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© Église orthodoxe d’Ukraine

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* Peter Kenny

Les efforts œcuméniques menés sous l’égide du Conseil œcuménique des Églises (COE) se poursuivent pour encourager la paix en Ukraine, où un cessez-le-feu fragile est chaque jour mis à l’épreuve de la violence dans la partie orientale du pays.

Depuis la révolution ukrainienne de février 2014, la Fédération de Russie a annexé la péninsule de Crimée et une guerre fait rage contre les combattants séparatistes pro-russes dans l’est du pays.

Le conflit a débuté quand le gouvernement élu après la révolution a manifesté son intérêt pour un resserrement des liens avec l’Europe de l’Ouest. Dressant les pays occidentaux et la Russie les uns contre l’autre, le conflit a pris une tournure non seulement nationale, mais aussi régionale et internationale.

En février, les dirigeants politiques concernés sont parvenus à un accord, dit de Minsk II, visant à mettre un terme aux combats. De leur côté, des responsables d’Église et d’autres religions s’affairent en coulisses pour assurer sa mise en œuvre, alors que les deux parties au conflit s’accusent régulièrement de l’avoir enfreint.

Un processus initié par une récente visite œcuménique

Une délégation emmenée par le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, s’était rendue en Ukraine du 17 au 20 mars 2015. Un peu plus tard, en avril, une rencontre a eu lieu à Moscou entre le pasteur Tveit et le patriarche Kirill, primat de l’Église orthodoxe russe, où plusieurs questions ont été abordées, dont celle de l’Ukraine.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDC) des Nations Unies avait indiqué dans son dernier rapport, le 15 février: «Les répercussions du conflit sur les droits humains des personnes vivant dans les zones touchées par les combats dans les régions de l’est sont dramatiques et représentent fréquemment une menace pour la vie dans les zones de combats et de pilonnage aveugle.»

À partir de ses observations, l’archevêque émérite de l’Église de Suède Anders Wejryd, président du COE pour l’Europe, a confirmé que la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine était grave.

«Les destructions dans des localités comme Lyssytchansk sont presque totales et la zone est en grande partie dépeuplée», a expliqué l’archevêque Wejryd. On lui a rapporté que beaucoup de gens seraient mortes de faim dans leur cave, sans aucune possibilité d’aller chercher de quoi manger à cause de l’intensité et de la durée des combats.

«Les personnes qui sont restées sur place dépendent largement de l’aide extérieure, dont une part importante est fournie grâce à des Églises et des organisations qui leur sont liées. Mais il ne suffit pas de répondre à leurs besoins», a-t-il déclaré.

La délégation s’était rendue en Ukraine pour entendre les points de vue des Églises et des autres partenaires sur place. La délégation a pu entendre des responsables d’Église, mais aussi des responsables politiques et des représentants du gouvernement, des habitants et des membres de la communauté religieuse.

Elle a réfléchi aux éventuelles contributions que le COE et la communauté œcuménique pourraient apporter aux efforts entrepris par les Églises et communautés religieuses pour créer les conditions propices à l’arrêt du conflit, menant ainsi à la réconciliation dans une paix juste.

La plupart des Ukrainiens sont membres d’une communauté religieuse, en général d’une Église. La foi joue un rôle important dans leur vie, ont expliqué les membres de la délégation.

L’Église orthodoxe d’Ukraine (Patriarcat de Moscou) est la plus grande Église du pays, avec des paroisses sur l’ensemble du territoire, des deux côtés de la ligne de front, et une longue histoire faisant toute leur place aux identités ukrainienne et russe. Son potentiel est donc énorme pour promouvoir la paix et la réconciliation nationale.

«Du fait qu’elle est l’Église majoritaire en Ukraine [...] et qu’elle a officiellement affirmé et réitéré son engagement en faveur de l’intégrité territoriale et de l’unité de l’Ukraine, l’Église orthodoxe d’Ukraine a une capacité particulière en la matière et a la responsabilité de montrer la voie», avait indiqué la délégation du COE dans un communiqué après sa visite dans le pays.

«Nous avons été agréablement surpris du bon esprit œcuménique qui règne au sein du Conseil pan-ukrainien des Églises et organisations religieuse», a déclaré l’archevêque Wejryd. Cette organisation est constituée de représentant de quasiment toutes les traditions religieuses présentes en Ukraine, y compris des communautés juive et musulmane.

«Nous avons découvert qu’au sein du Conseil pan-ukrainien, on affirme ses points de vue et on est ouvert au débat», a déclaré la pasteure Karin van den Broeke, présidente du Synode général de l’Église protestante des Pays-Bas et membre de l’équipe œcuménique qui s’est rendue en Ukraine.

«Nous avons estimé que cela contribuait grandement au processus de paix. Les membres du Conseil pan-ukrainien des Églises et organisations religieuses ont fait part de leur souhait d’être en contact direct avec le mouvement œcuménique international.»

Outre les destructions causées par la guerre dans l’est de l’Ukraine, le conflit a eu des répercussions économiques tant sur la Russie que sur l’Ukraine, répercussions qui à leur tour ont eu des effets néfastes sur les gens ordinaires dans les deux pays.

La Banque mondiale a indiqué que l’économie de l’Ukraine s’était contractée de 8% au cours de l’année 2014 à cause de la crise.

Sanctions économiques

Dans le même temps, les sanctions économiques imposées à la Russie par les pays occidentaux ont contribué à la dépréciation du rouble russe.

Les médias font état d’une crise financière en Russie résultant du conflit en Ukraine, tandis que, sur la scène internationale, les relations Est-Ouest se sont dégradées.

La pasteure Van den Broeke a déclaré que le COE avait exposé avec prudence les possibilités qui s’offrent aux communautés religieuses d’Ukraine dans un processus de réconciliation.

«Certaines personnes s’attendaient à ce que le COE vienne avec des déclarations fermes sur la situation politique en Ukraine», a indiqué la pasteure van den Broeke, soulignant que la prudence était de mise de la part d’une communauté fraternelle d’Églises.

Elle a expliqué que l’organisation œcuménique devait maintenir le contact avec les différentes parties et «encourager toutes les personnes de convictions qui partagent l’espoir d’une Ukraine en paix.»

Les membres de la délégation ont souligné que le Conseil pan-ukrainien des Églises et organisations religieuses parle d’une même voix en faveur de la paix et la réconciliation dans le contexte du conflit actuel.

«C’est n’est que la toute première étape d’un processus qui pourrait être couronné de succès», a affirmé l’archevêque Wejryd dans son interview.

L’est en proie à la guerre

L’archevêque Wejryd s’est rendu dans la partie orientale du pays, où la guerre fait rage, pour voir de ses propres yeux le travail mené par une organisation ecclésiale affiliée à l’Église orthodoxe d’Ukraine (Patriarcat de Moscou).

«J’ai été impressionné par l’esprit d’entreprise et le pragmatisme de l’organisation, qui a fait parvenir près d’une centaine de camions remplis de produits de première nécessité provenant essentiellement de dons d’habitants de l’ouest de l’Ukraine», a indiqué l’archevêque. «Les populations locales de l’est en sont extrêmement reconnaissantes.»

À l’approche de négociations à Berlin, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier avait appelé en avril la Russie et l’Ukraine à mettre en œuvre la phase suivante des fragiles accords de paix de Minsk visant à faire cesser les combats dans l’est de l’Ukraine.

Selon des agences de presse, les ministres allemand, français, russe et ukrainien des Affaires étrangères ont, à l’issue des négociations, exprimé leur «vive inquiétude» au sujet des violations du cessez-le-feu dans les régions de l’est de l’Ukraine tenues par les séparatistes, mais ils se sont engagés à poursuivre le dialogue.

Dans la partie occidentale de l’Ukraine, le patriarche Philarète, chef de l’Église orthodoxe d’Ukraine (Patriarcat de Kiev) – qui a fait scission de l’Église orthodoxe d’Ukraine dépendant du Patriarcat de Moscou en 1992 –, soutient le président ukrainien Petro Porochenko et tient des propos virulents à l’encontre du président russe Vladimir Poutine.

La relation entre les Églises orthodoxe d’Ukraine relevant du Patriarcat de Moscou et du Patriarcat de Kiev a toujours été difficile. Néanmoins, les représentants des deux Églises coopèrent dans le cadre du Conseil pan-ukrainien des Églises et organisations religieuses.

Le Patriarcat de Kiev compte un nombre important de fidèles dans l’ouest du pays, mais il n’a jamais été reconnu par aucune autre Église orthodoxe depuis son schisme d’avec le Patriarcat de Moscou.

Pour la pasteure van den Broeke, «la position de l’Église orthodoxe d’Ukraine (Patriarcat de Moscou) est peut-être la plus difficile dans le pays.»

«Au sein même de cette Église s’expriment différentes opinions sur la situation en Ukraine. Par ailleurs – et c’est le point positif que le COE souhaite mettre en avant – elle dispose d’un potentiel énorme pour aller vers la justice et la paix», a déclaré la pasteure néerlandaise.

L’archevêque Wejryd a exprimé l’espoir que le patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe poursuive et intensifie ses efforts en faveur de la paix et de la stabilité dans la région.

L’archevêque a ajouté: «Je pense que c’est à l’Église orthodoxe d’Ukraine relevant du Patriarcat de Moscou qu’il revient d’exploiter les possibilités.»

Dans la déclaration publiée au terme de la visite de la délégation en Ukraine, il était dit: «Le COE s’efforcera de trouver les moyens et les méthodes qui lui permettront d’accompagner les Églises et la population d’Ukraine dans un pèlerinage de justice et de paix.

«La délégation appelle les Églises membres du COE, dans le monde entier, à prier et agir pour une paix assortie de justice en Ukraine.»

Le COE publie une déclaration sur sa visite en Ukraine (Communiqué de presse du COE du 20 mars 2013)

Berlin, Kiev, Moscou et Paris appellent à la fin des combats en Ukraine

*Peter Kenny est journaliste et consultant en communication. Il écrit pour Ecumenical News, le Wall Street Journal, The Star de Johannesburg et d’autres médias.