1. Dans un appel exprimant leur préoccupation au sujet de la situation tragique des habitants de la bande de Gaza, les responsables des Eglises de Jérusalem soulignaient le 22 janvier 2008 qu'"un million et demi de personnes sont emprisonnées et privées de nourriture convenable et de médicaments; 800 000 sont privées d'électricité. Il s'agit là d'un châtiment collectif illégal, d'un acte immoral qui viole le droit international et qu'on ne saurait tolérer plus longtemps. Le siège de Gaza doit être levé maintenant"
  2. Depuis des années, la situation humanitaire, politique et des droits humains de la population de Gaza est grave et ne cesse de se détériorer. L'enchaînement des mesures imposées à ce minuscule territoire ne connaît pas de fin. En outre, l'ordre public est toujours plus menacé par les pressions de l'intérieur. Pour les habitants de cette région, qui connaît l'une des plus fortes densités démographiques de la planète, l'horizon semble se rétrécir de jour en jour.
  3. En plus des pénuries mentionnées plus haut par les Eglises de Jérusalem, les Nations Unies et les organisations non gouvernementales et liées aux Eglises qui sont présente dans la bande de Gaza rapportent les faits suivants: les habitants sont toujours plus nombreux - 80% des familles - à vivre au-dessous du seuil de pauvreté et ont besoin d'une aide alimentaire et d'une assistance directe; la pénurie de carburants paralyse les services essentiels, y compris ceux d'assainissement et d'approvisionnement en eau; les hôpitaux locaux ne peuvent pas assurer les traitements susceptibles de sauver des vies; il y a pénurie de lait pour bébés et d'huile alimentaire; beaucoup d'installations et services publics ont été détruits par des attaques militaires et les écoles sont privées de matériel pédagogique de base; des centaines d'entreprises et de commerces ont fait faillite, la moitié de la population apte à travailler est au chômage et l'économie s'est effondrée. Certaines organisations assimilent l'aide autorisée à parvenir de l'extérieur à un "goutte-à-goutte" humanitaire.
  4. Les violations des droits de la personne aggravent la situation humanitaire et se multiplient en même temps que la violence croît. "Le droit à la vie de tous les habitants de la région est en danger", a déclaré Louise Arbour, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, lors d'une session spéciale du Conseil des droits de l'homme tenue le mois dernier. Elle a rappelé que l'année dernière, les violations armées des lois de la guerre ont tué sept civils dans la région limitrophe d'Israël où deux villes sont la cible d'attaques indiscriminées de roquettes tirées par des activistes de Gaza. Elle a également rappelé que 131 civils palestiniens ont été tués l'année dernière lors d'attaques ciblées des forces israéliennes lancées contre la bande de Gaza et à cause d'un usage disproportionné de la force.
  5. Madame Arbour a déclaré que les Palestiniens en général et les habitants de Gaza en particulier "sont privés systématiquement de presque tous leurs droits humains et des biens de première nécessité." La circulation des personnes, des services et des biens entre Gaza et l'extérieur est fortement réduite, notamment le long de la frontière israélienne. A propos du droit à l'alimentation, le Programme alimentaire mondial constate que les importations de nourriture de base ne représentent que la moitié de ce qui est nécessaire. En ce qui concerne le droit à la santé, l'Organisation mondiale de la santé rapporte que le blocus met gravement en danger les services de santé et leurs infrastructures. Des menaces pèsent également sur le droit au travail, à l'éducation et à un logement convenable.
  6. Toutes les autorités directement concernées, soit l'autorité de facto du Hamas et l'Autorité palestinienne, sans oublier le gouvernement israélien, ont l'obligation primordiale de protéger la population de Gaza en vertu des droits humains et du droit humanitaire. D'autres gouvernements sont directement impliqués, comme les membres de l'Union européenne qui financent les rations limitées de carburant.
  7. Plutôt que d'accepter l'isolement et la punition de Gaza, il est dans l'intérêt de toutes les parties en cause de réaliser la réintégration politique de Gaza au reste du territoire palestinien occupé. Tout processus de paix crédible devra permettre la réconciliation entre les partis palestiniens et impliquer tous les représentants élus par le peuple palestinien. En même temps, le lancement de roquettes, les attentats-suicides, les civils pris pour cibles, ainsi que les châtiments collectifs infligés à Gaza, et d'autres actions comme les colonies de peuplement, les blocus routiers, les détentions illimitées et les exécutions sans procès ne contribuent pas à la paix, ni aujourd'hui ni demain.
  8. C'est pourquoi, en tant que Conseil oecuménique des Eglises, nous exprimons notre profonde tristesse face à la situation humanitaire à Gaza, notre inquiétude de plus en plus grande devant les violations incessantes des droits de la personne et les pertes continuelles en vies humaines chez les Palestiniens et chez les Israéliens, ainsi que de graves préoccupations quant à l'avenir du processus de paix, aussi bien en Israël qu'en Palestine. De nombreuses voix s'élèvent au niveau international pour demander qu'il soit mis fin au blocus de Gaza et pour rappeler au gouvernement israélien que les châtiments collectifs sont interdits par la Convention de Genève qui doit être la règle de sa conduite à Gaza. Nous joignons une fois de plus notre voix à ces appels en faveur de la miséricorde et de la justice. Nous le faisons aujourd'hui, et nous le ferons tant que persisteront ces souffrances, convaincus qu'un avenir pour tous peut être et sera trouvé.
  9. La Conférence d'Amman a été convoquée pour nous inciter à travailler en faveur de la paix, car des populations comme celle de Gaza, qui vivent en subissant une injustice permanente, continuent d'aspirer à une paix juste malgré 60 années de conflit et de désespoir. L'"Appel d'Amman" nous pousse, avec les Eglises de Terre Sainte au Moyen-Orient, "à agir, à prier, à parler, à travailler et à risquer nos réputations et nos vies pour construire avec elles des ponts qui mènent à une paix durable entre les peuples de cette terre si belle et si meurtrie."

Le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises, réuni à Genève, Suisse, du 13 au 20 février 2008:

A. demande instamment, avec les Eglises de Terre Sainte et avec le Conseil des Eglises du Moyen-Orient, qu'il soit mis fin sans délai au blocus de Gaza;

B. demande aux Eglises membres de continuer à rappeler au gouvernement israélien qu'il doit remplir vis-à-vis de la bande de Gaza ses obligations internationales en tant que puissance occupante, selon la Convention de Genève, en garantissant la fourniture de vivres, de médicaments, de carburant et d'eau, ainsi que des services essentiels tels que l'électricité et l'assainissement;

C. constate que des civils sont victimes d'attentats et sont tués, aussi bien en Israël que dans les territoires palestiniens occupés, et réitère sa condamnation formelle des attentats dirigés contre des civils;

D. charge les Eglises membres de vérifier que toutes les autorités exerçant des fonctions de contrôle et de gouvernement à Gaza et sur Gaza respectent les dispositions du droit international en matière de droits humains et celles du droit international humanitaire, et de les inciter à en remplir les exigences;

E. appelle les Eglises membres à s'exprimer en faveur de la population de Gaza, en public et avec les gouvernements de leurs pays, en préconisant la fin de la situation de siège, la fin des châtiments collectifs, ainsi qu'un cessez-le-feu négocié;

F. félicite les Eglises et leurs organisations partenaires qui agissent en vue d'empêcher les gouvernements de pays tiers, comme l'Union européenne et les Etats-Unis, de fournir une assistance financière à la puissance occupante pour des actions concernant Gaza qui seraient répréhensibles ou illégales selon le droit international; recommande en outre aux autres Eglises d'adresser des requêtes en ce sens aux gouvernements concernés;

G. appelle la communauté fraternelle des Eglises du COE à prier pour qu'il soit mis fin aux souffrances à Gaza et pour qu'on progresse en direction d'une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens;

H. invite les Eglises membres du COE prendre acte de l'"Appel d'Amman" de juin 2007, qui a lancé le Forum oecuménique Palestine Israël, et à le soutenir; il les invite également à se rassembler dans la défense de la paix sous l'égide de ce forum, ce qui englobe le Programme oecuménique d'accompagnement en Palestine et en Israël, la discussion des positions théologiques relatives à ce conflit, et la manifestation de l'Action internationale des Eglises pour la paix en Palestine et en Israël organisée du 4 au 10 juin 2008.

 

APPROUVÉ.