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Tarek Mitri, évêque Anders Wejryd. Photo: Marcelo Schneider/COE

Tarek Mitri, évêque Anders Wejryd. Photo: Marcelo Schneider/COE

La guerre, le conflit ethnique, des millions de réfugiés, une situation humanitaire qui se dégrade, la discussion sur le Moyen-Orient se déroule dans un contexte sinistre.

Et pourtant le moment n’est pas venu de céder à la désillusion et à la peur, selon plusieurs témoins de la pièce mortelle qui se joue là-bas.

Les réalités du Moyen-Orient étaient au centre des discussions en plénière, le 25 juin, à la réunion du comité central du Conseil œcuménique des Églises (COE), à Trondheim en Norvège. La séance était présidée par l’évêque suédois Anders Wejryd, président du COE pour l’Europe.

Tarek Mitri, du Patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche, professeur à l’université américaine de Beyrouth, a dit que la soif de démocratie qui a alimenté le printemps arabe vit encore profondément sous les braises présentes dans toute la région, peut-être pas cependant sous la forme des modèles très occidentaux imaginés par les Européens et les Américains.

Mitri a admis que les luttes contre les régimes autoritaires précédents ont abouti, en Syrie, en Irak et en Lybie, à des conflits très largement ethniques et religieux ou ont accéléré le retour de gouvernements autoritaires, comme en Égypte.

« Les groupes ethniques et les groupes religieux, dit-il, sont à la fois acteurs et victimes de politiques identitaires » à travers le monde arabe. « On a toutes les raisons de craindre que de nombreux pays continuent à sombrer dans la désintégration, la violence et le chaos. Pourtant, des changements sont en train de se produire qui pourraient… ouvrir la voie à la régénération ».

En citant les régressions qui ont eu lieu en Syrie, en Irak, en Égypte, en Lybie et en Palestine, Tarek Mitri a admis que « la transition d’un régime autoritaire vers la démocratie s’est révélée plus difficile qu’on ne s’y attendait ». Et que « le chemin difficile vers un changement démocratique ne se fera pas en adoptant un modèle de transition supposé universel ».

Il faudrait plutôt selon lui mettre l’accent sur l’apparition d’une culture d’inclusion, à la fois sur les plans interethnique et interreligieux. « Les chrétiens disposent des instruments intellectuels et de la motivation morale » nécessaires, ainsi que « des ressources spirituelles permettant de résister à l’alarmisme guerrier ». L’avenir des chrétiens et d’autres, au Moyen-Orient, dépend de « la capacité de tous de reconstruire des états basés sur la citoyenneté et la primauté du droit, tout en reconnaissant la richesse de la pluralité religieuse et culturelle ».

La triste litanie syrienne – avec peut-être un demi-million de morts, 14 millions de personnes nécessitant des secours humanitaires, 6 millions de personnes déplacées et 5 millions de réfugiés – a servi de toile de fond à l’intervention de Hind About Kabawat sur « les impératifs éthiques d’une situation difficile » en Syrie. Elle est responsable de programme au United States Institutes of Peace, où elle s’occupe principalement de diplomatie.

« Malgré cette situation tragique – a-t-elle déclaré – il y  encore des signes d’espoir, et d’excellente initiatives en faveur de la paix sont en cours ». Tout en saluant l’implication du COE dans la recherche d’une solution non militaire et pour un engagement interreligieux, elle a invité les Églises à se concentrer à court terme sur les vrais besoins humains par un travail humanitaire et, à long terme, sur la mise en place d’institutions d’éducation et d’autres collectivités locales pour créer des signes d’espérance pour l’ensemble de la population. Elle les a également incitées à faire pression en faveur d’un véritable cessez-le-feu, de la fin des sièges et de « la famine comme arme de guerre », ainsi que pour la libération des prisonniers politiques.

Muna Mushahwar, co-modératrice du Forum œcuménique Palestine-Israël, organisation due à l’initiative du COE, a insisté sur le cycle « occupation, humiliation, incarcération » à Gaza, à Jérusalem et en Cisjordanie. Au cours du conflit Israël-Gaza dans l’été 2014, a-t-elle dit, 2139 personnes ont perdu la vie (dont 500 enfants), 11 000 ont été blessées, 500 000 personnes ont été déplacées et « Gaza a été transformé en un tas de décombres ».

Que peuvent faire les Églises ? Muna Mushahwar dit, elle aussi, que les chrétiens « doivent se concentrer sur les êtres humains » et leurs besoins concrets en s’occupant des écoles et des bibliothèques, en utilisant leurs pèlerinages en terre saint pour rencontrer les gens et travailler avec eux, pour mettre à exécution le cadre du document Kairos, pour encourager la résistance non violente.

Hany Fawzi, de l’Église copte orthodoxe, voit des signes d’espoir dans le rôle de la génération du millénaire en Égypte au cours de la révolution de 2011 et depuis lors. 40% des Égyptiens sont âgés de moins de 40 ans. À son avis, la façon dont ces personnes utilisent les médias sociaux va non seulement ouvrir la voie à de nouvelles agences de changement, mais signale l’arrivée et l’importance d’une nouvelle génération de militants au Moyen-Orient. « Des réseaux mondiaux d’indignation et d’espoir, dit-il, qui défendent les mêmes valeurs universelles et qui luttent contre l’oppression » permettent de prévoir, à long terme, la victoire d’un style de gouvernement sans exclusive, des droits humains et d’une vie religieuse ouvertement pluraliste.

Pour plus d’information:

Les Eglises au Moyen-Orient

Promouvoir la paix juste

Réunion du Comité Central du COE