Les festivités pour les soixante quinze ans de Foi et Constitution, mouvement qui s'est lié au Conseil œcuménique des Églises dès sa création en 1948, ont eu lieu dimanche 25 août à Lausanne, en Suisse, parce que c'est là que s'est tenue la première session plénière de Foi et Constitution, en 1927.

Rappelons que si l'Église romaine n'a jamais voulu s'associer au Conseil oecuménique des Églises autrement que comme observatrice, elle est par contre devenue membre à part entière de la Commission Foi et Constitution : le Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens y siège avec voix délibérative depuis Vatican II. Certes, les méthodes et les compétences respectives de Foi et Constitution et du COE ne sont pas les mêmes, ce dernier pouvant aller jusqu'à faire des recommandations à ses Églises membres, alors que le premier ne peut faire plus que de soumettre des documents à l'étude. C'est que Foi et Constitution est un organe consultatif (en fait, une des Commissions du COE), alors que le COE est une «communauté fraternelle d'Églises». Mais la pleine participation catholique dans les travaux de Foi et Constitution n'en demeure pas moins une chance que les partisans de l'oecuménisme ne veulent pas négliger.

On en voudra pour preuve le nombre de personnes présentes lors des festivités à Lausanne, d'abord dans l'Aula de l'université (Palais Rumine), puis dans la cathédrale (protestante).

Dans son allocution de bienvenue dans l'Aula, Sa Sainteté Aram 1er (catholicos de Cilicie de l'Église apostolique arménienne - orthodoxe - du Liban), modérateur du Comité central du COE, a souligné que pour lui, dans son histoire personnelle, Foi et Constitution a été comme une école qui lui a donné «une vision de l'Église qui transcende les limites de [sa] propre Église». Le COE a, dès sa création, prôné un oecuménisme comme action commune (un

«horizontalisme»), face auquel, a dit Aram 1er, il est important de développer une réflexion amenant à une complémentarité entre Églises.

Parmi les interventions et les salutations prononcées à l'occasion de ce jubilé et coordonnées par le pasteur David Yemba (modérateur de la Commission Foi et Constitution), l'on a remarqué celle de Lukas Vischer (directeur de Foi et Constitution de 1966 à 1979). Il a rappelé une des affirmations-clé, en 1927, de l'évêque anglican Charles Brent, co-fondateur et premier président de Foi et Constitution, comme quoi «l'unité est une nécessité pratique», mais, a ajouté Lukas Vischer, il y faut aussi une vision commune. Le mouvement oecuménique ne peut pas, selon lui, se contenter d'être une «compétition spirituelle», parce que celle-ci suppose que l'un finisse par gagner par rapport aux autres. De plus, a-t-il averti, l'idée qu'une «main invisible» va finir par résoudre les problèmes (comme le «marché» est censé le faire dans l'économie ultra-libérale) est hérétique, car le Saint Esprit agit autrement. Ce à quoi il faut arriver, a-t-il insisté, c'est, dépassant la concurrence qui ne peut être que néfaste, que chacun reconnaisse l'autre dans sa différence comme étant pleinement Église.

Le Dr Madame Mary Tanner, une anglicane, ancienne présidente de Foi et Constitution, a ensuite relevé avec reconnaissance les fruits directs ou indirects du travail de Foi et Constitution durant ses 75 ans d'existence : entre autres le texte de Lima sur «baptême - eucharistie - ministère» (le fameux BEM, reçu en 1982), la Concorde de Leuenberg entre luthériens et réformées d'Europe, l'accord de Meissen entre anglicans et Églises protestantes d'Allemagne, et plus récemment celui de Reuilly entre réformés français et Églises de Grande-Bretagne. Une salutation de Mgr Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens, a été lue, pointant que «pour l'Église catholique la restauration de l'unité des chrétiens reste une préoccupation cruciale» et soulignant que «le seul vrai ressort de l'unité est l'Évangile».

La jeune théologienne grecque Anastasia Vassiliadou, stagiaire à la Commission Foi et Constitution, a fait sensation lorsqu'elle a appelé la Commission à ouvrir le domaine des idées qui est le sien à l'expérience de foi et à la communion ainsi qu'à une vision intégrant toute la création. À cette condition, lançait-elle, «l'unité n'est ni une cause perdue ni mission impossible. Rappelant que la référence au Christ est le seul critère valable de l'unité et que par suite l'essentiel est non seulement de discuter de la foi, mais de la vivre, elle a mis le mouvement oecuménique au défi de trouver une véritable «spiritualité oecuménique».

Défi que tentait de relever, peu après, la célébration qui a rassemblé dans la cathédrale de Lausanne près de 3 000 personnes venues de la ville et ses environs et de la session du Comité central du COE débutant dès le lendemain à Genève. Haute en couleurs, émaillée de gestes symboliques, préparée par une large équipe composée de délégués de toutes les Églises du Canton de Vaud (Suisse) et de représentants de la Commission Foi et Constitution, animée par plusieurs chorales, dont une d'enfants, cette célébration de plus de deux heures a fait passer dans les faits, pour une fois, une dimension qui fait souvent écueil dans les progrès oecuméniques : la relation directe entre le peuple de l'Église et les instances oecuméniques internationales.

C'est la promesse «Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps» qui a servi de fil conducteur pour cette célébration destinée à «manifester la communion réelle qui [nous] unit déjà et [à] demander [à Dieu] la pleine communion entre [nos] Églises».

Insérant l'événement du jour dans la longue histoire de la cathédrale, «haut-lieu spirituel de l'Église évangélique réformée du Canton de Vaud», la célébration a rappelé les paroles de l'évêque Brent en ce lieu-même, le 3 août 1927, quand il «proclama la volonté de Jésus de rassembler ses frères et soeurs dispersés : Qu'ils soient un, afin que le monde croie que tu m'as envoyé.

Après la prédication de Mgr Anastase, archevêque orthodoxe de Tirana, Durres et toute l'Albanie, l'assemblée prononçait avec ferveur et d'une seule voix la confession de foi selon le Symbole de Nicée-Constantinople «Nous croyons en un seul Dieu...»

Les membres du Comité central du COE ont quitté la cathédrale de Lausanne à l'issue de la célébration pour se rendre à Genève, où leur session 2002 devait débuter dès le lendemain, dans les locaux mêmes du Centre oecuménique.