence armée illégitime, un tel traité doit être à la fois fort et efficace. Un TCA fort s'appliquera à toutes les catégories d'armes conventionnelles. Il renforcera par ailleurs les obligations existantes en vertu du droit international et d'autres normes internationales, qui imposent aux États de protéger la vie. Un TCA efficace prévoira des dispositions sur l'information, la transparence, la responsabilisation et les sanctions, en ayant pour objectif de protéger les citoyens, les pays et les ensembles géographiques touchés par la faiblesse des réglementations en matière de transferts d'armes.

Les dispositions du traité qui revêtent la plus grande importance pour le Conseil œcuménique des Églises sont tout aussi importantes pour un vaste éventail d'organisations de la société civile et de gouvernements. Les Églises partagent la conviction que le traité doit comprendre les dispositions suivantes, axées sur l'être humain. Les États doivent être tenus sur le plan juridique de déterminer si un transfert spécifique d'armes présente un risque concret d'être utilisé dans le cadre de violations graves du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire. Le traité doit obliger les États à refuser de délivrer une licence ou toute autorisation lorsqu'il existe un risque concret que le transfert en question perturbe gravement le développement à long terme ou perpétue un modèle de violence sexospécifique. Le traité doit en outre tenir compte de la nécessité d'une aide aux rescapés de la violence armée. Le TCA doit s'appliquer à l'ensemble des armes classiques, à cause de la large gamme d'arme utilisées à l’heure actuelle et du caractère fragmenté de l'industrie internationale de l'armement. La portée du traité doit par ailleurs être flexible, de manière à pouvoir inclure à l'avenir de nouveaux types d'armes au fil d'éventuelles révisions.

Le Conseil œcuménique des Églises se déclare en faveur d'un traité sur le commerce des armes ayant force d'instrument juridique, qui aurait trois tâches complémentaires. Il doit prévenir les transferts d'armes à destination des États dont le gouvernement constitue une menace pour sa propre population ou pour d'autres États. Il doit améliorer les réglementations commerciales afin qu'en cas de risque accru de réexportation ou de détournement vers des organisations criminelles ou des groupes armés, la contrebande d'armes et les ventes d'armes au marché noir soient réduites ou interrompues. Le TCA doit également servir à protéger les citoyens et à sauver des vies.

C'est pourquoi, réitérant l'attachement œcuménique en faveur d'une réglementation ferme du commerce des armes et prenant le parti de défendre cette cause, le Comité exécutif du Conseil œcuménique des Églises, réuni à Genève (Suisse) du 14 au 17 février 2012:

A.   Félicite les Églises membres du COE et organisations affiliées qui prennent part à la Campagne œcuménique en faveur d'un traité fort et efficace sur le commerce des armes;

B.   Encourage les autres Églises membres à participer à la Campagne et à coopérer avec les gouvernements et associations de la société civile partageant les mêmes valeurs pour défendre la cause d'un tel traité, et invite les représentants d'Église à signer la Déclaration interreligieuse relative au traité sur le commerce des armes élaborée par la coalition Contrôlez les armes;

C.   Insiste sur le fait que le traité sur le commerce des armes doit porter sur tous les types d'armes conventionnelles et leurs éléments, y compris les armes de petit calibre, les armes légères, les munitions et pièces, ainsi que sur les équipements de police et de sécurité, et rester ouvert à des révisions futures afin d'y inclure de nouvelles armes;

D.  Encourage les membres et réseaux du COE à appeler leurs gouvernements respectifs à adopter un traité sur le commerce des armes par lequel les États seront tenus juridiquement de refuser un transfert d'armes lorsque que ledit transfert risque: d'être utilisé dans le cadre de violations graves du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire, de perturber gravement des activités liées au développement durable ou de perpétuer un modèle de violence armée sexospécifique. De même, il les encourage à appeler les États à tenir compte de la nécessité d'une aide aux rescapés;

E.   Appelle les gouvernements à veiller à ce que les dispositions du traité relatives à la mise en œuvre, la coopération, le suivi et l'évaluation servent à aider tous les États parties à remplir les critères du traité et à mettre en œuvre ses prescriptions;

F.   Se félicite du document de synthèse présenté en juillet 2011 à l'issue du processus préparatoire du TCA comme support à la négociation du traité sur le commerce des armes, prévoyant des dispositions plus fermes sur l'obligation globale de tenir des registres et l'obligation de transparence, sur l'assistance et la coopération internationales entre États parties et sur l'aide aux rescapés;

G.  Recommande que les décisions clés de la négociation du traité sur le commerce des armes soient prises à l'aide des procédures de l'ONU, c'est-à-dire par le consensus d'une large majorité à l'issue de délibérations exhaustives;

H.  Insiste sur la participation, en tant qu'observateurs, de représentants d'organisations de la société civile au cours de la Conférence de juillet 2012 sur le traité sur le commerce des armes et lors des conférences suivantes, maintenant ou élargissant ainsi la pratique adoptée pendant la phase préparatoire du TCA;

I.    Apporte son soutien aux Nations Unies et aux autres forums multilatéraux dans leurs efforts visant à mesurer et prendre en main la corrélation négative entre dépenses d'armement et dépenses de développement économique et social.